C'est ce qu'on appelle battre le fer tant qu'il est chaud. Alors que le gouvernement a annoncé le 5 avril un plan de bataille pour le solaire français et européen face à la concurrence chinoise, et que le très attendu décret sur l'agrivoltaïsme a enfin été publié le 9 avril, le maire de Bordeaux s'empare à son tour du sujet stratégique du photovoltaïque. Devant près d'une centaine de professionnels conviés à la mairie ce mercredi 10 avril, Pierre Hurmic a appelé à la mobilisation générale : « Nous devons faire ensemble de Bordeaux une ville solaire ! Nous avons besoin de vous. En juin prochain, je veux signer une alliance pour le solaire pour qu'un maximum de mètres carrés [de panneaux photovoltaïques, NDLR] soient déployés d'ici 2026 ! », a-t-il lancé.
Avec une trentaine de sites déployés sur des bâtiments municipaux et huit de plus qui doivent être branchés cette année, la « ville solaire » est le nouveau mot d'ordre politique du maire de la ville de pierre. L'élu écologiste a endossé depuis plusieurs mois déjà un véritable costume de VRP du photovoltaïque auprès de ses interlocuteurs locaux et nationaux du public comme du privé. Deux projets emblématiques sont notamment brandis : la solarisation de la Base sous-marine et la construction d'un boulevard solaire expérimental au nord de la ville. Au total, la ville a identifié 60.000 m2 de panneaux photovoltaïques à déployer d'ici 2026 sur son propre patrimoine, mais elle entend désormais fédérer l'ensemble des acteurs : propriétaires fonciers privés et publics, institutionnels, entreprises, collectivités, énergéticiens, développeurs, fabricants, installateurs, financeurs, assureurs, etc.
La Cité municipale de Bordeaux est couverte de panneaux solaires depuis plusieurs années. La municipalité prévoit de déployer 3.000 m2 de photovoltaïque en toiture en 2024 (crédits : Neomix).
Des projets concrets
« L'enjeu c'est de susciter un effet d'entraînement de toutes les parties prenantes qui détiennent chacune une pièce du puzzle de la transition énergétique. Il est temps d'aller au-delà des annonces et de passer au déploiement », appuie Claudine Bichet, la 1ere adjointe chargée des finances, du défi climatique, de la transition énergétique et de l'égalité femmes/hommes. Au-delà d'une signature symbolique, l'équipe municipale entend donc faire le plein de projets concrets en mobilisant les acteurs, dans leur diversité et leur complémentarité, et en contribuant à faire sauter tous les freins sur le sujet. « Chacun devra arriver en disant ce qu'il compte faire concrètement d'ici 2026 et nous nous tiendrons aux côtés de tous ceux qui veulent s'engager sur ce sujet », ajoute-t-on dans l'entourage du maire de Bordeaux, à l'adresse, notamment, des plus gros propriétaires publics, parapublics et privés.
Et l'intérêt semble au rendez-vous : « Nous ne construisons plus de logements, donc nous regardons logiquement où est-ce qu'on peut déployer du photovoltaïque sur l'existant », reconnaît un promoteur immobilier, un brin ironique. L'EPA Bordeaux Euratlantique a lancé une étude pour quantifier le potentiel photovoltaïque de cette vaste opération d'intérêt national qui s'étend sur plus de 730 hectares à Bordeaux, Bègles et Floirac, tandis qu'Enedis constate un doublement des demandes de raccordement en autoconsommation collective dans la région où plus de 40 installations sont déjà opérationnelles.
Encore des freins à lever
À Bordeaux même, le frémissement est tangible tant chez les particuliers, avec une multiplication par sept des demandes d'installation de solaire en toiture en 2023 par rapport à 2019, et des supermarchés qui sont déjà passés aux actes. Le Carrefour de Caudéran a ainsi déployé des ombrières solaires sur son parking après avoir réalisé des travaux d'optimisation thermique permettant environ 30 % de consommation énergétique. « On a mené ce projet en deux ans, le plus compliqué a finalement été de trouver un financement. On entend que tout le monde veut financer le green mais dans les faits c'est une autre histoire ! », observe Olivier Cornuaille, le directeur du magasin, qui évoque finalement un retour sur investissement attendu en seulement sept ans.
Car les freins financiers, techniques, architecturaux, assurantiels restent bien réels. D'autant que tous les professionnels le rappellent : rien ne sert de poser des panneaux solaires sur un bâtiment qui n'est pas lui-même performant sur le plan thermique. D'où la nécessité de financer aussi la rénovation énergétique du bâti. Et encore faut-il disposer des surface suffisantes ou des technologies compatibles avec l'environnement urbain. La ville de Bordeaux teste d'ailleurs différentes solutions - ombrières, membranes, ardoises - sur des sites tels que des gymnases, des écoles et bâtiments administratifs. « La rentabilité du solaire est éprouvée, le rendement des panneaux ne cesse de progresser. L'enjeu c'est désormais la massification du photovoltaïque partout où c'est possible », affirme-t-on à la mairie qui espère être entendue en tant que capitale de la première région solaire française sur le plan de la puissance installée, de la production et du volume de raccordement.
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