"Le navire prend l'eau, il faut trouver un autre bateau et peut-être un autre capitaine..." Fait assez rare pour un chef d'entreprise en difficulté, c'est dans une vidéo publiée sur Linkedin que Marie Mérouze, la fondatrice et dirigeante de Marbotic, a partagé sans fard sa tristesse, sa lassitude mais aussi ses espoirs quant au devenir de son entreprise de sept salariés. Evoquant sans détour "l'impasse de trésorerie" et "le mur de la dette", elle annonce, visiblement émue, être à la recherche active d'un repreneur pour son entreprise qui a mis au point des jouets en bois interactifs favorisant l'apprentissage. Et c'est d'ailleurs aussi l'objectif de cet exercice de transparence : trouver un acquéreur avant qu'il ne soit trop tard.
Une procédure amiable
En l'occurrence, accompagnée par un administrateur judiciaire, Marie Mérouze a pris conscience de la gravité de la situation il y a déjà plusieurs mois.
"Nous avons ouvert une procédure amiable de mandat ad hoc au mois de mai et nous sommes désormais en conciliation dans le cadre d'un prépack cession pour trouver un repreneur dans un cadre amiable d'ici le 2 décembre. L'objectif est ensuite d'arriver au Tribunal de commerce pour ouvrir une procédure collective, probablement un redressement judiciaire, en ayant déjà des repreneurs qui se positionnent."
Le prépack cession est en effet une procédure amiable qui consiste à préparer la vente de tout ou partie des actifs de l'entreprise. Cette cession a ensuite vocation à se réaliser de façon publique dans le cadre d'une procédure collective, plan de sauvegarde, redressement ou liquidation. Le tout avec des délais accélérés.
Pas de cessation de paiement à ce stade
Malgré 650.000 euros de chiffre d'affaires en 2021, Marbotic est endettée et n'est toujours pas rentable dix ans après sa création. Et si la startup n'est pas en cessation de paiements, Marie Mérouze dépeint une situation effectivement très dégradée, loin du déni qui s'ajoute parfois aux situations difficiles :
"La trésorerie est extrêmement tendue, elle se compte au mieux en quelques mois. Le bateau prend l'eau avec beaucoup de dettes qui nous alourdissent. On a cherché à se financer depuis 18 mois, en levant des fonds ou en trouvant un acquéreur, mais rien n'a abouti jusque-là..."
Marie Mérouze, la CEO et fondatrice de Marbotic (crédits : Marbotic).
De leurs côtés, comme pour Jechange.fr à Agen et Sunday, à Bordeaux, les investisseurs historiques de Marbotic n'ont pas souhaité réinvestir. Ce qui n'empêche pas la dirigeante de 40 ans de continuer à espérer une issue heureuse :
"Ce n'est pas honteux de se trouver dans cette situation difficile, il faut en parler. Marbotic a encore du potentiel et peut continuer à se développer avec le bon repreneur, notamment parce qu'une reprise au tribunal de commerce peut permettre d'alléger le passif et que nous avons une réelle traction commerciale sur Tik-Tok et Amazon aux Etats-Unis et aussi au Mexique", estime la dirigeante qui évoque "des marques d'intérêts de repreneurs potentiels venant de l'édition, de l'éducation et du jouet".
"L'ADN de la boîte, c'est l'éducation"
Très attachée à dimension pédagogique - "l'ADN de la boîte, c'est l'éducation" - Marie Mérouze a réussi plusieurs tours de force depuis la création de Marbotic en écoulant 110.000 produits ces dernières années. Avec des produits biens placés en Suède et une présence dans plus de la moitié des écoles néerlandaises, l'entreprise a combiné approche BtoB et vente au grand public. Fin 2018, elle décroche une distribution de son coffret de jouets connectés dans les 500 Apple Stores du groupe sur tous les continents. Mais le Covid a transformé cette exposition mondiale en feu de paille : "Les Apple Stores ont fermé avec le Covid puis Apple a décidé de ne plus y vendre d'accessoires pour enfants. On s'est retrouvé avec des dizaines de milliers d'invendus à reprendre et reconditionner", se souvient la cheffe d'entreprise.
Le coffret vendu par Marbotic (crédits : Marbotic).
Face à ce revers sur le retail, Marbotic a pivoté vers le e-commerce et adopté une formule freemium sur abonnement pour développer des ressources récurrentes. "J'ai la conviction que nous ne sommes pas loin d'avoir trouvé la bonne formule pour Marbotic. Nous avons fait en octobre 2022 autant de chiffre qu'en décembre 2021 qui est notre meilleur mois. Il nous faut juste encore un peu de temps supplémentaire...", espère Marie Mérouze, qui a réalisé 95 % de son chiffre d'affaires à l'export, pointant du même coup la difficulté de percer le marché français de l'éducation :
"Il y a un réel enjeu de souveraineté politique pour les technologies de l'éducation en France. Si on ne donne pas leurs chances à des acteurs français, ce sont des entreprises étrangères qui prendront les places...", prévient-elle.
Marbotic aura dix ans le 10 décembre prochain.
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