Les énergies renouvelables cherchent leurs terres promises

ENJEUX. Selon les scénarios énergétiques de RTE, la puissance du parc renouvelable français doit être multipliée de deux à six d'ici 2050. Mais alors que ces énergies sont particulièrement gourmandes en foncier, leur développement se heurte aux obligations de préservation des sols. Réunie aux Assises européennes de la Transition énergétique à Bordeaux, la filière revoit sa stratégie.
Maxime Giraudeau
L'énergie photovoltaïque, ici la centrale de Dijon-Valmy opérée par EDF Renouvelables en Côte-d'Or, doit convaincre de sa complémentarité avec d'autres activités, comme l'agriculture.
L'énergie photovoltaïque, ici la centrale de Dijon-Valmy opérée par EDF Renouvelables en Côte-d'Or, doit convaincre de sa complémentarité avec d'autres activités, comme l'agriculture. (Crédits : EDF Renouvelables)

Il y a des paradoxes saisissants. L'impasse qui s'annonce pour les énergies renouvelables en est un. Pour se passer des énergies fossiles en 2050, la France va devoir faire croître son parc renouvelable de 150 % au minimum en terme de puissance, selon les scénarios de RTE. Pour le photovoltaïque, c'est une multiplication par sept, au minimum, qui est annoncée. Dans le même temps, l'implantation foncière des installations sera bridée par les nouvelles lois environnementales : compensation de la biodiversité impactée, zéro artificialisation nette ou encore interdiction d'aménagement sur des terres forestières. Pour le photovoltaïque, l'éolien ou la méthanisation, l'âge d'or n'arriverait donc jamais ?

Les nouvelles dispositions de la loi contraignent un développement déjà malmené : en 2020, la France était le seul pays européen à ne pas dépasser les 20 % d'énergies renouvelables dans son mix énergétique. Malgré ce retard, la filière ne manque pas d'idées pour relancer la machine. « La reconversion des friches industrielles est un réel enjeu et un potentiel de développement pour les énergies renouvelables », présente Mathilde Goidin, ingénieure à l'Ademe, au cœur des Assises européennes de la Transition énergétique qui se sont déroulées à Bordeaux du 23 au 25 mai. Pour cette spécialiste des sites et sols pollués, les EnR doivent « aller sur des sites dégradés » pour accomplir leur développement. L'Ademe a ainsi présenté un outil en phase d'expérimentation, à destination des collectivités, capable d'évaluer le potentiel de reconversion des friches.

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Les friches et les toitures ne suffiront pas

À travers une trentaine de critères d'évaluation (superficie, état du bâti et du sol, environnement, topographie...), l'outil attribue un indice de mutabilité, en pourcentage, à différents scénarios de reconversion parmi lesquels logistique, industriel, tertiaire, résidentiel, récréatif, renaturation ou, bien sûr, photovoltaïque. Cette plateforme sera disponible en fin d'année alors que l'Ademe cherche pour l'instant des collectivités prêtes à tester la version bêta. Mais au-delà de l'appétit des énergéticiens, les friches, déjà artificialisées, vont faire l'objet de convoitises dans l'optique de la réindustrialisation.

Selon un recensement non-exhaustif conduit en 2021, l'Ademe a répertorié 950 sites en France pour une surface totale de 13.000 hectares. Or, rien que pour atteindre la part nécessaire de la seule énergie photovoltaïque dans le mix renouvelable en 2050, 60.000 à 130.000 hectares devront être mobilisés. Ça coince. « Et les toitures ne suffiront pas », prévient Thomas Eglin, chargé de mission énergies renouvelables et impacts environnementaux pour l'Ademe. Les collectivité s'y engagent pourtant, comme Bordeaux Métropole qui vient d'annoncer le déploiement de 10.000 panneaux solaires sur des places de parking. Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, a quant à lui rappelé dans son discours d'ouverture des Assises, l'intérêt de voir en la rocade bordelaise une « opportunité foncière [...] qui ne demanderait qu'à recevoir une couverture photovoltaïque ». Une décision qui relèverait toutefois de l'Etat, propriétaire de l'infrastructure.

« Les sites identifiés par l'Ademe ne représentent qu'un petit potentiel, d'autant que beaucoup ne disposent pas de point de raccordement et ne sont donc pas valorisables pour du photovoltaïque », décrypte Marie Bové, responsable des relations institutionnelles de Valorem, société girondine qui pilote des projets solaires à petite échelle en concertation avec les territoires. Avec les friches identifiées par l'Ademe, on parle de moins de 10 GW de potentiel estimé alors qu'il faudrait raccorder plus de 100 GW en France dans les 30 prochaines années. Un contingent bien maigre qui ne compense pas les restrictions des nouvelles lois environnementales.

Terres agricoles en vue

« On se retrouve avec des textes de lois qui ont énormément complexifié les dispositifs de planification et les montages des projets selon s'ils se situent sur des terres agricoles ou forestières », indique Marie Bové. A partir de mars 2024, il ne sera plus possible de développer un projet énergétique sur des parcelles forestières. Le parc solaire Horizeo en Gironde, piloté par Engie et Neoen sur 1.000 hectares pour une puissance de 1 GW, pourrait être le dernier projet de la sorte.

