Une usine à 650 millions d'euros pour produire du kérosène durable à Lacq

Assurer 20 % de la production française de kérosène durable à horizon 2030 : c'est l'ambition du projet BioTJet annoncé par Emmanuel Macron dans le cadre d'un plan de décarbonation de l'aviation. Un consortium mené par Elyse Energy investira 650 millions d'euros dans une usine de de biocarburants à Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, avec 700 emplois promis sur ce bassin industriel en reconversion. Mais, seul, le kérosène durable ne permettra pas de décarboner le secteur.
L'usine BioTJet d'Elyse Energy sur le bassin de Lacq s'appuiera sur la technologie BioTFuel, ici en photo, développée dans les Hauts-de-France depuis 2021.
L'usine BioTJet d'Elyse Energy sur le bassin de Lacq s'appuiera sur la technologie BioTFuel, ici en photo, développée dans les Hauts-de-France depuis 2021. (Crédits : TotalEnergies)

Prévue pour le 21 juin sur le stand de la Région Nouvelle-Aquitaine au Salon du Bourget, l'annonce n'aura pas tenu jusque-là. Et pour cause, c'est Emmanuel Macron, lui-même, qui a chamboulé le calendrier à l'occasion de la visite d'une usine de moteurs d'avion de l'entreprise Safran à Villaroche (Seine-et-Marne) pour parler décarbonation du secteur aérien. Le chef de l'État a présenté une feuille de route pour développer un avion plus sobre assortie de 750 millions d'euros d'aides et d'investissements.

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Il faut dire que le projet n'est pas anodin pour le territoire du bassin du Lacq, près de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques puisqu'il s'agit « du plus gros investissement sur le territoire depuis la découverte d'un gisement de gaz à Lacq en 1951 », assure ainsi Elyse Energy. C'est cette PME industrielle lyonnaise qui sera à la manœuvre du projet BioTJet en détenant les deux tiers du capital aux côtés de quatre autres partenaires Avril, Axens, Bionext et IFP Investissements. Elle avait déjà annoncé à l'automne dernier un premier investissement de 350 millions d'euros dans une usine de méthanol décarboné utilisé dans la peinture, le textile ou encore le plastique.

Du kérosène issu de déchets végétaux

Pour ce nouvel investissement de 650 millions d'euros, dont 200 millions d'euros de fonds publics, l'objectif est de produire du « e-biokérosène ». Concrètement, il s'agit de carburant pour les avions fabriqués à partir de biomasse, c'est-à-dire des « résidus agricoles et forestiers sans concurrence avec les usages alimentaires » et d'hydrogène bas-carbone. Pour produire cet hydrogène, l'usine utilisera la technologie BioTFuel, développée par les mêmes partenaires dans les Hauts-de-France depuis 2021. Elle « combine la conversion de la biomasse (torréfaction, gazéification, traitement du syngas et synthèse Fischer-Tropsch) et l'injection d'hydrogène externe pour améliorer son rendement bas carbone ».

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Et les ambitions affichées sont énormes puisqu'il est question, à l'horizon 2028/2030 de fournir 75.000 tonnes de carburants pour participer à la décarbonation du transport aérien et 35.000 tonnes de naphta à destination du transport routier et de la chimie verte. Cela devrait représenter 20 % des besoins nationaux en kérosène durable en conformité avec les principes de la feuille de route nationale dont « l'assurance de la durabilité des carburants d'aviation produits sur le territoire, la mise en place de chaînes logistiques économes, la cohérence avec les initiatives supranationales et la viabilité économique de la filière. »

700 emplois à l'horizon 2028

L'usine doit s'installer sur 45 hectares sur l'ancienne friche du fabricant d'engrais chimiques Yara France. Après une enquête publique, la construction devrait débuter en 2025 pour une mise en servie annoncée pour 2028. Les porteurs du projets chiffrent les retombées économiques de BioTJet à environ 100 emplois directs et 600 indirects dans la filière bois et déchets, sur un bassin qui en compte 8.000 dont 35 % dans l'industrie. « La Région Nouvelle-Aquitaine s'est fortement mobilisée pour accueillir ce projet d'usine de biokérosène d'Elyse Energy sur le bassin de Lacq, qui va devenir une vallée emblématique de l'industrie verte », salue Alain Rousset, le président du conseil régional. L'aéroport de Bordeaux-Mérignac a également pris le sujet en main depuis l'an dernier en proposant aux compagnies jusqu'à 30 % de biocarburant.

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Brandis comme une solution par les leaders de la filière comme par les responsables politiques, les carburants durables - « sustainable air fuel » - ne pourront cependant pas répondre à tous les besoins à l'horizon 2030. S'ils sont à court terme plus efficaces et crédibles que les motorisations électriques et à hydrogène, il n'y en aura probablement pas suffisamment compte tenu de la concurrence entre les différents modes de transport. D'autre part, les biocarburants qui sont « actuellement de quatre à huit fois plus chers » que le kérosène classique, selon le président de la Fédération nationale de l'aviation marchande, devraient rester durablement plus coûteux. Air France évalue ainsi le surcoût à un milliard d'euros par an en 2030.

Et cela ne doit pas exonérer le secteur aéronautique de travailler à la fois sur d'autres solutions technologiques (efficacité énergétique, poids, remplissage des avions, optimisation des trajectoires) mais aussi sur un changement des usages par un report modal et une réduction du trafic. L'aviation pèse environ 3 % des émissions de CO2 au niveau mondial et 5,3 % en France mais ce sont bien les perspectives de croissance du trafic aérien de 3,6 % par an qui rendent illusoire l'objectif de neutralité carbone en 2050. Un calendrier qui reste dans tous les cas déconnectés de l'urgence climatique actuelle.

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