Europlasma seul repreneur pour Valdunes, dernier fabricant français de roues de trains

Spécialiste de la destruction des déchets dangereux et, plus récemment, investi dans l'industrie de la défense, Europlasma s'apprête à mettre un pied dans le ferroviaire. Le groupe landais vient ainsi de déposer la seule offre de reprise des deux sites de Valdunes, dans le Nord, le dernier fabricant en France de roues de train. Symptomatique des enjeux de souveraineté et de décarbonation industrielle, le dossier est suivi de près par Bercy.
Avant de s'élargir au secteur de la défense, Europlasma s'est développé sur la technologie de la torche à plasma pour neutraliser des déchets dangereux.
Avant de s'élargir au secteur de la défense, Europlasma s'est développé sur la technologie de la torche à plasma pour neutraliser des déchets dangereux. (Crédits : Agence Appa)

La France, pays de train si l'en est, peut-elle se passer d'une capacité propre de fabrication d'essieux et de roues de train ? C'est le sujet que pose l'avenir des deux sites de Valdunes dans le Nord : l'usine de Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, et la forge de Leffrinckoucke, près de Dunkerque. L'entreprise de 300 salariés a été placée en redressement judiciaire le 20 novembre 2023 après que MA Steel, son propriétaire chinois depuis 2014, a annoncé qu'il n'y injecterait plus d'argent. Fin 2022, Valdunes affichait 68,5 millions d'euros de chiffre d'affaires et 13,8 millions de pertes nettes. Mais malgré l'inquiétude exprimée par le gouvernement et l'Elysée, qui a promis de se battre « jusqu'au dernier quart d'heure », les repreneurs ne se sont pas bousculés.

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Il y a eu l'intérêt momentané du groupe ukrainien Interpipe et la proposition de la CGT de créer un consortium entre Asltom et la SNCF pour sauver Valdunes. Mais à l'issue du délai fixé par le tribunal de commerce de Lille au 31 janvier 2024, seul Europlasma a déposé une offre de reprise sous conditions. La veille, Jérôme Garnache-Creuillot, le PDG d'Europlasma, est venu visiter l'usine et rencontrer les salariés. Et s'il avait prévu dans un premier temps de ne reprendre que la forge de Valdunes, il a finalement déposé une offre qualifiée de globale. Celle-ci prévoit la reprise des fonds de commerce et des actifs des deux sites et de 175 des 300 salariés en déployant un projet capable de « maintenir l'ensemble des étapes industrielles nécessaires à la préservation de la filière française de production de routes de train ». Une reprise qui serait adossée à un investissement de 24 millions d'euros, selon le ministère de l'Economie qui suit le dossier de près.

Une reprise adossé à un soutien public

Mais le groupe industriel pose également une série de conditions à respecter d'ici le 20 mars, date de la décision du tribunal de commerce. Il s'agit notamment de l'absence de changement défavorable substantiel de l'activité de Valdunes, de la finalisation des engagements clients sur les volumes d'acquisition de roues et, surtout, de la concrétisation du soutien financier de l'Etat et des collectivités locales au chevet du site. « Des questions se posent autour du financement des pouvoirs publics (...) Côté Etat, on a toujours dit qu'on était prêt à soutenir. Donc on le fera », a précisé le ministère de l'Economie à l'AFP.

« Si Europlasma fait une offre globale, c'est parce que l'Etat leur met la pression, » juge ainsi le secrétaire CGT du CSE de Valdunes, Maxime Savaux, interrogé par l'AFP. « Leur décision reposera uniquement sur les garanties d'Etat », l'argent public engagé. Néanmoins, « c'est un soulagement parce qu'on a réussi à conserver une filière ferroviaire française et à sauver 175 postes, mais il y a quand même 130 personnes qui vont rester sur le carreau, on ne peut pas s'en réjouir », poursuit Maxime Savaux qui espère encore « convaincre Europlasma » de conserver davantage de salariés. Il craint que la majorité des suppressions d'emploi concernent le site de Trith-Saint-léger, où sont usinés essieux et roues, puisque Europlasma s'était dans un premier temps positionné pour une reprise de la forge seule.

