Logistique urbaine : « L'espace public peut servir de terrain de jeu pour de nouvelles solutions »

INTERVIEW. Livrer de plus en plus de colis tout en apaisant les centres-villes. Alors que la question de la logistique urbaine est particulièrement d'actualité dans le contexte de la crise Covid, la métropole bordelaise invite les opérateurs privés à développer et tester de nouvelles solutions. La collectivité travaille, quant à elle, sur la question du foncier pour la mise en place de davantage d’espaces logistiques de proximité. Thibaut Baladon est chef de projet logistique urbaine et mobilité électrique à Bordeaux Métropole.
Thibaut Baladon, chef de projet logistique urbaine et mobilité électrique à Bordeaux Métropole.
Thibaut Baladon, chef de projet logistique urbaine et mobilité électrique à Bordeaux Métropole. (Crédits : DR)

Quelles sont les données dont vous disposez sur la logistique urbaine à Bordeaux ?

Bordeaux a réalisé deux enquêtes marchandises, la première en 1994, la seconde en 2013. Dans la mesure où les données relatives aux échanges de flux logistiques entre les établissements économiques ont été actualisées en 2018, nous avons une très bonne idée de ces flux sur la métropole. En revanche, nous avons relativement peu de données sur les flux liés aux e-commerce qui ont explosé. Ainsi, en 2018, nous estimions à 72.000 les livraisons ou enlèvements de marchandises opérés chaque jour sur la métropole, pour les échanges entre établissements. A côté de cela, nous étions, chaque jour, sur 25.000 livraisons aux particuliers. Avec le Covid, nous sommes probablement très largement au dessus de ce niveau.

Quels sont les enjeux en matière de logistique urbaine ?

Je rappelle, tout d'abord, que la logistique est une activité vitale pour une ville au même titre que la fourniture de l'énergie ou la collecte des déchets. C'est littéralement le réseau sanguin de l'activité économique et si la logistique ne fonctionne pas, la ville s'arrête ! Par ailleurs, si ces flux sont si importants, c'est parce qu'il y a une demande, une consommation, une activité économique mais, effectivement, personne ne veut voir ces activités en bas de chez lui. Les activités logistiques ont justement été chassées des villes pour des raisons de nuisances mais aussi de prix du foncier. Résultat, les entreprises de logistique sont situées en moyenne à 10 ou 20 kilomètres de Bordeaux et les livraisons se font essentiellement par la route. Il s'agit aujourd'hui de réactiver le fluvial et le fret ferroviaire car il y a un enjeu évident de contribution de la logistique à la congestion et aux polluants. Il y a aussi un enjeu en matière de partage de la voirie et de dernier kilomètre pour apaiser et optimiser les flux de distribution.

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Comment la collectivité travaille-t-elle sur le dernier kilomètre ?

Bordeaux a été l'une des premières à expérimenter les espaces logistiques de proximité, dans le cadre des premières lignes du tramway au début des années 2000. Cela avait très bien fonctionné notamment parce que nous laissions la main aux opérateurs privés pour livrer, la collectivité étant là pour aider. Nous avons donc un rôle de régulateur en terme de circulation, de stationnement mais aussi de facilitateur et nous cherchons à travailler avec des opérateurs économiques pour rendre les flux logistiques plus propres et plus doux. Concernant le dernier kilomètre, la livraison à vélo qui était "gadget" il y a quelques années a énormément évolué. Les opérateurs sont en capacité de transporter tous types de conditionnement et il n'y a quasiment pas de restriction d'accès pour les livraisons à vélo. Livrer à vélo dans des zones denses, c'est ainsi plus rapide et flexible.

Quels sont donc les freins ?

Les distances très importantes à parcourir limitent la compétitivité du vélo. La livraison à vélo est par ailleurs assez peu adaptée à de très gros volumes. Enfin, c'est un métier de livrer à vélo. Il faut donc former, structurer une filière et transformer les chaînes logistiques. Mais surtout, pour que ces solutions du dernier kilomètre existent, il faut des locaux au plus proche des zones à distribuer. Or, ces locaux constituent le nœud du problème. L'offre privée est très chère pour une activité à faible marge et l'offre publique toujours difficile à trouver.

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Comment travaillez-vous sur cette question du foncier ?

Les services de Bordeaux Métropole identifient des sites qui pourraient être mis à la disposition d'activités logistiques via des appels à projets. Nous allons, par exemple, expertiser quelques parkings publics pour voir s'ils ne pourraient pas être transformés en espaces logistiques. Cette étape d'identification doit se poursuivre tout le second semestre. Nous espérons pouvoir en mettre à disposition d'opérateurs en 2022.

Quelles sont les autres pistes de réflexion ?

Nous sommes ouverts à l'innovation notamment en matière de report modal avec la mise en place de solutions de stationnement ou de stockage avancé. Ce que nous proposons, c'est de permettre à des opérateurs de tester des solutions innovantes, flexibles, temporaires dans l'espace public pour qu'ils puissent mettre le pied à l'étrier et se lancer ensuite avec des solutions plus définitives hors espace public. L'idée est de servir de terrain de jeu pour de nouvelles solutions à créer, à inventer dans le domaine de la logistique. En revanche, ce n'est pas la collectivité qui va révolutionner le domaine.

Quelle est votre vision sur la manière de penser le transport de marchandises ?

Je crois qu'il ne faut pas considérer le transport de marchandises différemment du transport de personnes, c'est-à-dire que l'on peut appliquer les mêmes recettes en ville. Nous voulons éviter la voiture individuelle et favorisons le report modal. De la même façon que nous invitons les habitants à utiliser les transports en commun, nous cherchons à massifier les flux de transports de marchandises via des camions bien remplis, mutualisés et propres dans des situations où l'usage du vélo n'est pas adapté.

Comment se situe Bordeaux en matière de logistique urbaine ?

Paris et Lyon sont en avance mais Bordeaux n'a pas à rougir. Nous avons testé les espaces logistiques de proximité, la livraison de nuit. Par ailleurs, aucun opérateur ne s'est cassé les dents, ce qui prouve qu'il y a un potentiel de développement. La place est d'ailleurs grande. Il y a de la place pour de nouveaux acteurs.

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