Territoires zéro chômeur : les clés pour comprendre cet outil expérimental

La ville de Bordeaux est officiellement candidate à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée qui devrait être étendue dans les prochains mois. Déjà testé dans dix territoires depuis 2017, ce dispositif a permis à des demandeurs d’emploi d’être embauchés en CDI dans des entreprises de l'économie sociale et solidaire dites entreprises à but d'emploi (EBE) pour des activités non couvertes par le secteur privé des bassins d'emploi concernés. 76 personnes ont ainsi repris le chemin du travail à Mauléon, seul territoire à avoir expérimenté ce dispositif en Nouvelle-Aquitaine.
Dans l'atelier bois de l'Esiam, divers objets et du mobilier extérieur sont fabriqués à partir de palettes recyclées destinées à l'enfouissement.
Dans l'atelier bois de l'Esiam, divers objets et du mobilier extérieur sont fabriqués à partir de palettes recyclées destinées à l'enfouissement. (Crédits : Laurie, Esiam)

Natacha, au chômage depuis cinq ans, a intégré l'Esiam, en juillet 2017. Quatre ans plus tard, elle l'avoue sans détour : "Je suis très fière de ce que je fais et de venir au boulot." L'Esiam, c'est le nom de l'entreprise à but d'emploi (EBE) créée sur le territoire du Grand Mauléon (Deux-Sèvres) dans le cadre de l'expérimentation nationale Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) qui a débuté en 2017 dans dix territoires français. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

"Le mécanisme est simple, assure à La Tribune Laurent Grandguillaume,  président de l'association TZCLD. Le coût du chômage est évalué à 40 milliards d'euros par an, ce qui représente 18.000 euros par an et par personne. Face à cela, le coût d'un Smic s'élève à 20.000 euros par an. L'idée est donc de mobiliser le coût du chômage pour financer une bonne partie d'un nouvel emploi qui ne réside que sur des activités n'entrant en concurrence avec personne sur le territoire. Ensuite, le modèle économique s'équilibre avec le chiffre d'affaires de l'entreprise à but d'emploi (EBE) créée pour l'occasion. Il y a d'un coté un coût, de l'autre un investissement."

L'anticipation de Mauléon

Bilan de ces premières expérimentations : "Sur les dix premiers territoires, près de 1.000 personnes ont été embauchées en CDI dans treize EBE et nous avons démontré qu'il était possible d'éradiquer la privation durable d'emploi de longue durée dans trois des dix territoires avec seulement deux années pleines d'exercice des entreprises à but d'emploi (EBE). Mauléon en fait partie", dévoile ainsi Laurent Grandguillaume. Et si Mauléon tire son épingle du jeu, selon lui, c'est parce que ce territoire "fait partie de ceux qui se sont le plus préparés en amont avec la mise en place d'un comité local pour piloter le projet. Ce n'est pas à l'association nationale d'intervenir", insiste Laurent Grandguillaume.

Sur le territoire de Mauléon, où un chef de mission a été recruté dès 2015, ce comité local est ainsi composé de 20 à 30 personnes (des représentants de la Direccte, des collectivités, Pôle Emploi, des entreprises et associations locales, des habitants) qui se réunissent toutes les six semaines. C'est lui qui statue sur la capacité d'une personne à intégrer l'EBE, baptisée l'Esiam à Mauléon. Aujourd'hui, cette structure emploie 76 personnes qui travaillent sur des activités bois, confection, maraîchage, atelier tri et revalorisation de la matière, services à la population ou encore sur le démantèlement de menuiseries. Le comité veille aussi au respect de la non-concurrence sur le territoire. "L'activité espaces verts vient ainsi d'être arrêtée", témoigne Christophe Boutin, directeur de l'Esiam.

Lui-même est entré à l'Esiam après une période de chômage intervenue alors qu'il était en rupture avec les méthodes de management dans le monde de l'industrie. Une fois directeur, il a donc décidé d'ouvrir la direction avec la mise en place d'un comité des référents qui se réunit toutes les semaines. "Il y a un référent par secteur qui ne prend des décisions qu'après avoir consulté les salariés. Le but ? Que les salariés s'approprient la structure. Certains la quittent, d'autres pas. Mais petit à petit, on voit des têtes qui se relèvent", assure Christophe Boutin.

Une entreprise indépendante

La clé pour réussir un tel projet ?

