Législatives : Thomas Cazenave joue à Bordeaux une partie de son avenir politique

À Bordeaux, les trois députés sortants - Thomas Cazenave (Renaissance), Nicolas Thierry (Ecologistes) et Loïc Prud'homme (LFI) - sont repartis en campagne. Le match s'annonce disputé pour le ministre des Comptes publics face à l'écologiste Céline Papin dans la 1ere circonscription de Gironde. Il y jouera une grande partie de son avenir politique à Paris comme à Bordeaux.
Les trois député sortants de Bordeaux sont déjà repartis en campagne. De gauche à droite : Thomas Cazenave (Ensemble), Nicolas Thierry (Front populaire/Ecologistes) et Loïc Prud'homme (Front populaire/LFI).
Les trois député sortants de Bordeaux sont déjà repartis en campagne. De gauche à droite : Thomas Cazenave (Ensemble), Nicolas Thierry (Front populaire/Ecologistes) et Loïc Prud'homme (Front populaire/LFI). (Crédits : Agence APPA / N. Thierry / Assemblée nationale)

« Le chef de l'Etat a décidé d'une dissolution de confort qui porte un risque insensé de donner les clés de la France à l'extrême-droite ! », alerte Pierre Hurmic. S'il se félicite que celle-ci ne soit pas arrivée en tête à Bordeaux, le maire écologiste se dit « très inquiet » alors que le Rassemblement national et Reconquête y ont obtenu, en cumulé, près de 18 % des suffrages. Un score plus faible qu'au niveau national mais historiquement haut pour Bordeaux, traditionnellement décrite comme une terre de modération. C'est dans ce contexte que les trois députés élus en 2022 - Thomas Cazenave (Renaissance), Nicolas Thierry (Nupes/Ecologistes) et Loïc Prud'homme (Nupes/LFI) - ont été réinvestis et se sont déjà lancés dans cette campagne électorale éclair en vue des 30 juin et 7 juillet.

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Deux conseillers municipaux face-à-face

Et c'est bien dans la 1ere circonscription de Gironde, qui mêle quartiers populaires et aisés du nord-ouest de Bordeaux et les communes de Bruges et du Bouscat, que le match s'annonce le plus serré. Ministre délégué chargé des Comptes publics depuis l'été 2023, Thomas Cazenave l'avait emporté assez nettement au printemps 2022. Le candidat macroniste avait réuni 59 % des suffrages contre Catherine Cestari (Nupes), soit une avance confortable de 5.600 voix. Mais le résultat des élections européennes du 9 juin devrait lui donner des motifs d'inquiétude. La liste de la majorité présidentielle, menée par Valérie Hayer est bien arrivée en pole position à l'échelle de la circonscription mais seulement d'une courte tête avec 19,7 % contre 19,6 % à Raphaël Glucksmann et 17,5 % au Rassemblement national. Et le camp macroniste dispose d'un réservoir de voix a priori plus limité qu'à gauche puisque l'addition des listes du Front populaire y dépasse les 38 %.

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« Cette campagne porte un enjeu de clarification pour l'avenir du pays avec un choix entre des projets très différents : notre programme progressiste et des projets très dépensiers qui entraîneront la ruine du pays », fait valoir le numéro deux du ministère des Finances, âgé de 46 ans, qui avait laissé l'an dernier son siège de député à sa suppléante Alexandra Martin. Malgré le coup de tonnerre de la dissolution décidée par Emmanuel Macron, « je n'ai pas hésité une seconde et je mène cette campagne avec mon bilan de député de la circonscription qui a soutenu le projet ïkos, le plafonnement des loyers des commerçants ou encore le plan d'aide à la viticulture », poursuit Thomas Cazenave.

Face au ministre, le Nouveau front populaire a investi Céline Papin, 43 ans, écologiste de longue date et adjointe au maire de Bordeaux en charge des coopérations territoriales, européennes et internationales, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pour elle aussi, le choix a été évident : « Nous sommes face à un enjeu historique qui peut nous plonger dans le pire comme dans le meilleur. J'habite à Ginko [nouveau quartier du nord de Bordeaux, NDLR] depuis quinze ans et je ne souhaite pas que cette circonscription bascule à l'extrême-droite ni prolonge le macronisme », explique-t-elle. Céline Papin compte mettre en avant dans sa campagne « les sujets des services publics, de l'hôpital, de l'école, du pouvoir d'achat et de la confiance des citoyens dans la politique ». « C'est une élue très engagée, très efficace et portant des convictions très fortes, elle ferait une très bonne parlementaire », soutient sans surprise Pierre Hurmic, qui salue la création du Nouveau Front populaire même s'il ne compte pas d'élus LFI dans sa propre majorité municipale.

Le RN en embuscade ?

