Des panneaux photovoltaïques innovants bientôt industrialisés en Nouvelle-Aquitaine

Une filière industrielle dédiée à des cellules photovoltaïques ultra-innovantes doit voir le jour en Nouvelle-Aquitaine d'ici 2025. Les cellules Grätzel, du nom de leur inventeur, promettent des panneaux légers, performants et recyclables à condition de réussir le défi de l'industrialisation non résolu jusqu'ici. A la clé, plus de 100 millions d'euros d'investissement et 500 emplois. Loin d'une révolution, les marchés visés sont très spécifiques. Explications.
Maxime Giraudeau
Les cellules Grätzel, du nom de leur inventeur, ornent les façades de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse.
Les cellules Grätzel, du nom de leur inventeur, ornent les façades de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse. (Crédits : Alain Herzog / EPFL)

Combien de startups, d'inventeurs ou de petites entreprises ont butté, ces dernières années, sur un projet d'industrialisation de leurs technologies ? Le chiffre, s'il était connu, donnerait des maux de tête au monde économique. Dans le domaine du solaire, on pourrait même parler d'insolation. Depuis son laboratoire de recherche de Lausanne, en Suisse, le professeur de chimie Michael Grätzel l'a vécu mieux que personne. Ce chercheur d'origine allemande est l'inventeur de cellules photovoltaïques parmi les plus innovantes au monde. Des composants légers, bi-face et recyclables... mis au point il y a bientôt 30 ans. Les recherches de développement, maintes fois financées, n'ont jamais abouti à la bonne formulation industrielle. L'avenir des cellules Grätzel est alors devenu très nuageux.

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L'éclaircie est arrivée le 14 juin dernier. Le projet intitulé Solar Transparencies, dédié à la  recherche et la fabrication de ces panneaux nouvelle génération, va poser ses valises en Nouvelle-Aquitaine, la première région agricole et solaire de France en terme de puissance installée. Après plusieurs années de discussions, les porteurs du projet dont la Région, le professeur Grätzel et l'inventeur français Philippe Vitel ont officialisé leur collaboration. Objectif : lancer un site pilote d'ici 2025 pour produire ces panneaux légers à destination de l'agrivoltaïsme ou du solaire urbain. Telle une revanche pour la Région, qui avait échoué cet hiver à faire venir l'entreprise Carbon et son projet de mégafactory de panneaux solaires. Il n'en reste pas moins un défi de taille même si la technologie est déjà maîtrisée et éprouvée.

Agrivoltaïsme et bâtiments urbains

Inspirés de la photosynthèse végétale, les cellules Grätzel sont composées de verre transparent, d'un semi-conducteur et d'un colorant. Fins et légers, les panneaux sont particulièrement modulables. Le projet industriel intègre deux autres technologies de rupture : le pérovskite, un minéral qui conduit mieux l'électricité que le silicium, et un système de refroidissement des panneaux développé par Philippe Vitel. Une combinaison qui doit leur permettre d'améliorer les rendements, alors que les performances obtenues sont pour l'instant légèrement en-deça de celles des panneaux couramment utilisés. Mais le projet dispose d'un atout énorme pour l'agriculture puisque les cellules sont capables de filtrer une lumière qui optimise les conditions de croissance de certaines plantes, en particulier celles des micros-algues.

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« Par rapport aux panneaux classiques au silicium, nos panneaux auront l'empreinte la plus faible en terme de CO2. [Comme les panneaux silicium, ndlr], c'est une technologie qui n'utilise pas de terres rares et qui est facile à recycler avec les canaux de collecte existants », relève Philippe Vitel, chercheur et maître d'œuvre du projet. Un panneau du futur qui n'a pour autant pas vocation à remplacer les grands parcs photovoltaïques. En effet, cette technologie n'est pas pensée pour être raccordée au réseau électrique. Les panneaux Grätzel sont plutôt dédiés à l'autoconsommation, posés sur les serres agricoles ou sur le mobilier urbain par exemple. Ensuite, les capacités de production seront bien limitées au regard des besoins croissants en matière d'installations.

« Un produit de niche »

Le site pilote pourra produire 9.000 panneaux par an les premières années, puis une surface équivalente à 250.000m2 qui pourrait grimper à 1 voire 1,7 millions de m2 à terme. « On ne pourra jamais répondre à tous les besoins du marché tel qu'il est, on ne se voit pas plus gros que l'on est. Je pense que les technologies peuvent cohabiter. Le panneau silicium a aussi ses cartes à jouer », reconnaît le maître d'œuvre.

Une observation partagée par la filière solaire qui salue ici « une excellente nouvelle à plus d'un titre » tout en soulignant les débouchés très particuliers de l'innovation. « C'est une technologie adaptée à l'agrivoltaïsme pour des serres. Aujourd'hui, le poids des panneaux est quasiment leur seul défaut car, avec 20 kilos par m2, les toitures anciennes ne peuvent pas être équipées. Ça pourrait constituer une technologie de rupture pour le secteur du bâtiment, ce serait un grand pas si elle pouvait être implantée sur les bâtiments existants », appuie David Portales, président de l'aménageur girondin de projets solaires GLHD.

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Les cellules nouvelle génération n'auraient pour autant pas vocation à transformer le paysage photovoltaïque.

« Quand on regarde sa capacité industrielle c'est un produit de niche et qui doit trouver trouver son espace d'expression, prouver sa durabilité et ses conditions de mise en œuvre », pointe quant à lui Richard Loyen, délégué général du syndicat national de l'énergie solaire Enerplan.

500 emplois et plus de 100 millions d'euros d'investissement

Côté projet, le calendrier est ambitieux puisque les porteurs veulent investir un site pilote, sur un domaine industriel déjà existant mais dont la localisation n'a pas été révélée, d'ici un an et demi. L'objectif est d'y rassembler un centre de R&D, une unité de formation et une usine qui accueilleraient à terme 500 emplois, pour un total de 115 millions d'euros d'investissements à travers les différentes étapes du projet. Des besoins importants pour des capacités financières pour l'heure à zéro puisque la société va être officiellement créée à la mi-août. Les chercheurs vont compter sur la Région Nouvelle-Aquitaine avant de solliciter des subventions nationales et européennes.

Malgré les nombreux financements infructueux dans le domaine des cellules photovoltaïques depuis les années 1990, les chercheurs misent beaucoup sur les investisseurs privés. « C'est une technologie qui est déjà connue dans le monde, j'ai tout de suite eu des propositions d'investisseurs qui voulaient mettre des sommes faramineuses. Mais on est dans un projet souverain, et ça pour nous c'est prioritaire », recadre Philippe Vitel. Bâtir toute une filière de production en France, coûte que coûte, alors que les besoins en énergie solaire du pays doivent au moins quintupler d'ici 2050.

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Maxime Giraudeau

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