"Il est important de trouver les bons acteurs. Il faut qu'il y ait un véritable consensus sur le territoire. Il est également important d'avoir des bâtiments à mettre à disposition. Je tenais pour ma part, dès le départ, à ce que l'Esiam s'acquitte d'un loyer, explique le maire de Mauléon, Pierre-Yves Marolleau. L'EBE ne doit pas être une entreprise satellite de la mairie. Nous achetons pour 30.000 € d'heures de travail. Cela représentait 40 % de l'activité au départ, c'est 10 % aujourd'hui. Le but est que l'entreprise soit indépendante."

En 2017, l'Esiam réalisait 80.000 euros de chiffre d'affaires, puis 200.000 euros en 2018 et plus de 300.000 euros en 2019. "Pour arriver à l'équilibre, il faudrait atteindre les 450.000 euros", avance le maire de Mauléon qui insiste sur un dernier point :

"150 territoires sont venus nous rendre visite, mais il ne s'agit pas de dupliquer ce que nous avons fait à notre échelle. Ici, nous avons un faible taux de chômage, en revanche, nous n'avons pas de titulaires du Bac, donc peu de personnes susceptibles de prendre des postes intermédiaires."

122 projets dans les tuyaux

Pas de copier coller donc, mais de quoi s'inspirer. 122 projets ont d'ores et déjà été validés par le conseil d'administration de l'association TZCLD en vue de la 2e étape expérimentale. Parmi eux, Castillon-la-Bataille (3.000 hab., Gironde). Bordeaux se positionne également pour une expérimentation sur le quartier du Grand Parc (lire ci-dessous). La proposition de loi qui prévoit de prolonger pour cinq ans et d'étendre l'expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée à 50 nouveaux territoires a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 16 septembre. Le texte doit désormais être adopté par le Sénat. Puis viendra le temps de sélectionner les nouveaux territoires, sachant qu'en Gironde, Castillon-la-Bataille dispose déjà d'une bonne longueur d'avance sur la candidature bordelaise.

Lire aussi : Territoires zéro chômeur : Castillon-la-Bataille se tient prête

///////////////////////////

Bordeaux officiellement candidate pour le Grand Parc

Ce mardi 29 septembre, le conseil municipal de Bordeaux a voté à la quasi-unanimité, à l'exception du groupe Bordeaux en luttes qui s'est abstenu, son engagement dans la démarche en actant l'adhésion de la ville à l'association nationale TZCLD. Cela lui permettra par la suite de déposer un dossier de candidature pour une expérimentation dans un périmètre élargi autour du quartier du Grand Parc : Grand Parc, Jardin Public, Chartrons et une partie de Bordeaux Maritime. Soit un secteur de 10.000 à 11.000 habitants où le chômage des jeunes progresse plus vite qu'ailleurs, selon la mairie. "L'objectif est d'être en mesure de déposer une candidature d'ici six à sept mois pour maximiser nos chances d'être retenus", a assuré Stéphane Pfeiffer, l'adjoint au maire en charge de l'emploi, de l'ESS et des formes économiques innovantes, qui souhaite "consulter les habitants, les acteurs locaux et économiques puis les demandeurs d'emplois". Un agent municipal devrait être mobilisé à quasi temps plein sur ce sujet. "Il s'agit alors d'entamer un travail exigeant, qui commence par mobiliser tout un tissu économique, associatif et d'élus autour du projet pour préparer votre candidature", a cependant nuancé la députée (LREM) et conseillère municipale Catherine Fabre, insistant sur le fait qu'il s'agit d'une démarche de long terme qui ne concerne qu'un faible nombre de personne et ne doit donc pas représenter l'alpha et l'omega de la politique municipale en la matière. "Je partage tout à fait ce constat et nous nous inscrirons également dans le plan de relance de l'Etat, notamment sur l'emploi des jeunes [...] On regrette cependant l'absence de solutions de trésorerie de très court terme pour les entreprises [...] et le manque de soutien sur l'ESS", a répondu l'adjoint au maire, qui entend aussi travailler sur la qualité des emplois précaires, notamment ceux des livreurs à vélo par exemple, sur l'accompagnement des TPE via une cellule dédiée, sur le prolongement des mesures fiscales de soutien aux bars et restaurants et sur un accès facilité des TPE à la commande publique de la ville.

Lire aussi : Covid-19 : quel bilan pour le fonds d'urgence de Bordeaux Métropole ?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 30/09/2020 à 17:43
Signaler
Si il n'y a plus de chômeurs, que vont devenir les politiciens carriéristes.. (A qui je vais vendre mon shit? si plus de candidats et pas répercussion de stressés au taf)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.