iQSpot : le marché de la sobriété énergétique des bâtiments « est en train de s'ouvrir »

INTERVIEW. Diagnostics onéreux, dispositifs contraignants, manque de considération écologique : la réduction de la consommation énergétique des bâtiments peine encore à s'imposer en France. Les offreurs doivent donc adapter leurs solutions vers des besoins précis, à l'image de l'entreprise bordelaise iQSpot, dont le PDG Julien Bruneau décrit une conjoncture favorable.
Julien Bruneau, à gauche, et Quentin Enard, à droite, sont les cofondateurs d'iQSpot.
Julien Bruneau, à gauche, et Quentin Enard, à droite, sont les cofondateurs d'iQSpot. (Crédits : iQSpot)

L'entreprise fondée en 2015 perfectionne une solution intelligente de réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Et affiche une croissance remarquée : elle a triplé en trois ans les surfaces équipées, sans toutefois communiquer son chiffre d'affaires. Cantonnée pour l'instant à quinze salariés basés à Bordeaux et deux à Paris, iQSpot ambitionne d'aller prospecter en Europe pour capter de nouveaux clients. Une place à conquérir alors que la startup n'a pas effectué de levée de fonds depuis trois ans et que son équilibre économique n'est pas consolidé. Mais les bouleversements énergétiques dus à la guerre en Ukraine changent la donne. Entretien avec Julien Bruneau, cofondateur et PDG d'iQSpot.

LA TRIBUNE - Pourquoi la technologie que vous proposez vaut mieux qu'un diagnostic énergétique "traditionnel" réalisé en une fois ?

Julien BRUNEAU - L'avantage, c'est le côté continu de notre approche. Au début, c'est l'équivalent d'un diagnostic énergétique : dès que les données sont remontées, on obtient l'image de l'état actuel du bâtiment. Mais d'avoir ensuite le suivi sur le long terme nous permet d'observer son comportement. Lorsque passe une période de chauffage ou de climatisation, l'intérêt est de voir comment il réagit, s'il est bien réglé. Et puis d'ajuster, tout au long de sa vie, les réglages et les préconisations pour qu'il ait toujours une consommation optimale. Un diagnostic énergétique conventionnel, on va être obligé d'en faire un une fois, suivre ses recommandations, puis en faire un autre deux ans plus tard. Ça n'a pas la réactivité d'un suivi en continu.

Sur quel procédé technologique repose votre produit ? Et comment cela se matérialise-t-il pour vos clients ?

Nous installons des capteurs sur les compteurs d'énergie et d'eau des bâtiments. On ne fabrique pas ces capteurs nous-mêmes mais on en tire une expertise. En fonction du bâtiment, de sa génération et d'un tas de paramètres, on va choisir les bons capteurs pour réussir à le connecter. Ensuite, on a une plateforme logicielle qui récupère toutes ces données et va les analyser, les restituer à nos clients et à toutes les parties prenantes d'un immeuble. Il y a à la fois une application web et mobile qui permet d'accéder à toutes les données.

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Avez-vous complètement axé votre stratégie de développement sur la R&D ?

C'est effectivement dans notre ADN en tant que jeune entreprise innovante. Nous sommes deux cofondateurs issus des laboratoires d'informatique de l'Inria. Les premières années, l'objectif était de réussir à lancer notre plateforme en se concentrant sur l'aspect de suivi de la consommation énergétique. A partir de cette brique là, nous avons rajouté des fonctionnalités : le suivi de l'eau et de la qualité de l'air. La finalité est de produire des analyses pertinentes par rapport à ces paramètres. Le fait d'être absolument autonomes sur la plateforme logicielle est un gros atout. On peut la faire évoluer rapidement en fonction des besoins du marché.

Pour quel type de modèle économique avez-vous opté ?

Notre produit est proposé sous forme d'abonnement qui inclut les capteurs, leur mise en œuvre et la maintenance sur le long terme, avec l'accompagnement sur l'analyse de données. Le prix va dépendre de la superficie visée et du nombre de compteurs qu'on trouve dans les bâtiments.

