E-commerce : "Cdiscount lancera le 1er avril sa filiale dédiée à son offre de marketplace BtoB"

INTERVIEW. Face au succès croissant de Vinted, Le Bon Coin et Mirakl, le géant français du e-commerce Cdiscount opère un double virage stratégique vers le marché de l'occasion et vers les distributeurs professionnels. Une filiale dédiée à une offre de marketplace BtoB sera ainsi créée le 1er avril 2021 avec une force de frappe de 250 salariés. De quoi initier de nouveaux relais de croissance pour un Cdiscount, toujours en quête de rentabilité. François Albenque, directeur du développement et des services, et Thomas Metivier, directeur de la marketplace, de l'international, de la stratégie et de l'innovation, répondent aux questions de La Tribune.
François Albenque, directeur du développement et des services de Cdiscount, et Thomas Metivier, directeur de la marketplace, de l'international, de la stratégie et de l'innovation.
François Albenque, directeur du développement et des services de Cdiscount, et Thomas Metivier, directeur de la marketplace, de l'international, de la stratégie et de l'innovation. (Crédits : Cdiscount)

LA TRIBUNE - Après les partenariats conclus avec Geev fin 2019 puis Patatam mi 2020, vous venez de vous doter d'une offre entièrement dédiée au marché de l'occasion. Pourquoi ?

FRANÇOIS ALBENQUE, directeur du développement et des services - Parce qu'on se rend compte que c'est un marché très important, évalué autour de sept milliard d'euros pour sa seule dimension e-commerce, et qui est en plein essor avec une progression d'environ 15 % par an. En 2020, 60 % des Français ont déclaré avoir un acheté un produit d'occasion sur Internet, donc c'est un phénomène de masse et c'est important que le leader français du e-commerce soit aussi présent sur ce marché qui répond à une demande croissante de nos clients. Et puis ce marché de l'occasion en CtoC, de client à client, répond aussi à deux enjeux importants pour nous. Le premier est c'est la recherche de pouvoir d'achat des Français qui est impacté par la crise. Le deuxième c'est notre volonté d'accompagner nos clients dans cette démarche plus responsable et plus écologique. C'est une offre qui a donc vocation à se développer et à s'étoffer comme nous venons de le faire avec la vente de véhicules d'occasion.

L'enjeu est aussi d'aller concurrencer d'autres acteurs en forte croissance sur ce créneau tels que Le Bon Coin et Vinted...

Oui, tout à fait. C'est un marché qui progresse très vite et on va aller chercher de la différenciation avec notre approche de site multi-spécialiste qui permet de trouver aussi bien de l'informatique, de l'électroménager, du meuble, du vin ou du vêtement. Bref, une offre plus étoffée. D'autre part, on est en mesure de proposer à nos clients un parcours 100 % numérique avec des envois et livraisons assurés avec notre réseau partenaire Mondial Relay.

Ce virage vers l'occasion et le marché de la seconde main est-il aussi une manière d'anticiper la réglementation sur le réemploi et la fin de vie de vos produits ?

En effet, on est bien conscient de ces enjeux. On propose déjà des produits reconditionnés et on a adopté des démarches pionnières avec le réseau Envie, sur le reconditionnement, et avec des startups comme Geev, pour le don, PIVR, pour la réparation de l'électroménager, Spareka, pour les pièces détachées, ou encore Patatam, pour la friperie en ligne.

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Quels sont vos objectifs sur ce marché de l'occasion ?

Il est encore trop tôt pour dresser un bilan ou donner des objectifs mais le démarrage est très satisfaisant et en quelques semaines nous avons récolté des dizaines de milliers d'offres. Nous sommes dans une phase de progression, d'acquisition. On doit s'assurer que la relation de confiance entre vendeurs et acquéreurs soit bien au rendez-vous. Mais l'idée c'est bien sûr que ce développement s'inscrive à long terme et soit un relai de croissance pour Cdiscount dans les années qui viennent.

Quel est le bilan de l'expérimentation sur le don d'objets menée avec la startup bordelaise Geev depuis 2019 ? Faut-il aller plus loin ?

Cela permet par exemple de proposer à nos clients de donner leur ancienne cafetière au lieu de la jeter lorsqu'ils en achètent une neuve. La première leçon c'est que ça fonctionne. On leur offre de la visibilité et eux récupèrent des utilisateurs. C'est un système vertueux et ça peut aller plus loin dans le cadre de notre offre de produits d'occasion. Dans les années qui viennent, on peut tout à fait imaginer pour des produits à deux ou trois euros qui ne trouvent pas d'acquéreurs de proposer aux vendeurs de basculer sur Geev pour les donner plutôt que les vendre. Il faut multiplier les initiatives dans ce sens parce qu'on y croit beaucoup.

Parlons de cette nouvelle offre de marketplace BtoB annoncée mi-janvier à destination des distributeurs qui positionne Cdiscount en concurrent de Mirakl, cette startup en plein croissance qui a levé 255 millions d'euros en 2020. De quoi s'agit-il exactement ?

THOMAS METIVIER, directeur de la marketplace, de l'international, de la stratégie et de l'innovation - C'est une offre qui est destinée aux distributeurs et aux sites e-commerce qui veulent lancer ou développer leur propre marketplace. L'idée est de leur apporter notre technologie, notre savoir-faire et notre offre de produits et de vendeurs pour leur permettre d'améliorer leur site et leur activité e-commerce. Cela répond à notre conviction, nettement confortée en 2020 avec les confinements, que l'un des facteurs clef de la réussite d'un site e-commerce est sa dimension de marketplace. En clair, la croissance du e-commerce est aujourd'hui tirée par ces places de marché parce qu'elles proposent une offre beaucoup plus importante que les sites classiques. On constate aussi que de plus en plus de marketplaces se créent mais que très peu rencontrent un réel succès commercial parce qu'elles font face à beaucoup de difficultés. Et pour les aider à surmonter ces difficultés nous ne nous contenterons pas de leur apporter que la technologie.

