Inflation : Axel Champeil explique pourquoi elle a commencé à changer le paysage économique

La flambée inflationniste internationale, qui n'a cessé de s'intensifier depuis le début d'invasion de l'Ukraine par la Russie, en février dernier, n'épargne ni la France ni la Nouvelle-Aquitaine. Si elle est potentiellement explosive, cette crise de la montée des prix va permettre d'assainir certains secteurs noyés par un excès de liquidités, comme l'immobilier, juge pour La Tribune Axel Champeil, PDG de la société financière bordelaise Champeil. Si le danger d'une crise inflationniste est là, les entreprises ont de bons résultats et l'économie tient le coup.
Le marché immobilier devrait perdre de l'altitude si les investisseurs et de plus en plus de promoteurs continuent à être sous pression à cause de l'inflation.
Le marché immobilier devrait perdre de l'altitude si les investisseurs et de plus en plus de promoteurs continuent à être sous pression à cause de l'inflation. (Crédits : Agence APPA)

"L'ère pendant laquelle on investissait à n'importe quel prix est finie, mais les bonnes entreprises continueront à être financées. Les investisseurs essaient désormais de privilégier les entreprises qui ont des structures bilantielles solides. Cela risque de perturber le monde des startups mais il faut voir qu'il y a eu tellement d'argent investi dans ce secteur que cela en devenait déraisonnable. Ce qui est aussi le cas de l'immobilier et de plusieurs autres secteurs" cadre Axel Champeil, PDG de la société financière Champeil, à Bordeaux.

Un enchainement de décisions politiques chaotiques

La forte poussée inflationniste qui commence à se répandre dans de nombreux champs de l'activité économique se nourrit d'un terreau très inflammable, constitué de nombreux matériaux. Pêle-mêle le choc de reprise de l'après-confinement, la crise d'approvisionnement en semi-conducteurs, la guerre en Ukraine ou encore la pandémie de Covid-19, qui vient de pousser la Chine à une fermeture quasi générale de ses frontières, pour faire face à un coronavirus qui n'a officiellement tué que peu de personnes sur son territoire de 1,4 milliard d'habitants. Spécialiste des données invraisemblables quand ça lui chante, la Chine n'a ainsi comptabilisé que 4.782 morts en 2020 et 146 en 2021, contre 64.759 en France en 2020 et 45.981 en 2021 !

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 Cette fermeture du pays, signe d'une défaillance majeure, inquiète les milieux d'affaires en relation avec la Chine toujours plus nombreux à rallier Singapour. Au final ce mix événementiel international fort en rebondissements tragiques et décisions politiques chaotiques, qui mettent les marchés à genoux, s'impose comme un carburant idéal pour l'inflation. Puisqu'il génère de fortes quantités d'incertitude. Un matériau psychologique dont la capacité à déstabiliser les marchés, à inquiéter voire paniquer les acteurs économiques, est démontrée.

Les prémisses d'une crise allumée par le Covid-19

Axel Champeil rationnalise de son côté ce package de l'enfer, et refait le match à partir des éléments les plus factuels.

"L'inflation était déjà sous-jacente, avec l'importante création monétaire réalisée depuis plusieurs années, avec la politique de « quantitative easing » (QE : pour assouplissement quantitatif/politique monétaire marquée par un rachat massif de dette publique ou d'autres actifs par une banque centrale -Ndr). Mais l'inflation restait contenue dans la sphère financière, en particulier certains actifs : comme les actions, obligations, certains secteurs...

Cette inflation touchait aussi des actifs tangibles, dont l'immobilier, les œuvres d'art... mais sans effet sur l'économie. Avec la pandémie de Covid-19 et la politique du « quoi qu'il en coûte », d'importantes quantités d'argent ont été injectées, non pas dans la finance cette fois-ci mais directement dans la machine économique. D'où l'apparition d'une montée inflationniste due à une économie qui tournait fort" rembobine dans un premier temps l'analyste financier.

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Une inflation explosive pas vue depuis 40 ans

Axel Champeil se penche ensuite sur le ressenti des banquiers centraux et les enjeux soulevés par cette nouvelle situation.

"De leur côté les banques centrales combattaient ces dernières années contre la déflation, ce qui par ailleurs pouvait apporter une réponse au poids de la dette. Cette arrivée de l'inflation n'est donc pas une surprise. Mais ce qui frappe aujourd'hui c'est l'ampleur de cette poussée inflationniste et la grande rapidité à laquelle elle revient. Une inflation à 8 ou 10 % comme ce que l'on connait, empêche de déclencher une remontée des taux du même niveau, c'est inenvisageable" recadre le patron de la société Champeil.

Deux techniques antagonistes pour faire face à l'inflation

Axel Champeil revient schématiquement sur le dilemme qui se pose immanquablement, mais avec plus ou moins d'évidence lorsqu'il faut adopter une stratégie face à l'inflation.