Ce modèle vous permet-il d'accéder au seuil de rentabilité ?

Non, même si nous arrivons quasiment à l'équilibre en 2022. C'est quand même très positif par rapport à la période que l'on vient de traverser. La rentabilité n'était pas l'objectif premier, c'était plutôt de croître en terme de superficie équipée, de montrer que la solution fonctionne et qu'elle répond à un vrai besoin.

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En 2018, vous projetiez d'équiper 500.000 m2 de bâtiments en un an. Vous en êtes à 1.500.000 aujourd'hui. Qui sont vos clients ? Et sont-ils basés uniquement en France ?

La typologie des clients se concentre vraiment, en particulier depuis 2018, sur le monde de l'immobilier d'investissement : les foncières ou gestionnaires de portefeuilles immobiliers. A l'heure où nous parlons, nous ne sommes qu'en France. Mais nous sommes en cours de discussion pour équiper les bâtiments de ces clients français en Europe. Avec les nouvelles réglementations de type taxonomie européenne, c'est un sujet qui est en train de monter. Nous pourrions cibler certains pays l'année prochaine ou dans deux ans.

Comment ce nouveau cadre européen va-t-il favoriser le déploiement de votre activité ?

La taxonomie européenne concerne l'obligation, pour les acteurs de la finance, de faire du reporting sur 15 % d'actifs les plus vertueux en Europe. Il y a un besoin de pouvoir cartographier ces différents actifs. Ce cadre incite fortement les investisseurs immobiliers à passer à l'action à l'échelle européenne et pas seulement en France.

Dans le monde de l'immobilier d'investissement, de plus en plus d'acteurs s'intéressent à l'Investissement socialement responsable (ISR). Pour montrer leurs bonnes actions au niveau environnemental, ils font labelliser leurs fonds immobiliers sur ces critères ISR. De fait, ils doivent mettre en place un suivi et des actions vertueuses sur différents critères, notamment l'environnement. C'est un axe accélérateur pour nous.

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Vous n'avez pas mené de levée de fonds depuis 2018. Ce choix freine-t-il vos perspectives de développement ?

S'il y a des levées de fonds, il faut les séquencer quand le marché s'ouvre ou parce qu'il y a des conditions favorables pour accélérer. Les thématiques énergie et environnement ont été mises en lumière très récemment avec la crise du Covid. Avec la guerre en Ukraine et les problématiques énergétiques engendrées, le sujet est encore plus sur le haut de la pile. On sent que le marché est en train de s'ouvrir en ce moment.

Néanmoins, diriez-vous qu'il s'agit d'un marché encore émergent ?

C'est ce que j'aurais dit il y a encore deux ans. Mais actuellement, ce n'est plus le cas car tout le monde est convaincu qu'il faut passer à l'action. La question c'est : comment ? Vous parliez des diagnostics énergétiques, qui peuvent être un très bon moyen au début.

En terme de nombre d'offreurs et de solutions, le marché de la sobriété énergétique est particulièrement occupé. Comment vous adaptez-vous à la concurrence ?

Réduire l'énergie dans l'immobilier est une question à laquelle nous sommes nombreux à vouloir répondre. Notre spécificité est de cibler des clients très spécifiques, aux besoins particuliers, comme les foncières et les gestionnaires de portefeuille. L'offre est vraiment adaptée à eux. L'autre axe de différenciation est de faire du "clé en main". Il y a un mix de spécialisation de l'offre et de tout intégrer dans la solution, pour leur simplifier la vie au maximum de ce qu'on peut leur apporter.

Avez-vous des perspectives de recrutement pour cette année ?

Vu que nous avons une belle croissance du nombre de clients, nous recrutons des commerciaux. Il n'y a pas de chiffre exact mais nous chercherons quatre ou cinq personnes d'ici la fin de l'année.

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