Espaces verts, logement social : Bordeaux Brazza passe à l'urbanisme apprivoisé

Le quartier Brazza sur la rive droite nord de Bordeaux lance sa nouvelle phase d'aménagement en 2024. Friches, ligne de mobilité, équipements publics : autant d'espaces à encadrer pour la municipalité écologiste qui veut mettre fin à « l'urbanisme en liberté » à l'aide du dispositif de projet urbain partenarial. Ce qui va contraindre les opérateurs à financer les équipements publics.
Maxime Giraudeau
A Brazza, le promoteur Vilogia porte un programme de 142 logements et 8 locaux artisanaux en volumes capables.
A Brazza, le promoteur Vilogia porte un programme de 142 logements et 8 locaux artisanaux en volumes capables. (Crédits : MG / La Tribune)

Dix ans après le lancement du chantier sur le quartier Brazza, un tour du propriétaire, ou plutôt des propriétaires, s'impose. Ce 17 avril, le maire de Bordeaux a visité les programmes immobiliers sortis de terre sur cet ancien quartier industriel du nord de la ville. Des immeubles en volumes capables, des îlots avec jusqu'à 50 % de logements sociaux, l'emblématique UCPA Sport Station ouverte au printemps 2023, des groupes scolaires et le programme mixte de Cardinal Promotion encore en chantier, le tout encadré par une bande forestière préservée de 2 ha. Pierre Hurmic n'y est pas pour grand-chose puisque 80 % des permis de construire étaient déjà attribués lors de son élection en 2020. Mais l'élu écologiste veut profiter du lancement de la phase deux de Brazza pour imprimer sa patte verte.

« C'est un quartier où l'on peut travailler à faire non pas l'urbanisme en liberté aux mains des promoteurs, mais à une planification avec une sécurisation du montage foncier de l'opération », vise le maire avec pour précepte « faire la ville sur la ville en ne touchant pas aux derniers espaces verts ».

bois brazza

Initialement promis à la promotion immobilière, le bois rudéral a été racheté par la municipalité dans le but d'être sauvegardé. (crédits : MG / La Tribune)

« La puissance publique n'était pas assez engagée »

Une orientation que Brazza a déjà commencé à prendre avec la sauvegarde de cette bande forestière de 2 hectares mais aussi la place accordée au logement social. Les programmes livrés abritent 20 % de biens en accession sociale et 40 % en location sociale. C'est notamment le cas du promoteur Vilogia qui présentait un ilot de 142 logements entièrement commercialisé. « L'opération a nécessité un gros travail et des arbitrages avec la Ville et la Métropole. Au final, on est à l'équilibre sur une proposition avec 50 % de logement social », glisse à La Tribune Franck Hanart, directeur régional de Vilogia.

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La municipalité veut encourager cette prime au logement social ou aux locaux artisanaux en rez-de-chaussée, dans un quartier où, promet-on, la manière de faire ne sera plus la même qu'avant. « C'est un quartier qui évolue et qu'il fallait réorienter car la puissance publique n'était pas assez engagée. Le fait d'avoir un projet urbain partenarial avec les promoteurs nous donnera beaucoup plus de prise », engage Pierre Hurmic. Le PUP, pour projet urbain partenarial, est un outil d'aménagement contractuel qui va permettre à la collectivité d'imposer aux opérateurs une participation financière dans le but de financer les équipement publics sur le quartier. Une façon de tourner la page de « l'urbanisme négocié » des années Juppé laissant la main aux promoteurs qui ont marqué la construction des Bassins à Flot et de la première tranche de Brazza.

Pour les phases deux et trois du programme, Ville et Métropole promettent ainsi de piloter elles-mêmes la réalisation des espaces publics grâce à un cofinancement public-privé. Pierre Hurmic veut par ailleurs motiver les promoteurs à intégrer les exigences du Label bâtiment frugal bordelais, qui se cherche encore une première vitrine trois ans après son lancement.

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Des entreprises à exproprier ?

Une nouvelle donne posée alors que le quartier entre dans sa deuxième phase d'aménagement en 2024. Dans un contexte de crise du bâtiment, l'heure est à la réflexion. « La crise nous donne aussi du temps pour interroger la pérennité de la programmation », évoquait le mois dernier dans La Tribune Pauline Delsous, la directrice de projet. Ce nouveau temps va notamment concerner 17 hectares de friches industrielles pour lesquelles Bordeaux Métropole, l'aménageur du projet Brazza, a initié une demande de Déclaration d'utilité publique (DUP) qui aboutirait, en cas de validation, à l'expropriation des entreprises propriétaires.

Cette réserve foncière devait initialement accueillir un programme hôtelier dont la signature a été contrariée à l'arrivée du Covid en 2020. La Métropole veut désormais orienter un nouvel exploitant sur une proposition mixant logements et locaux commerciaux en rez-de-chaussée complémentaires avec l'activité de l'UCPA Sport Station à proximité immédiate. La directrice de projet vise les premiers dépôts de permis de construire pour 2026-2027, alors que les négociations amiables se poursuivent toujours en attendant l'instruction de la DUP.

Une « Brazzaligne » de mobilité

Pour assurer l'habitabilité du quartier, l'aménageur veut diriger les constructions les plus hautes en bordure de quartier et tenter de concilier horizontalité et densification en cœur de secteur. C'est notamment le cas avec les 22 maisons individuelles du programme de Cardinal Promotion, qui visent le Label bâtiment frugal bordelais grâce à une ossature en béton bas carbone avec des granulats recyclés.

A l'ombre des plus haut immeubles en périphérie, c'est un autre sujet qui va se poser : celui des mobilités. Le quartier est délimité par une ligne ferroviaire desservant le site de production de farine des Grands moulins de Paris. La Métropole aimerait profiter de l'infrastructure pour travailler à l'interconnexion avec les autres quartiers, Bastide Niel et le bas Cenon. De quoi imaginer pourquoi pas des voies de mobilité douce le long de l'axe ferroviaire, en s'inspirant de la high-line new-yorkaise. Un projet de Brazzaligne en réflexion depuis 2012, pas totalement défini, mais qui va avoir l'occasion d'être mis en discussion pour la prochaine phase d'aménagement.

L'opération d'aménagement du quartier devrait se poursuivre jusqu'au début de la décennie 2030, sur un secteur qui va accueillir 10.000 habitants supplémentaires. Avec les réserves foncières à disposition, il est d'ores-et-déjà un terrain de chasse de choix à Bordeaux pour la promotion immobilière. Mais entre la crise du bâtiment et la municipalité qui veut freiner les ardeurs des opérateurs, la partie promet d'être disputée. Un match à suivre notamment à travers les rencontres Brazza, initiées en 2021 et qui vont se poursuivre avec les habitants pour cette nouvelle phase.

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Maxime Giraudeau

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