Midipile explore l'avenir de la mobilité urbaine avec son véhicule électrique d'un nouveau genre

Ce n'est pas complètement une voiture mais ce n'est plus vraiment un vélo : Midipile planche sur un véhicule à assistance électrique ultra-léger doté d'une carrosserie, de quatre roues et d'au moins 170 km d'autonomie. Avec ce SUV (solar usefull vehicle), la startup basée à Angoulême veut s'attaquer à la logistique urbaine et aux déplacements périurbains en interrogeant en profondeur nos usages et notre rapport à la mobilité.
Le véhicule élaboré par la startup charentaise Midipile se pose à la croisée du vélo et de la voiture individuelle.
Le véhicule élaboré par la startup charentaise Midipile se pose à la croisée du vélo et de la voiture individuelle. (Crédits : Midipile)

 "A un moment, j'en ai eu marre de travailler sur des moteurs moins polluants ou des matériaux plus légers qui servaient en réalité à fabriquer des SUV toujours plus lourds et prémiums... J'avais besoin de retrouver du sens dans ce que je faisais", se souvient Benoît Trouvé. Chez PSA de 2007 à 2015 (désormais Stellantis), cet ingénieur automobile a notamment planché sur les premiers  prototypes de moteurs diesel hybrides. C'est là qu'il rencontre ses deux compères ingénieurs - Guillaume Taliercio et Vincent Rumeau - avec qui il partage une envie d'entreprendre différemment. C'est le confinement lié au Covid-19 qui va faire office de déclic et les décider à fonder Midipile en octobre 2020.

Un SUV d'un nouveau genre

Cette startup hébergée au sein de la pépinière d'entreprise Krysalide, en Charente, entend concrétiser une idée ambitieuse : "recréer un imaginaire autour du vélo tout en allant chercher les usages d'une petite voiture urbaine". Cela revient à aller chercher une nouvelle catégorie de véhicule fondée d'abord sur les usages des professionnels comme des particuliers.

"L'idée est de mettre au point un SUV, un solar usefull vehicle [véhicule solaire utile], pour prendre le contrepied du sport utility vehicle [véhicule utilitaire sportif] qui envahit nos rues. On fait le pari que, demain, les voitures de 1,5 tonne serviront au trajets intercités mais qu'on utilisera autre chose, des véhicules bien plus petits et légers, pour les déplacements intra-ville, entre villes moyennes et dans le périurbain. C'est ce véhicule là que nous visons et qui permettra d'atteindre effectivement la neutralité carbone parce qu'avec une autonomie de 170 km on couvre la majorité des besoins du quotidien", explique à La Tribune l'ingénieur qui ne part pas d'une feuille blanche puisqu'il avait déjà travaillé il y a quelques années sur un concept de voiture permettant de rouler 2.221 km avec un litre d'essence.

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100 kg prêt à rouler

Le résultat c'est un objet roulant non identifié pesant moins de 100 kg, mesurant 2,8 m de long, sur 1,2 m de haut et 0,85 m de large et permettant d'embarquer soit deux passagers; soit un conducteur et une charge utile de 150 kg ou 1 m3. Recouvert de panneaux solaires offrant 40 km d'autonomie supplémentaire, le véhicule n'utilise pas les classiques bornes de recharge et est équipé de deux batteries, l'une fixe, l'autre amovible pour être rechargée à domicile. "Le pari d'être en-dessous des 100 kg prêt à rouler c'est tout l'enjeu de notre savoir-faire et de notre R&D avec 70 kg pour le véhicule, 20 kg pour la batterie et 5 kg d'équipements", précise Benoit Trouvé qui explore un sillon déjà creusé d'une manière un peu différente par l'entreprise girondine Gazelle Tech.

