La logistique à vélo s'affirme à Bordeaux entre concurrence et coopération

Qui sont les acteurs de la cyclo-logistique déjà implantés depuis plusieurs années à Bordeaux ? Comment sont-ils organisés ? Quelles sont les clés de la réussite et comment voient-ils l'arrivée de nouveaux acteurs de la livraison à vélo sur le dernier kilomètre ? A l'heure où la concurrence devient rude, coup de projecteur sur trois entreprises implantées depuis plusieurs années à Bordeaux.
Les Coursiers Bordelais, contre l'ubérisation, est une entreprise coopérative qui compte 7 salariés et livre les particuliers comme les professionnels sur Bordeaux.
Les Coursiers Bordelais, contre l'ubérisation, est une entreprise coopérative qui compte 7 salariés et livre les particuliers comme les professionnels sur Bordeaux. (Crédits : Les Coursiers Bordelais)

Pas de temps mort pour les spécialistes de la cyclo-logistique à Bordeaux. Avec la reprise de l'activité, en particulier des hôtels, cafés et restaurants, Cyril Faure, responsable des Triporteurs Bordelais, enchaine la réception des colis ensuite livrés à vélo. Un coup de téléphone pour une urgence à régler ? C'est lui qui s'y colle. Les acteurs du dernier kilomètre décarboné fonctionnent à flux tendu pour répondre à la demande. "Dans le contexte Covid, c'est un secteur qui n'a pas connu la crise", reconnaît Arthur Hay, co-gérant de la coopérative des Coursiers Bordelais créée en novembre 2017.

"A l'époque, cette activité n'était pas prise au sérieux mais la barrière psychologique a aujourd'hui sauté. La cyclo-logistique est de mieux en mieux perçue par nos clients qui cherchent avant tout un service qui fonctionne. Quand nous discutons avec certains d'entre eux, cela passe d'ailleurs souvent avant les valeurs environnementale et sociale que nous incarnons. Mais effectivement, nous sommes réactifs et très mobiles. Avec sept salariés, nous sommes partout dans Bordeaux", explique Arthur Hay.

Le logisticien DB Schenker à Bordeaux, qui a confié la livraison du dernier kilomètre aux Triporteurs Bordelais dans l'hyper centre de la ville dès 2016, se veut, pour sa part, plus nuancé : "Nous souhaitions nous lancer dans la livraison verte tout en anticipant les réglementations plus strictes dans les centre-villes. Nous avons aidé à l'implantation des Triporteurs Bordelais il y a quatre ans et nous continuons à travailler avec eux", explique Ludovic Delord, directeur de l'agence bordelaise de DB Schenker.

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Trois entreprises bien implantées

Trois entreprises se sont ainsi positionnées sur ce créneau du dernier kilomètre à vélo à Bordeaux ces dernières années. Avec une centaine de livraisons organisées chaque jour, Les Triporteurs Bordelais proposent de transporter de gros volumes, jusqu'à 400 kilos par vélo. L'entreprise travaille en particulier pour de "gros" logisticiens.

Pas de "gros" clients pour les Coursiers Bordelais, qui transportent quant à eux jusqu'à 80 kilos pour livrer les particuliers comme pour les professionnels : des fleurs, du matériel paramédical, des courses ou encore des repas. 400 livraisons sont, en moyenne, effectuées chaque semaine. "La coopérative est payée à la course et le livreur salarié", insiste Arthur Hay. Les Coursiers Bordelais affichent clairement proposer une alternative à l'uberisation. "Il est possible d'atteindre la rentabilité et de recruter. Nous avons d'ailleurs recruté d'anciens livreurs indépendants", assure-il. Une septième personne vient d'être embauchée.

"Le dernier kilomètre a beau représenter un tiers du prix total du transport, c'est aussi la partie la plus technique. Il faut livrer à des points précis, à des heures précises et cela exige une masse salariale importante. Il faut être intelligent en terme de logistique", explique Arthur Hay.

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Pour la partie technique, les Coursiers bordelais utilisent, en l'occurrence, l'outil digital de logistique développé par la fédération CoopCycle à laquelle ils appartiennent. "Nous payons une cotisation à hauteur de 2,5 % de notre valeur ajoutée ce qui permet de payer un développeur et un coordinateur", explique Arthur Hay.

"La diversité des activités que nous proposons et le volume permettent la viabilité économique", assure, pour sa part, Laurence Bardon, directrice de opérations de L'Atelier Remuménage qui s'est lancé en 2017 avec une activité de déménagement à vélo avant de devenir un acteur de la cyclo-logistique. En collaboration et co-traitance avec Urby du groupe La Poste, l'entreprise de l'économie sociale et solidaire (ESS) assure aujourd'hui la logistique du dernier kilomètre dans le centre-ville de Bordeaux depuis l'espace de logistique (ELP) de proximité dans le quartier de Mériadeck.

Ce si précieux foncier

Ces espaces de stockage bien situés, proches de la zone à livrer, constituent l'une des clés de la réussite pour un acteur du dernier kilomètre. Or, la quête peut-être compliquée. Si l'Atelier Remuménage dispose d'un mini-hub urbain depuis l'année dernière, les Coursiers bordelais recherchent un hôtel logistique aux abords du centre-ville tandis que les Triporteurs bordelais, auparavant implantés dans le centre de Bordeaux, sont désormais installés quai de Brazza, quatre kilomètres plus loin. La faute à un appel d'offre perdu qui implique de s'organiser autrement et de davantage pédaler.

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L'entreprise recherche donc un nouveau local tout en réfléchissant à l'idée d'une plateforme logistique entre plusieurs acteurs, voire même à l'utilisation d'une barge sur la Garonne. "Il faut les aider, mettre à disposition des locaux et anticiper des points de distribution dans les quartiers Bacalan, Bassins à Flot, les Chartrons", insiste Ludovic Delord de DB Schenker qui lance, par ailleurs, quelques idées :

"Pourquoi ces acteurs du dernier kilomètre ne pourraient-ils pas récupérer les emballages et palettes des commerçants précédemment livrés ? Il y a des choses à organiser, à mieux organiser surtout. Aujourd'hui chacun fait ce qu'il peut. Ce n'est pas structuré", explique-t-il.

Un marché qui attire de nouveaux acteurs

Dans le même temps, la concurrence serait sans pitié.

"Beaucoup d'acteurs se disent que c'est le moment d'y aller mais plutôt que d'aller chercher des clients qui utilisent encore des véhicules à moteur thermique, ils se rapprochent de ceux qui travaillent déjà avec des acteurs de la cyclo-logistique. Dans le cadre de la transformation de la logistique urbaine, le marché est énorme ! Il devrait y avoir de la place pour tout le monde", reconnaît Arthur Hay.

Parmi les nouveaux acteurs fraichement arrivés sur Bordeaux figurent ainsi You2you qui fait appel à des micro-entrepreurs, ou encore Vlove. Le "blablacar des livraisons" Shopopop propose également une solution de livraison simple et collaborative, qui permet à des particuliers de rentabiliser leurs trajets réguliers. "L'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché devrait nous donner envie de travailler ensemble entre acteurs de l'ESS", déclare Arthur Hay qui se veut, malgré tout, optimiste.

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