Incendies forestiers : le photovoltaïque sous le feu des critiques dans le Sud-Ouest

La forêt des Landes est pour l'instant épargnée par les flammes cet été mais les départs de feux successifs sur une centrale photovoltaïque de Gironde attisent les accusations. Si l'implantation de parcs solaires en milieu forestier augmente le risque selon certains, les gestionnaires s'en défendent et disent agir pour la prévention des incendies. Tout en reconnaissant que la réglementation pourrait aller plus loin.
Maxime Giraudeau
Une dizaine de départs de feux seraient issus de centrales solaires en 2023 dans le massif des Landes selon la DFCI Aquitaine.
Une dizaine de départs de feux seraient issus de centrales solaires en 2023 dans le massif des Landes selon la DFCI Aquitaine. (Crédits : Domaine d'Essendiéras)

Éviter de revivre les ravages de l'été 2022, coûte que coûte. C'est en somme le mot d'ordre général depuis presque un an suite aux incendies qui ont réduit en cendres plus de 30.000 hectares de forêt en Gironde. Alors, forcément, quand une centrale photovoltaïque de la forêt médocaine connaît son cinquième départ de feu en quelques mois, il y a de quoi être crispé. Sur la commune de Sainte-Hélène, au sud du Médoc, le maire vient de suspendre l'exploitation d'un parc photovoltaïque d'une quarantaine d'hectares après un nouveau départ de feu, maîtrisé par les pompiers, le 27 juillet.

« Ce sont des problèmes techniques qui mettent feu à la végétation sous les panneaux. Après plusieurs courriers pour mettre en demeure l'exploitant, j'ai décidé de fermer le parc le temps qu'il nous apporte des garanties de bon fonctionnement », explique à La Tribune le maire de Sainte-Hélène, Lionel Montillaud. L'élu, éprouvé par les feux qui ont touché sa commune en septembre dernier, se veut ferme et met en cause l'entretien technique de l'infrastructure. D'autant que sur les quatre parcs photovoltaïques de Sainte-Hélène, seul celui exploité par Le Bétout Énergies connaît des dysfonctionnements. La société n'a pas répondu à nos sollicitations.

Parcs à risques ou parcs coupes-feux ?

En comptant ce parc défaillant, le directeur de la DFCI Aquitaine relève une dizaine de départs de feux dans des installations photovoltaïques en milieu forestier cette année. Et dit observer une recrudescence des cas dans la région. « Sur les dernières années, on voit que les parcs photovoltaïques peuvent générer des départs de feux. On l'a vu sur Sainte-Hélène mais aussi dans les Landes. Force est de constater que les engagements réglementaires de débroussaillement ne sont pas respectés », s'agace Pierre Macé. Un entretien qui est pourtant assuré de façon satisfaisante sur sa commune selon le maire médocain.

Les obligations légales de débroussaillement (OLD) imposent aux gestionnaires de limiter la végétation sur une bande de 50 mètres de large autour de la clôture des parcs. La DFCI préconise en sus d'effectuer un débroussaillage régulier sous les panneaux solaires mais aussi de veiller à l'accessibilité des points d'eaux et pistes réservées aux forces d'intervention contre les incendies.

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Un rôle d'appui que les aménageurs interrogés ont parfaitement l'impression de remplir. « Les projets solaires se situent dans un cadre extrêmement restrictif où, pour obtenir des autorisations, on doit répondre au code de l'environnement, de l'énergie et de l'urbanisme. Une centrale photovoltaïque au milieu d'une foret c'est une zone de repli pour les pompiers avec de l'eau à disposition », argumente David Portales, cofondateur de l'aménageur solaire GLHV. « Les centrales solaires ont été des coupes-feux l'an dernier à Sainte-Hélène », affirme quant à lui Pierre-François Claux, gestionnaire d'actifs pour Valorem, qui dispose d'un parc sur la commune, mis à l'arrêt lors de l'incendie de Saumos en septembre 2022.

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Des enjeux de biodiversité contradictoires

L'aménageur béglais d'énergies renouvelables mène des inspections thermographiques par drone et travaille à la mise en place d'un système de détection des incendies par caméra afin de limiter les risques. Mais reconnaît qu'« avec les sécheresses, les opérateurs doivent redoubler de vigilance ». D'autant que les exigences de préservation de la biodiversité entrent en contradiction avec les mesures de débroussaillement.

« Pour préserver l'habitat d'éventuelles espèces protégées, l'administration nous interdit l'entretien paysager à certaines périodes, ce qui va à l'encontre de la prévention incendie », déplore Pierre -François Claux. Une opposition des enjeux qui peut nuire à la gestion des parcs. Et peut servir de prétexte pour négliger l'entretien.

Sous couvert de préservation de l'environnement, certains maintiennent des îlots de végétation sur le pourtour et dans ces parcs. Dans ces conditions, il est difficile d'envisager des zones d'appui pour les sapeurs-pompiers , balaye Pierre Macé. Le directeur de la DFCI Aquitaine se montre intransigeant : « Les parcs photovoltaïques accroissent le risque de départ de feu. On ne peut pas considérer qu'ils permettent de lutter contre les incendies en milieu forestier », accuse-t-il en rappelant le feu qui s'est propagé sur un parc solaire à Hostens l'été dernier.

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Autant de modes de gestion que d'exploitants

Les aménageurs prennent la mesure de leur responsabilité et évoquent diverses pistes pour diminuer le risque : augmentation de la surface des zones tampon débroussaillées, bandes de sable, surveillance quotidienne, échanges avec les forces d'intervention... Mais tant que la loi n'imposera pas un cadre plus strict, il y aura autant de modes de gestion que d'exploitants. De quoi inquiéter dans une situation climatique où les sécheresses s'accentuent.

En 2020 déjà, la sénatrice girondine Nathalie Delattre sollicitait le gouvernement à travers une intervention en séance parlementaire pour renforcer les obligations des aménageurs. Mais l'idée n'a pas été reprise dans la proposition de loi sur la lutte incendie portée par le Sénat au printemps. « On peut continuer à développer du solaire en milieu forestier malgré le changement climatique, mais en prenant des mesures supplémentaires pour contenir ce risque, au-delà de la réglementation actuelle », insiste Pierre-François Claux.

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Maxime Giraudeau

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Commentaire 1
à écrit le 18/08/2023 à 13:55
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Bonjour, maintenant que le parck photowoltaique est construit, ils me semblent difficile d'interdire l'exploitation.. Dans tous les cas, s'ils y a depart de feux, cela sont sûrement des actes de malveillant....

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