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« Il reste quoi ? Les terres agricoles », visent les représentants de Valorem, à l'instar de toute la filière solaire, qui veut convaincre les agriculteurs de diriger une partie de leurs terres vers du photovoltaïque. Diversification économique pour les propriétaires terriens, accès facilité au foncier pour les énergéticiens : tout le monde y gagne ? En apparence oui, mais le marché livré à lui-même pourrait connaître une intense spéculation sur la valeur des terrains, au détriment des pratiques agricoles. Les pourfendeurs des renouvelables dénoncent un système qui préempterait la surface agricole utile du pays ; ses défenseurs indiquent que moins de 1 % du total serait impacté. La pression foncière est telle que certains encouragent même le « flotovoltaïque », comprenez des installations solaires sur des lacs.

« Un travail législatif est en cours entre le gouvernement et les syndicats agricoles et énergétiques pour clarifier les règles de l'agrivoltaïsme », révèle Marie Bové à La Tribune, qui représente aussi le Syndicat des énergies renouvelables. La ministre de la Transition énergétique a indiqué que des décrets pourraient aboutir d'ici l'automne afin d'encadrer l'agrivoltaïsme sur les exploitations.

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 Les collectivités ne savent plus comment arbitrer

Du reste, la filière solaire espère que le domaine forestier ne restera pas un eldorado perdu. Après les incendies qui ont ravagé 30.000 hectares de forêt en Gironde l'été dernier, la sylviculture doit se prémunir des risques et revoir l'aménagement des parcelles. Pour prévenir l'emprise des flammes, des zones pare-feux pourraient être aménagées, sous forme de prairies entre deux parcelles.

Des espaces tampons où les énergéticiens iraient bien glisser du panneau photovoltaïque, justifiant d'un double intérêt écologique : avoir des corridors de biodiversité et recréer les zones humides asséchées par la culture du pin. Tout en s'offrant une place au soleil de choix, à condition de gagner la bataille de l'acceptabilité. Si le nucléaire, lui, jouit d'un retour en grâce, les énergies renouvelables vont devoir se battre pour chaque précieux bout de terrain. Dans cette compétition féroce, les collectivités territoriales, et en particulier les EPCI, se retrouvent intensément courtisées. Foncier, place de l'agriculture, préservation de la biodiversité, constructions, limitation de l'artificialisation : ce sont elles qui disposent des compétences relatives aux nouvelles règles environnementales. Et la loi d'accélération des EnR, promulguée le 10 mars dernier, va amplifier les appétits puisqu'elle prévoit de diviser par deux le temps d'instruction administrative des projets.

« Les sollicitations sont très nombreuses dans les territoires de la part d'acteurs privés qui veulent développer des projets énergétiques. Ces sollicitations sont parfois incohérentes avec les projets de développement des collectivités », observe Apolline Faure, directrice du pôle transition écologique des territoires de l'agence de conseil Transitions DD. Dans cette « concurrence d'usage pour le foncier », elles doivent mener les arbitrages pour concilier réglementations nationales et objectifs locaux. « Mais elles sont assez démunies », évoque Apolline Faure. Et un mode d'emploi commun est illusoire, tant les territoires sont singuliers.

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Maxime Giraudeau

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Commentaires 7
à écrit le 27/05/2023 à 18:44
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La terre promise des énergies renouvelables se sont les puissantes centrales pilotables qui rendent possibles leurs existences. On communique un max sur le vent et le solaire mais qui parle de la centrale gaz de 450 MW du cœur de la Bretagne qui vien...

à écrit le 26/05/2023 à 21:20
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La loi zero artificialisation nette manque de vision. L'énergie qui fera défaut parce qu'on aura préféré maintenir une zone verte de piètre qualité (la forêt artificielle landaise mériterait d'être déclarée "artificialisée"), sera compensée par une...

à écrit le 26/05/2023 à 20:36
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Bonjour, Pour les panneaux photovoltaïques ils suffit de les installer sur les toits des usines, des maisons individuelles et pour faire mieux sur tous les parkings automobile des super marché.... Par compte sur les terre agricole ou dans les zone ...

à écrit le 26/05/2023 à 18:17
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100GW... Il va falloir des milliers de tonnes de cuivre et des dizaines de nouvelles lignes THT pour transporter autant de puissance. Pour de l'électricité qui ne sera produite qu'en journée, donc très peu de temps en hiver...

à écrit le 26/05/2023 à 17:31
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C'est simple, il suffit d'installer les panneaux solaires sur les toits des bâtiments. Mais la mafia du renouvelable ne veut pas.

à écrit le 26/05/2023 à 14:59
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La question qui se posera éternellement c'est ; "De l'énergie pourquoi faire?"

à écrit le 26/05/2023 à 14:35
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c est pour cela qu il faut miser sur l eolien offshore !!!!!!!!!!!!!

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