Entreprises en difficulté : « Le déni du dirigeant est le plus gros obstacle »

Inflation, énergie, trésorerie, PGE, pénurie de salariés... Face à ce cocktail inflammable, beaucoup de chefs d'entreprises refusent d'admettre qu'ils sont en difficulté ou qu'ils pourraient l'être à court terme. Plusieurs professionnels alertent à nouveau sur ce frein psychologique déterminant qui retarde la prise en charge et aggrave d'autant la situation. Un vrai problème alors que le nombre de procédures collectives repart à la hausse et que l'année 2023 n'annonce rien de bon.
En France, comme à Bordeaux, le nombre de procédures collectives est en forte hausse par rapport à 2021 mais reste, pour l'instant, inférieur à l'avant Covid.
En France, comme à Bordeaux, le nombre de procédures collectives est en forte hausse par rapport à 2021 mais reste, pour l'instant, inférieur à l'avant Covid. (Crédits : CC Pixabay by mhouge)

On ne le sait que trop bien : quand une entreprise est en difficulté, plus le temps passe, plus les chances de s'en sortir s'amenuisent. Pourtant, les solutions existent mais encore trop de dirigeants d'entreprise tardent à appuyer sur le bouton pour déclencher une procédure amiable ou même à consulter un professionnel. Et même lorsqu'ils sont bien entourés, cela n'a rien d'évident :

"Une fois qu'on est convaincu que l'entreprise est en difficulté, il faut encore arriver à convaincre le chef d'entreprise ! Or, le déni du dirigeant est le plus gros obstacle à la prévention ! Pour des raisons psychologiques, familiales ou sociales, le chef d'entreprise s'interdit trop souvent de trouver des solutions", témoigne Eric Gillis, le vice-président de l'Ordre des experts-comptables d'Occitanie, à l'occasion d'un point presse organisé à Bordeaux par Thémis Banque, établissement spécialiste des entreprises en difficulté.

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"En 30 ans, on a peu progressé..."

Et pour briser ce frein psychologique, "le lien de confiance est un facteur déterminant, il faut savoir être pédagogue sans être anxiogène", juge Sébastien Vigreux. Administrateur judiciaire à Bordeaux et Toulouse, il prévient, lui-aussi, que "le retard de prise en charge d'une entreprise en difficulté fait augmenter la dette, qu'elle soit bancaire, fiscale, sociale ou vis-à-vis des fournisseurs." Mais les mauvaises habitudes ont la vie dure, abonde maître Patrick Espaignet, avocat chez Fidal :

"Je suis désespéré de voir qu'en 30 ans, on a peu progressé sur la prise en compte plus en amont des difficultés. Les dirigeants d'entreprise croient toujours qu'il fera meilleur demain et attendent d'avoir le feu général à la maison avant d'agir. Mais quand le feu est partout, il est souvent trop tard."

Pourtant, les solutions existent en activant des procédures amiables de conciliation ou de mandat ad hoc, qui sont confidentielles, permettent sous conditions de geler ou étaler les dettes, y compris les PGE (prêts garantis par l'Etat) et de recourir si nécessaire à des banques spécialisées telles que Thémis : "Nous sommes une banque judiciaire qui n'intervient que dans des procédures amiables, collectives ou des plans de retournement. On est un médicament proposé par l'administrateur judiciaire ou l'avocat pour trouver des solutions et apporter de l'argent frais adossé à des garanties spécifiques. Ce sont souvent des ponts de trésorerie de quelques jours ou quelques mois", résume Stéphan Recoulin, le délégué régional Occitanie.

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Un cocktail inflammable

Et si tous ces professionnels prennent la parole c'est que le temps presse face à un cocktail économique particulièrement inflammable. La crise Covid a pesé sur la trésorerie et l'endettement bancaire, social et fiscal de beaucoup d'entreprises et, aujourd'hui, l'inflation, les tensions d'approvisionnement, le remboursement des PGE et l'explosion de coûts de l'énergie laissent présager d'importantes difficultés. Et c'est déjà le cas pour des entreprises du BTP, de la restauration, du transport, des auto-écoles ou encore des commerces dans le bio.

"Le besoin en fonds de roulement était déjà souvent problématique mais là je vois des entreprises dont la facture énergétique est multipliée par quatre ou même par dix ! N'attendez-pas d'être dans cette situation pour vous préoccuper de ce choc énergétique, il faut anticiper, s'y préparer !", alerte Sébastien Vigreux.

Des problématiques RH croissantes

Sachant que les ressources humaines sont aussi un facteur clef : "Je ne vois pas un chef d'entreprise qui n'a pas de problématique RH : recrutement, absentéisme, arrêts maladie, hausse salariale, etc. C'est devenu la norme", indique Quentin Hardon, délégué régional.

Le résultat ce sont des procédures collectives qui repartent à la hausse à Bordeaux et dans le reste du pays. En France, à fin octobre 2022, leur nombre a bondi de 38 % par rapport à 2021 mais reste inférieur de 19 % à 2019 et de 29 % à 2018. Les procédures amiables, après une hausse de 68 % sur un an en septembre 2022, sont à la baisse de 8 % en octobre 2022. Mais tous les professionnels s'attendent à une année 2023 difficile puisque la pression va mécaniquement s'accentuer sur les entreprises en difficulté avec la reprise des assignations de l'Urssaf à partir de janvier.

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Commentaire 1
à écrit le 10/11/2022 à 12:40
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Le travail, c'est sale, il faut même l'interdire aux immigrants pour préserver le confort de tous ces gens qui ne font plus rien d'autre que de rechercher les indemnités (vive les assureurs de tout poil) pour compenser le moindre effort à prendre des...

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