Midipile

Le prototype pour deux personnes (crédits : Midipile)

Mais Midipile place le curseur un cran plus loin en faisant le pari que le paradigme de la mobilité aura complètement changé dans dix ou vingt ans. La question de l'usage et donc de la fin de la possession en propre des véhicules est ainsi au cœur des réflexions des trois cofondateurs, convaincus que la technologie ne résoudra pas tout. Ils vont se concentrer d'abord sur le marché BtoB avec deux offres : la première visera la livraison du dernier km, la seconde le transport de personnes. Dans tous les cas, l'idée est de déployer ces flottes de véhicules partagés en location auprès des entreprises et collectivités. Midipile en conserverait ainsi la propriété. "Le marché prioritaire sera d'abord la logistique du dernier kilomètre en BtoB dont les usages sont appelés à exploser dans les trois à cinq ans avant de s'adresser, ensuite, au grand public", souligne Benoit Trouvé.

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Commencer à produire dès 2023

Le modèle économique s'appuiera donc sur une location mensuelle, à un prix abordable, et des fonctions optionnelles destinées à générer la marge. Le tarif mensuel pourrait ainsi osciller autour de quelques centaines d'euros. Sachant qu'en l'état et en misant sur une fabrication en Nouvelle-Aquitaine et des fournisseurs locaux, notamment à Bordeaux, le coût de fabrication est estimé entre 4.000 et 5.000 euros l'unité. De quoi viser un point d'équilibre pour l'entreprise autour de 250 véhicules en circulation courant 2025 avec une production qui pourrait débuter en 2023.

Pour le moment, les trois fondateurs s'appuient sur leur investissement financier personnel, une bourse French Tech Bpifrance et une subvention de 54.000 euros de la Région Nouvelle-Aquitaine au titre du prototypage numérique. De quoi financer une équipe de passionnés constituée "des fondateurs, de deux apprentis et d'une armée de bénévoles et de stagiaires qui soutiennent le projet".

Chaîne de traction et applications

Il faut dire que l'équipe de Midipile ne se contente pas seulement de concevoir un nouveau type de véhicules mais ambitionne aussi de mettre au point "une chaîne de traction innovante permettant d'étendre les usages du vélo avec un mode automatique, une marche avant et arrière et une mécanique optimisée pour l'acoustique et la réparabilité", précise Benoit Trouvé. Mais la dimension applicative de ce nouvel engin sera aussi prise en compte pour en collecter, optimiser et valoriser les données de fonctionnement des flottes, d'expérience utilisateur et de consommation énergétique.

D'un point de vue pratique, Midipile aura besoin dans les mois qui viennent de décrocher deux homologations : l'une correspondant aux quadricycles légers (25 km/h max), l'autre aux véhicules électriques légers de type Citroën AMI ou Renault Twizy.(45 km/h max). Deux modèles que l'équipe a regardé de près avant de se lancer tout comme l'échec du projet MIA porté par l'ex-Région Poitou-Charentes dans les années 2000. "Nous faisons ce double choix d'homologation parce que nous visons à terme à la fois les usages en zone urbaine sur les pistes cyclables mais aussi en zone périurbaine et dans les petites et moyennes agglomérations où les infrastructures cyclables et les offres de micro-mobilités sont très limitées et où il faut donc un véhicule habilité à rouler sur les routes à la vitesse du trafic", détaille le dirigeant.

Conjuguer mobilité et réparabilité

Car les usages sont aussi pris en compte dans la réflexion globale déployée par Midipile que Benoit Trouvé développe :

"On défend une logique de communauté et de réparabilité donc on veut donner les moyens aux clients qui le souhaitent de pouvoir réparer au maximum eux-mêmes leur véhicule comme ils le feraient avec un vélo. On pense donc à des tutoriels en lignes et des outils de réalité augmenté pour les particuliers comme pour les professionnels de l'automobile et du vélo mais aussi les recycleries, les tiers-lieux, etc. L'idée étant de diminuer notre impact environnemental et d'assurer la réparabilité la plus étendu. Cela pose pas mal de contraintes en termes de conception et d'intégration des différents composants. Mais c'est aussi un levier pour générer de la valeur via les pièces détachées !"

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Après le salon VivaTech du 16 au 19 juin 2021 au sein de la délégation néo-aquitaine, Midipile envisage de réaliser une première levée de fonds d'amorçage en février 2022 puis une seconde un an plus tard avec un tour de table plus conséquent d'ici cinq ans. Avant cela, le premier prototype opérationnel est attendu pour fin 2021 et les premières pré-séries dès le printemps 2022.

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