Après l'agrivoltaïsme, place au flotovoltaïsme ?Le développement de panneaux photovoltaïques sur plans d'eau permettra-t-il aux agriculteurs de coupler production d'électricité et activités agricoles en réglant une bonne fois pour toutes les conflits d'usage du foncier ? C'est en tout cas une piste à suivre, estime la Chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine.
Son vice-président Bernard Layre, par ailleurs président de la FDSEA 64 (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Pyrénées-Atlantiques) et maire de la commune béarnaise de Caubios-Loos, en est convaincu : les agriculteurs "ont toute leur part à jouer dans le développement des énergies renouvelables". Mais pas à n'importe quel prix !
"Si nous voulons tenir en Nouvelle-Aquitaine les objectifs de production d'électricité photovoltaïque induits par la PPE [programmation pluriannuelle de l'énergie] et le Sraddet [schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires] [soit produire 9 GW à horizon 2030 versus 2,3 GW en 2020, NDLR], compte tenu des surfaces disponibles en toitures et sur les friches industrielles, il nous faudrait poser des panneaux sur 3.000 à 4.000 hectares de terres agricoles. Or, il nous faut aussi préserver le foncier agricole", considère-t-il.
Un triple intérêt
C'est donc avec intérêt que la CRA observe l'émergence toute récente de ces installations flotovoltaïques, encore peu nombreuses dans l'Hexagone. "Cela fait trois ans que nous travaillons sur le sujet, en particulier à la chambre départementale des Pyrénées Atlantiques", poursuit Bernard Layre, soulignant les multiples intérêts de ces centrales : outre l'économie de foncier agricole, la production d'une électricité d'origine renouvelable - potentiellement autoconsommée sur place - et donc le renforcement du modèle économique de l'exploitation, mais aussi le rafraîchissement de l'eau par l'ombre portée des panneaux - avec à la clé, la réduction des phénomènes d'eutrophisation et de prolifération d'algues ou de cyanobactéries. En somme, le triptyque des enjeux auxquels font aujourd'hui face les agriculteurs : préservation des surfaces exploitées, consolidation des ressources financières et amélioration de la qualité de l'eau.
Un triptyque que la chambre départementale d'agriculture du 64, l'Université de Pau Pays d'Adour et Total Quadran expérimentent d'ailleurs dans le fief de Bernard Layre : les Vergers de Sainte-Quitterie, à Caubios-Loos, servent aujourd'hui de laboratoire pour un prototype installé sur le lac d'irrigation de l'exploitation agricole.
"Dans le cadre du prototype des Vergers de Sainte-Quitterie, l'arboriculteur auto-consomme une grande partie de l'électricité produite pour alimenter les frigos dans lequel il entrepose sa production, et la commune s'engage à acheter le surplus pour alimenter les habitations voisines", détaille Bernard Layre.
Trois projets à l'étude pour un potentiel de 9 MW
Installation de modules photovoltaïques organiques pour un meilleur rendement et un recyclage plus facile que pour des panneaux en silicium, optimisation du système d'haubanage pour garantir la flottaison permanente des panneaux, mais aussi développement d'un système couplé aux panneaux qui permettrait, grâce à l'énergie produite, de réoxygéner l'eau du bassin... Les innovations testées sur le lac de Caubios-Loos devraient nourrir les projets annoncés le 2 novembre dernier par le GIE Gaves Adour (qui regroupe 63 associations de propriétaires de lacs et de réseaux collectifs dans les Pyrénées Atlantiques) et TotalEnergies.
Trois sites ont été retenus pour l'implantation de futures centrales photovoltaïques flottantes, pour une puissance globale estimée à 9 MW : un lac de 19 hectares à Boueilh-Bouelho-Lasque, un second de 14 hectares à Arzacq-Arraziguet, et un dernier, de 26 hectares, à Doazon. Chacun de ces plans d'eau sera équipé de panneaux flottants "sur moins d'un quart de sa surface", souligne Pierre-Jean Couty, chargé du projet au sein du GIE Gaves Adour, pour une mise en service "au mieux" à horizon 2025.
Car si les freins technologiques devraient rapidement être levés, d'autres plus tenaces, pourraient entraver l'installation de ces centrales. Les autorisations d'installation que les services instructeurs de l'État auront à délivrer supposent en effet une mise en conformité des documents d'urbanisme des communes concernées. Un aval politique donc, pour un sujet qui reste mal-connu et possiblement clivant, pêcheurs et promeneurs du dimanche risquant de voir d'un mauvais œil le développement de ces panneaux solaires d'un nouveau genre.
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