Emploi : pourquoi Ethypik recrute dans la rue

Appliquer les techniques des collectes de dons dans la rue au secteur du recrutement : c'est le modèle défendu par la startup Ethypik accompagnée par Technowest à Bordeaux et Rhizom à Paris. Son fondateur Nicolas Morby en est convaincu : pour toucher des publics qui restent dans l'angle mort des processus de recrutements, il faut aller les rencontrer dans la rue avec des outils adaptés. Explications sur les ambitions et le modèle économique de cette jeune entreprise créée en avril 2020.
Nicolas Morby est le fondateur et dirigeant de la startup Ethypik qui part à la rencontre des demandeurs d'emploi dans la rue
Nicolas Morby est le fondateur et dirigeant de la startup Ethypik qui part à la rencontre des demandeurs d'emploi dans la rue (Crédits : Ethypik)

Les 27, 28 et 29 octobre, ils étaient cinq collaborateurs d'Ethypik à arpenter les allées du centre commercial de Bordeaux Lac, la place Jean Cayrol à Ginko et la place de l'Europe au Grand Parc. Objectif : aller à la rencontre des passants pour leur proposer un questionnaire rapide en vue de mieux cerner leur profil et de leur proposer un emploi. Un peu plus d'un mois plus tard, les résultats sont là assure à La Tribune Nicolas Morby, le fondateur et dirigeant de cette startup : 768 contacts ont été noués, 104 personnes ont été retenues et 40 sont aujourd'hui en poste en CDD ou en CDI, à temps partiel ou à temps plein. Principalement dans des emplois de service à la personne.

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Depuis sa création en avril 2020, en plein confinement, Ethypik, qui est incubée à la fois chez Rhizome, à Paris, et chez Technowest, à Bordeaux, indique avoir placé 70 candidats auprès de sept entreprises en Ile-de-France et en Gironde.

"Seulement 30 % des 104 personnes sélectionnées à Bordeaux fin octobre avaient un diplôme. Notre volonté c'est de toucher tout le monde et notamment d'aller rencontrer des personnes qui ont abandonné les démarches de recherche d'emploi parce que c'est trop compliqué, parce qu'elles n'ont pas accès à internet ou parce qu'elles sont en perte de confiance. L'idée c'est vraiment de permettre aux entreprises d'aller vers ces candidats qui sont dans l'angle mort des processus classiques de recrutement", explique Nicolas Morby.

Ce dernier a passé dix ans chez l'ONG Conseil France à mener des collectes de fonds dans la rue pour les ONG puis à former et manager ces "street sourceurs" qui vous proposent de soutenir financièrement telle ou telle cause environnementale ou humanitaire. "J'y ai croisé des gens d'horizons très différents et j'ai évolué à des postes de management uniquement grâce à mon savoir être. Ce sont désormais ces soft skills que je veux promouvoir dans les processus de recrutement plutôt que les seuls hard skills qui correspondent aux diplômes et compétences purement techniques", ajoute-t-il.

Un questionnaire ad hoc

Encore faut-il arriver à identifier et mesurer ces compétences générales en l'espace de quelques minutes sur un trottoir. Ethypik a opté pour la création de son propre questionnaire élaboré avec Mathilde Da Rocha, docteur en sciences cognitives de l'Université Lumière Lyon 2 et ingénieure chez Volvo Group. "On est passé de 177 à seulement 16 questions permettant de cerner en quelques minutes les soft skills et la personnalité du candidat. Ce sont des questions volontairement inclusives et facilement compréhensibles par tous", indique Nicolas Morby. Les candidats doivent ainsi dire s'ils sont plutôt d'accord ou plutôt pas d'accord avec des affirmations telles que "On a parfois du mal à me comprendre quand je veux expliquer quelque chose de complexe" ; "Même s'il y a beaucoup de choix, c'est facile pour moi de me décider" ou encore "Je suis doué(e) pour captiver l'attention". Ce qui permet ensuite à Ethypik d'attribuer un score de un à cinq sur des compétences comme l'ouverture, les interactions, la communication ou le leadership.

Ethypik

Le résultat du premier questionnaire conçu par Ethypik (crédits : Ethypik).

Mais ce n'est que la moitié du chemin puisque, de l'autre côté, Ethypik travaille avec les entreprises pour redéfinir les postes recherchés par les recruteurs. "On établit un diagnostic à 360 degrés de chaque poste pour le requalifier en fonctions des soft skills recherchés par l'employeur. Cela permet donc ensuite de faire coïncider les compétences des offres d'emplois à celles des candidats et donc de leur proposer un entretien", poursuit Nicolas Morby. Cela concerne aussi bien des métiers d'aide à la personne, d'auxiliaire de vie, de téléconseiller, de street sourceur, de développeur web, de personnel en Ehpad, du bâtiment, etc. Et pour s'assurer de toucher un large public, Ethypik communique en amont avec les associations et acteurs locaux pour présenter sa démarche et se penche aussi sur l'intitulé des offres d'emploi.

"On se rend compte que les titres et les descriptions des offres d'emploi sont bien souvent truffées de termes techniques et administratifs et donc largement incompréhensibles pour les personnes à qui elles sont censées d'adresser. Il faut donc être plus concret sur les tâches qui seront à réaliser dans tel ou tel poste et sur les éventuels avantages en nature de tel ou tel métier", considère le chef d'entreprise. Un cheval de bataille également enfourché par la startup Gotaf qui proposera début 2021 des offres d'emplois audio : "Nébuliseur, techniciens de surface... ce ne sont pas de mots qui parlent à tout le monde mais ils sont pourtant fréquents dans les offres d'emploi. On souhaite donc raccourcir les offres et les rendre plus compréhensibles, plus concrètes", confirme Jean-Muriel Azonhoume, le fondateur de Gotaf.

Objectif : 500.000 € de chiffre d'affaires en 2021

Pour Ethypik, qui fonctionne pour l'instant avec une équipe réduite (deux salariés et une poignée de freelances), le modèle économique semble déjà en passe d'être validé. Comme un cabinet de recrutement classique, la startup se rémunère uniquement par une commission en cas d'embauche réussie et en fonction de la qualification du poste. "Depuis avril, on a généré 33.000 euros de chiffre d'affaires avec sept entreprises clientes dans une période où aller à la rencontre des gens dans la rue ne va pas forcément de soi. C'est trois fois plus que l'objectif initial ! Pour 2021, on vise 500.000 à 600.000 euros de CA", promet Nicolas Morby qui signera prochainement un partenariat national avec le réseau de maisons de retraite Domusvi et un autre contrat en Gironde avec Pôle emploi.

De quoi permettre de constituer un effectif d'une vingtaine de personnes d'ici début 2022. D'autant qu'une levée de fonds auprès de fonds d'investissement éthiques n'est pas exclue. Et si Ethypik est pour l'instant seulement active en Gironde et en Ile-de-France, elle devrait mener des actions dans d'autres régions françaises dès 2021.

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