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Que voulez-vous dire concrètement ?

Qu'une marketplace c'est un peu comme une bibliothèque. Si vous avez les étagères mais pas les livres vous aurez bien du mal à avoir des lecteurs et inversement ! Depuis dix ans, Cdiscount a assemblé ces différentes briques technologiques, cette base de 14.000 vendeurs et de 100 millions de produits et ce savoir-faire européen en termes de logistique pour nos 2.500 vendeurs tiers qui ont aujourd'hui plus de produits que nous stockés dans nos entrepôts ! Donc, en clair, on propose aux distributeurs professionnels de leur fournir la bibliothèque et les livres, de les conseiller dans le choix des livres les plus adaptés et même, potentiellement, de les aider installer le salon de lecture qui va avec pour attirer les lecteurs !

C'est cette ambition-là qui fait de cette nouvelle offre une étape au moins aussi importante pour nous que le lancement de notre propre marketplace en 2011. C'est potentiellement autant transformant pour notre modèle en permettant à nos vendeurs d'aller vendre dans des centaines de sites en Europe et à travers le monde et à bientôt des centaines et des milliers de distributeurs, en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, de devenir des acteurs crédibles et attractifs de la marketplace. Parce que nous serons là pour leur permettre de surmonter toutes les difficultés opérationnelles de la marketplace : l'offre, le stockage, le paiement, la confiance, la livraison, les retours, etc.

Depuis janvier 2019, Cdiscount a filialisé son activité d'entrepôts logistiques précisément pour la valoriser auprès d'acteurs tiers. Allez-vous suivre la même stratégie pour rentabiliser votre activité marketplace ?

Oui, on est exactement dans le même cas de figure et Cdiscount lancera le 1er avril 2021 sa filiale dédiée à cette offre de marketplace BtoB. Elle réunira environ 250 salariés du groupe mais son nom et celui de son dirigeant ne sont pas encore arrêtés. La création d'une filiale distincte répond à deux enjeux principaux. Le premier c'est de bien séparer nos activités parce que Cdiscount sera le premier gros client de cette nouvelle filiale mais nous avons déjà d'autres clients qui n'ont évidemment pas envie que leurs données soient partagées avec Cdiscount.com. Le deuxième enjeu c'est d'adapter notre organisation et notre fonctionnement à un modèle purement BtoB qui n'est pas le même que l'activité historique BtoC de Cdiscount. Tout cela nous permettra de mettre à disposition d'autres acteurs et de valoriser cet actif unique en Europe que Cdiscount a construit ces dernières années.

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En ce qui concerne le marché des commerçants, TPE et PME, quel bilan dressez-vous de l'offre promotionnelle lancée lors du confinement de novembre pour développer le e-commerce ?

On a constaté une vraie appétence avec plusieurs milliers de commerçants qui se sont inscrits et pour un grand nombre d'entre eux cela a permis des ventes très significatives. Mais c'est évident qu'il faut aussi un travail d'accompagnement et de formation assez poussé pour aider ces commerçants à développer leur présence en ligne. Maintenant,  c'est une approche qui, pour porter ses fruits, devra nécessairement être collective avec l'appui des acteurs de proximité que sont les collectivités locales et les chambres consulaires par exemple. Parce que pour des commerçants qui sont très loin des outils numériques, qui n'ont ni présence en ligne ni catalogue numérique, c'est évidemment très complexe de se lancer.

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Quelles sont les grandes tendances du e-commerce en 2021 après une année 2020 qui a servi de déclencheur à beaucoup de clients et de commerçants ?

THOMAS METIVIER - Pour moi, c'est vraiment la confirmation de l'apport du modèle de la marketplace qui a montré sa dynamique parce qu'elle a une capacité de résilience très forte avec des stocks et des vendeurs nombreux et répartis sur tout le territoire. Cela offre beaucoup plus de souplesse et de sécurité qu'un modèle centralisé. L'autre enseignement c'est qu'on voit de plus en plus de projets de marketplaces en France, où nous sommes plutôt en avance, mais aussi dans les autres pays européens avec une vraie effervescence dans le domaine.

FRANÇOIS ALBENQUE - En ce qui me concerne, c'est la confirmation que le e-commerce ne se limite plus seulement à l'équipement de la maison mais à tous les domaines, tous les produits, tous les usages et tous les secteurs d'activité. Les confinements ont vraiment accéléré ces demandes.

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Commentaires 4
à écrit le 11/02/2021 à 16:59
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Il est ou le SAV chez ces gens là svp ?

à écrit le 11/02/2021 à 15:18
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Si c'est pour brancher leurs milliers de vendeurs chinois, ça me semble plus simple d'utiliser Oberlo.

à écrit le 11/02/2021 à 10:42
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Un haut responsable d'un important site de Cdiscount à Cestas (Gironde) a été mis en examen lundi dernier à Bordeaux soupçonné du vol de données personnelles de potentiellement 33 millions de clients qui ont ensuite été proposées à la vente sur le Da...

le 12/02/2021 à 21:10
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Cdiscount qui veut faire passer un responsable d entrepôt pour un haut cadre pour éviter le débat sur l absence de tout contrôle interne quant à l’accès de ses données clients...

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