Malgré ses 17,5 % récoltés aux européennes, un score historiquement haut, le Rassemblement national n'est a priori pas en mesure de l'emporter dans cette 1ere circonscription de Gironde. C'est le conseiller régional Bruno Paluteau qui défendra les couleurs de l'extrême-droite face à trois autres candidats : Fanny Quandalle (Lutte ouvrière), Virginie Tournay (Reconquête) et Béatrice Pomarel (centre). En revanche, le RN cherchera à consolider ses positions dans le nord du département : la députée RN sortante Edwige Diaz l'avait emporté avec 58,7 % au second tout en 2022 dans la 11e circonscription du Blayais tandis que son collègue Grégoire de Fournas (53,2 %) pourra s'appuyer sur les bons scores du RN qui a frôlé la majorité absolue aux européennes dans les principales villes du Médoc. Arrivé en tête dans 97,6 % des communes girondines, le parti d'extrême-droite espère envoyer de nouveaux députés à l'Assemblée.

Le ministre du Budget joue son avenir

Mais derrière cette campagne entre deux conseillers municipaux bordelais, se profile aussi l'horizon de l'élection à la mairie de Bordeaux en 2026. Elu dans l'opposition après son alliance malheureuse avec Nicolas Florian (LR), Thomas Cazenave est resté particulièrement assidu aux conseils municipaux et métropolitains et ne cache pas ses ambitions locales bien qu'il élude actuellement le sujet : « Chaque élection est un nouveau défi que j'aborde avec humilité et détermination. Je ne me trompe pas d'élection : je me préoccupe uniquement de l'extrême-droite et de ce scrutin législatif », répond Thomas Cazenave. En face, Céline Papin est bien consciente de pas affronter seulement un conseiller municipal d'opposition : « C'est un adversaire de taille, un représentant de la Macronie et de sa déconnexion. Il a des ambitions pour Bordeaux et il a fait le choix de se présenter. Je le respecte mais je suis concentrée sur l'enjeu des législatives. »

Quoi qu'il en soit, une éventuelle défaite viendrait mécaniquement mettre un coup d'arrêt à la carrière politique nationale de Thomas Cazenave, qui évolue depuis des années en Paris et Bordeaux. Et cela le fragiliserait aussi en local face à l'ancien maire (LR) Nicolas Florian, déjà ragaillardi par un sondage publié l'an dernier en vue de l'élection municipale de 2026. À l'inverse, une victoire contribuerait à redéfinir les équilibres à droite et au centre à Bordeaux.

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« J'y vais pour gagner ! » Thomas Cazenave comme Céline Papin jugent l'élection mathématiquement gagnable dans cette circonscription disputée. Détenue historiquement par la droite, elle est passée au PS en 2012 puis à LREM en 2017 et en 2022. C'est le degré de mobilisation de chaque électorat qui devrait faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Mais avec près de 11 % aux élections européennes, l'électorat de la droite bordelaise aura d'autant plus son mot à dire que les LR ont décidé de ne pas présenter de candidat dans cette circonscription.

La gauche en position favorable à Bordeaux

Dans les deux autres circonscriptions bordelaises, la sociologie électorale semble plus favorable au Nouveau front populaire. Le député écologiste sortant Nicolas Thierry, qui s'est notamment fait connaître pour son combat contre les Pfas, les polluants éternels, repart en campagne. Il l'avait emporté avec seulement 53 % des voix face à Catherine Fabre (Renaissance), soit environ 2.400 bulletins d'écart, dans cette circonscription qui couvre le centre-ville de Bordeaux. Dans le camp macroniste, Catherine Fabre sera cette fois suppléante de la candidate Véronique Juramy, directrice du développement de SNCF Renouvelables. Le député sortant pourra compter sur un bloc de gauche qui a dépassé les 50 % aux européennes en additionnant les listes du Nouveau Front populaire. Les deux candidats affronteront également Christine Errera (LR), Flavie Fournier (RN), Guy Dupont (LO), David Pijoan et Yanis Iva.

Même dynamique dans la 3e circonscription qui réunit le sud de Bordeaux et les communes de Bègles, Talence et Villenave-d'Ornon. Élu dès 2017 et réélu en 2022 par un succès net (59 %) contre Fabien Robert (Modem), Loïc Prud'homme (LFI) a été investi par le Nouveau Front populaire qui a frôlé les 50 % à l'élection européenne du 9 juin dernier. C'est Ariane Ary qui représentera le Modem et Renaissance tandis que sept autres candidatures sont officialisées : Maryvonne Bastère (Reconquête), Jacques Guldner (LO), Flora Savino (Divers), Johan Giradu-Girard (Divers), Yacine Touzani et Nathan Minvielle-Larousse.

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Commentaires 2
à écrit le 19/06/2024 à 10:50
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"Mais qui se soucie de nous ? Pas vous ! Mais qui ce soucie de vous ? Pas moi !" Jacques Dutronc (époux de Françoise Hardy ^^)

à écrit le 19/06/2024 à 9:54
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Soyons sérieux: un énarque, qui plus est Inspecteur des Finances, peut-il avoir des inquiétudes sur son avenir?

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