1/ Soit on opte pour une remontée rapide des taux d'intérêt, qui déterminent le prix de l'argent, pour étouffer la hausse inflationniste. Autrement dit, on applique une politique très vigoureuse d'étouffement parce que l'inflation est un fléau qui tue l'argent. Mais à ce moment-là, la croissance risque de s'effondrer.

2/ Soit on décide de lutter à vitesse réduite contre l'inflation, pour ne pas casser l'économie et profiter des effets positifs de taux réels encore négatifs, par exemple de -5 % : pour un coût de l'argent de 2 % et une inflation à +7 %. Ce qui procure des effets positifs sur l'investissement et le poids des dettes. Reste à savoir si l'inflation est conjoncturelle ou structurelle. Dans ce dernier cas on ne pourra pas se passer d'une hausse plus importante des taux, prévient Axel Champeil.

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Juillet 2022 : le diagnostic du spécialiste bordelais

"Nous avons un taux de croissance peu élevé, avec une menace de pénurie sur des matières premières. Il n'est donc pas utile de vouloir stimuler la croissance économique ou d'y aller trop fort. Parce que nous avons une économie qui n'est pour le moment plus capable de générer de la croissance. La montée des taux d'intérêt provoque un ralentissement. Les actifs financiers, comme la bourse ou encore l'immobilier, connaissent une baisse mais c'est un assainissement car nous étions allés trop loin. Il s'agit d'une correction des excès. Ce qui n'est pas si mauvais" tranche Axel Champeil.

Des signes patents de l'incendie inflationniste

"Quand vous voyez que selon certaines sources l'immobilier a grimpé de +40 % sur le Bassin d'Arcachon en deux ans, cela interpelle sur la justification. Sans parler des flambées de certaines actions, comme cela a été le cas pour Tesla par exemple, ou le Bitcoin. La hausse des taux vient questionner sur la rentabilité de ces actifs. La forte correction de certains actifs financiers, à l'instar des deux cités, apparait comme un assainissement. Le contre-coup de cette inévitable politique de remontée des taux d'intérêts, c'est qu'il va y avoir une hausse du montant de la dette publique et une augmentation du coût du crédit. Ce qui va avoir un impact sur l'économie" prévient l'analyste.

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Souverainisme et transitions écologique : deux combustibles

Axel Champeil rajoute deux éléments à cet environnement inflationniste déjà hautement inflammable : le souverainisme économique et la transition écologique. Avec des points de vue qui pourraient surprendre certains lecteurs. Le PDG de Champeil estime ainsi tout d'abord que le souverainisme économique, avec sa stratégie de réindustrialisation du pays, va faire gonfler les factures. Tout simplement parce que le coût du travail est supérieur en France à ce qu'il est dans les pays émergents.

"Produire là où on est bon a toujours été l'une des bases de la mondialisation, c'est ce que l'on remet en jeu aujourd'hui et qui est source d'inflation durable. L'inflation : une situation que beaucoup d'acteurs économiques n'ont jamais connue" défend Axel Champeil.

Côté transition écologique, l'analyste bordelais trouve que les technologies émergentes sont très coûteuses et qu'elles s'imposent comme de nouveaux vecteurs d'inflation. Parce qu'il estime en particulier que les systèmes de propulsion électrique ou à hydrogène se situent dans des gammes de prix très élevées, sans commune mesure avec celles liées à l'exploitation pétrolière.

"De même, l'Europe souhaite réduire sa dépendance dans le domaine des semi-conducteurs et cela nécessite d'importants investissements" complète Axel Champeil.

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Il y a encore des freins malgré le risque d'accident

Le pire n'est jamais sûr mais nous roulons au bord du précipice. Ce n'est pas ce que dit explicitement Axel Champeil mais c'est ce qu'il pense. Les plus optimistes renverseront la proposition pour finir avec la première partie de la phrase.

"Il suffirait de pas grand chose pour que ça plonge. Les investisseurs ont augmenté leur niveau de risque pour avoir une meilleure rémunération du capital quand les taux d'intérêts étaient bas. Aujourd'hui ceux qui s'estiment trop exposés au risque vont se retirer des marchés financiers, ce qui va provoquer des mini-crises. Mais le pire n'est jamais sûr. Et sur ce plan nous voyons des taux d'intérêts réels encore négatifs et de bons résultats semestriels pour les entreprises, malgré l'inflation" tempère ainsi le financier.

Cela ne va pas peut-être pas si mal mais impossible pour Axel Champeil d'éliminer le risque dans son format XXL.

"Les marchés pourraient être exposés à un mouvement de panique. La situation actuelle provoque de l'attentisme, il y a moins d'acheteurs. Il y a moins de vendeurs aussi mais les flux de ventes pourraient exploser en cas de panique -les fonds d'investissement devant gérer les retraits de leurs clients. Il n'en reste pas moins vrai qu'une crise boursière reste passagère et que les bons actifs garderont de la valeur."

Autrement dit, même quand elle fait peur, une crise boursière n'a pas la gravité d'une crise bancaire.

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