Un groupe protéiforme spécialiste du retournement

Créé en 1992, le groupe landais, dont le siège est à Morcenx et les équipes administratives en Gironde, est historiquement positionné sur le traitement des déchets dangereux grâce à technologie de torche à plasma. Il s'agit notamment de neutraliser l'amiante, l'aluminium ou encore des déchets radioactifs pour en faire des CSR (combustible solide de récupération) inertes. Côté en bourse, Europlasma a été en grande difficulté, au point d'être placé en redressement judiciaire début 2019, avant de renouer avec une stratégie de croissance depuis sous la houlette de Jérôme Garnache-Creuillot.

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Le groupe également s'est notamment diversifié ces dernières années en devenant, de fait, un spécialiste du retournement, c'est-à-dire de la reprise d'entreprises en difficulté avec la bénédiction des pouvoirs publics. Après avoir mis la main sur les Forges de Tarbes, fabricant de corps creux pour les obus de 155mm, sur l'usine de Luxfer qui produit des bouteilles de gaz pour l'oxygène médical dans le Puy-de-Dôme), puis sur l'entreprise Satma Industries, qui fabrique des condensateurs électrolytiques en Isère, Europlasma s'apprête donc à mettre un pied dans le ferroviaire.

Et, pour se démarquer, le groupe porte à moyen terme un projet de décarbonation des activités de Valdunes dans le Nord. Europlasma « projette ainsi d'y installer des équipements de production d'énergies renouvelables, tels qu'une chaudière fonctionnant au CSR et de convertir les équipements fonctionnant au gaz en moyens de productions alimentés en électricité. » L'objectif serait d'en faire un avantage concurrentiel dans le cadre des appels d'offres publics et para-publics dans lesquels le critère de l'empreinte carbone est de plus en plus valorisée.

Europlasma tiré par ses activités de défense

Au premier semestre 2023, Europlasma affichait un chiffre d'affaires de 7,2 millions d'euros (-1 %) et une baisse de son résultat opérationnel courant (-8,5 M€ vs -7,5 M€ au 1er semestre 2022) liée à « des décalages de chiffre d'affaires imputables à un sous-traitant ». L'activité du groupe est notamment appelée à croître sur ses nouveaux métiers de la défense tirés par la guerre en Ukraine. Les Forges de Tarbes ont ainsi fabriqué près de 15.000 corps creux au premier semestre 2023 (+182 %) dans le cadre d'une commande de 30 000 unités pour le secteur de la Défense. L'an dernier, la société qui compte une quarantaine de salariés a également engrangé deux nouvelles commandes sur la période, dont une historique pour la fourniture de près de 66.000 pièces, deux agréments pour exporter les corps creux de gros calibre produits à Tarbes et un accord de coopération avec une entreprise publique ukrainienne pour lui fournir 360.000 pièces sur trois ans.

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Pour répondre à la demande, Europlasma projette d'augmenter sa capacité de production à 160.000 corps creux par an dès 2025. Et c'est pour capitaliser sur cette dynamique que le groupe travaille à l'introduction en bourse des Forges de Tarbes dans le cadre de discussions avec Adomos, entreprise spécialisée dans l'investissement immobilier locatif. Les deux sociétés sont entrées en négociation exclusives le 7 décembre dernier en vue d'un rapprochement capitalistique par un rapport de 49 % des Forges de Tarbes à la société Adomos qui resterait cotée sur Euronext Growth mais passerait sous le contrôle d'Europlasma. L'objectif étant de « faire émerger en bourse un acteur centrée sur le secteur de la défense ». En 2022, Adomos a réalisé 5,45 millions d'euros de chiffre d'affaires pour un résultat négatif de -3,27 millions d'euros.

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Commentaires 3
à écrit le 03/02/2024 à 20:38
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Sur le court terme, l'entreprise rachetée dispose peut-être de machines-outil compatible avec l'activité de fabrication des corps creux d'obus. Cela permettre à au racheteur de doper à court terme ses capacités de production, et à l'entreprise rachet...

à écrit le 03/02/2024 à 9:13
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Quand je dis que le train à d'abord et avant tout besoin de responsables qui aiment le train et non qui continuent de le dépecer au nom des lobbys financiers.

à écrit le 02/02/2024 à 18:12
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Bonjour, bien sur, avec les commandes de munitions de l'ukraine se groupe industriel a les moyens d'acheter les entreprises en difficulté... Encore un qui a sus prendre.dre le vent... Maintenant, pas question de dépenser de l'argent publique lor...

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