« Nous sommes plus forts » : face aux incendies, une nouvelle stratégie de lutte en Gironde

Réunis à Landiras ce 3 mai, sur le terrain des feux qui ont meurtri la Gironde en 2022, représentants de l'État, du département et des forces d'intervention ont présenté un dispositif enrichi face au retour du risque incendie. L'occasion de redéfinir clairement les prérogatives et de renforcer les missions de chacun alors que l'absence de réglementation fait apparaître des craintes.
Maxime Giraudeau
Les pompiers de Gironde ont présenté les moyens d'intervention pour la saison 2023.
Les pompiers de Gironde ont présenté les moyens d'intervention pour la saison 2023. (Crédits : Agence APPA)

« Un appel à la mobilisation et la sensibilisation générales. » Après avoir observé les annonces de l'État quant aux moyens de lutte contre les incendies et la proposition de loi sénatoriale, les acteurs impliqués dans la gestion de la forêt des Landes de Gascogne montent à leur tour à la tribune. Une prise de parole tenue depuis Landiras, au sud de la Gironde, point de départ de feux qui ont détruit 14.000 hectares de forêt l'été dernier autour de cette commune.

La préfecture de la Gironde y a réuni ce mardi 3 mai les responsables du Sdis 33 (Service départemental d'incendie et de secours), la DFCI Aquitaine (Défense des forêts contre les incendies), l'ONF (Office national des forêts), les forces de l'ordre et des pompiers volontaires pour donner un aperçu du nouveau cadre local de lutte active.

« Aujourd'hui, nous franchissons une nouvelle étape pour décliner les annonces ministérielles », énonce Étienne Guyot, préfet de la Gironde depuis janvier 2023. « Nous sommes tous mobilisés depuis plusieurs mois pour prévenir et agir en matière de lutte contre les incendies. » Les premiers retours d'expérience ont été conduits en octobre dernier, sur le terrain des incendies de l'été 2022.

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Marc Vermeulen (directeur du Sdis 33), Etienne Guyot (préfet de Gironde), Jean-Luc Gleyze (président du département et du Sdis 33) et Bruno Lafon (président de la DFCI Aquitaine) ont présenté le nouveau cadre de coordination. (crédits : Agence APPA)

Reboisement hâtif

Après une saison éprouvante sur le front des flammes, avec des pertes matérielles et des feux qui ont marqué les corps et les esprits, le Sdis 33 retrouve tout juste ses capacités d'intervention d'il y a un an. Les camions prêtés par les pompiers de l'Hérault viennent d'être rendus et le parc opérationnel de Camions citerne feux de forêts (CCF) va être étendu via le lancement d'un marché public. Un second appel permettra de déployer une couverture de vidéosurveillance répartis en huit postes sur le massif landais pour l'été 2023. Au total, l'état a débloqué 36 millions d'euros pour les services départementaux du Sud-Ouest. Du reste, « on a besoin de renforcer nos effectifs », lance Marc Vermeulen, directeur du Sdis 33.

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Les pompiers pourront notamment utiliser des drones pour déceler les départs de feux. (crédits : Agence APPA)

Récemment (re)mise en lumière, la DFCI va quant à elle revoir sa méthode d'organisation face « à la taille gigantesque des feux ». Ce groupement de syndicats forestiers de propriétaires et élus territoriaux, qui a participé à la gestion de la forêt des Landes après les grands incendies de 1949, va acquérir des véhicules pour patrouiller dans le massif. Le but : garder un œil sur les promeneurs en période à risque. Et pourquoi pas sur le reboisement hâtif de certaines parcelles, alors qu'une période de régénération doit être observée pendant un à deux ans par les sylvicultures.

Une observation faite par l'ONF qui nourrit une certaine inquiétude. « Nous voyons ces irrégularités mais ne pouvons pas remplacer le pouvoir d'intervention des forces de police et de gendarmerie », indique Francis Maugard, responsable risques naturels pour l'ONF. L'antenne active sur la forêt des Landes va accueillir en juin deux nouveaux cadres pour renforcer la gestion domaniale et huit personnes pour assurer la prévention des risques sur le milieu forestier et déployer une force d'intervention primaire, déployable en amont de l'arrivée des pompiers.

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Une réglementation attendue fin juin

Sur le plan de la dissuasion, les forces de l'ordre disent vouloir « déployer du bleu dans la forêt en fonction des risques ». Alors que 90 % des feux sont d'origine humaine, soit accidentelle soit criminelle, le nombre de brigades va être augmenté, qu'elles soient motorisées pour la gendarmerie ou cyclistes pour la police. L'usage de drones n'est pas exclu. Les forces de l'ordre se coordonneront en tout cas, et c'est une première, avec le Sdis, l'ONF et la DFCI. Le préfet de Gironde dit être prêt à prendre ses responsabilités s'il faut interdire l'accès à la forêt aux promeneurs, même dans une optique de prévention.

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Les pompiers de Gironde ont retrouvé leurs véhicules alors que 40 % des camions citerne feux de forêts avaient été envoyés à la maintenance après l'été 2022. (crédits : Agence APPA)

Entre les moyens accordés par l'État et cette nouvelle coordination territoriale, la stratégie déployée fait preuve d'une prise en compte certaine du risque. « Cette réunion doit montrer que nous sommes encore capables de tirer les enseignements. », évoque le président du Département et du Sdis 33 Jean-Luc Gleyze, tout en saluant des « annonces fortes pour des espoirs nouveaux ». « Nous sommes plus forts », insiste quant à lui Étienne Guyot. Mais face à l'absence de réglementation et de contrôle sur les propriétaires privés, certains travers semblent encore persister. Du côté d'Hostens au sud de la Gironde, où les trois quarts de la forêt communale sont partis en fumée, le maire a témoigné dans nos colonnes la semaine dernière que le reboisement se faisait déjà en bordure de parcelle. Et, de nouveau, dans une logique de monoculture du pin.

Or, ce manque de diversification et le non-respect de bandes sans plantation laisse présager d'un retour précoce du risque incendie comme cela s'est vu à la suite de la tempête Klaus de 2009. À la fin du mois de juin, les états généraux de la forêt devront rendre leurs conclusions et aboutir à un règlement interdépartemental de protection des massifs forestiers. Un nouveau cadre strict et crucial pour contraindre les propriétaires privés à opérer un tournant où se joue l'avenir des forêts, et en particulier celui du massif landais.

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Maxime Giraudeau

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