Batterie : une académie régionale en Nouvelle-Aquitaine face aux énormes besoins de formation

La Région Nouvelle-Aquitaine et ses 23 partenaires ont officiellement lancé ce 5 avril le projet Battena, qui vise à développer la formation autour des nouveaux métiers de la batterie. Cette industrie en plein développement peine à recruter et mise sur les dernières technologies pour attirer les talents.
Maxime Giraudeau
Saft, qui dispose de deux usines en Nouvelle-Aquitaine, est l'un des membres du consortium fédéré par la Région.
Saft, qui dispose de deux usines en Nouvelle-Aquitaine, est l'un des membres du consortium fédéré par la Région. (Crédits : Gilles Arroyo / Agence APPA)

Mieux vaut le reconnaître d'entrée : malgré les investissements, la France et l'Europe ont toujours un retard colossal sur l'industrie de la batterie. Et ce n'est pas la Nouvelle-Aquitaine, volontariste sur le sujet, qui renversera la balance. Le président de l'exécutif régional Alain Rousset l'euphémise lui-même : « On a encore du boulot » sur « un marché dominé à 99 % par la Chine. » Pour accompagner le sursaut du Vieux continent, la Région choisi de mettre le paquet sur la formation.

Ce 5 avril, elle a réuni à Bordeaux tout ce que l'écosystème régional compte de figures industrielles et universitaires pour le lancement de Battena (Batterie en Nouvelle-Aquitaine) et la signature de l'accord de consortium. Le programme réunit 24 partenaires qui vont proposer des parcours dédiés sur les différents segments de fabrication et de valorisation des batteries. Entre 2024 et 2028, plus de 200 formations de Bac -3 à Bac +8 seront lancées à travers la région dans le but de former 30.000 personnes d'ici la fin de la décennie. L'initiative représente un investissement de 20 millions d'euros, financé à part égale par la Région et par l'État via le plan France 2030.

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Former en interne

Les partenaires veulent proposer des parcours sur toutes les étapes de la chaîne de valeur, puisque les besoins en main d'œuvre sont pressants partout. Manipulation de matières premières, chimie, fabrication de cellules, recyclage, performance : les champs à explorer sont très nombreux, pour des formations qui s'adresseront aussi bien à des profils étudiants qu'à ceux en reconversion ou sans activité. Un déploiement tous azimuts qui se veut être une première réponse aux besoins colossaux.

« Le travail le plus fondamental quand on monte une usine c'est de créer des parcours de formation car les compétences n'existent pas ailleurs », affirme Christophe Gurtner, PDG de Forsee Power, fabricant de systèmes batteries pour les véhicules lourds à Chasseneuil-du-Poitou. Même constat chez le centre de recherche d'Automotive Cells Company (ACC) à Bruges : « On ne peut pas faire autrement qu'en formant nous-même notre personnel », appuie Patrick Houry, directeur des ressources humaines d'un site qui a dû recruter 800 personnes en trois ans.

« On est en panne d'attractivité »

Pour donner corps aux objectifs, le programme va s'appuyer sur les figures industrielles implantées dans la région que sont Saft, Forsee Power, EasiLy ou Voltéo sur la partie fabrication, Exoes ou Serma sur les essais et Orano sur la valorisation des composants. Un écosystème foisonnant mais dont le développement sera conditionné au recrutement de forces vives. Côté universitaire, les formations seront principalement réparties sur les deux pôles de Bordeaux et Poitiers avec des BTS, des masters en ingénierie et des parcours de doctorat. L'IUT du Limousin accueillera quant à lui à Limoges essentiellement des parcours de technicien supérieur en Bac +2 et +3.

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Malgré les défis de transition énergétique et de souveraineté industrielle auquel les partenaires s'attaquent, la pénurie de talents se fait sentir dès l'école. « On est en panne d'attractivité auprès des jeunes », souligne Sébastien Cauet, professeur de l'université de Poitiers. Les établissements misent sur la réalité virtuelle, l'immersion dans les entreprises ou l'alternance pour capter les étudiants. Mais les filières industrielles, malgré les velléités politiques, demeurent en manque de dynamisme.

L'enjeu de l'extraction des minerais

Un déficit qui explique en partie les sources du problème français et européen sur la batterie. « On met des milliards depuis quelques années mais ça ne change rien : la France et l'Europe sont en retard, assène Christophe Gurtner. Ça fait vingt ans que les Chinois sont devant, là-bas on n'a pas de problème pour trouver des gens extrêmement qualifiés. Ça va être difficile de rattraper le retard car il n'y a pas un segment où on n'a pas de challenge de recrutement dans l'industrie de la batterie. Donc il faut aller sur des segments différenciant, sur des niches. »

Choix inévitable pour essayer d'exister face à une industrie asiatique qui ne sourcille pas. Avec la valorisation et la circularité des minerais, un segment sur lequel travaille Orano en Haute-Vienne, la France pourrait voire son industrie commencer à s'affirmer. Mais l'approvisionnement en métaux critiques restera l'enjeu déterminant. Cette ressource soumise à de très fortes convoitises engendre des risques environnementaux et suscite la controverse à cause de l'exploitation intensive sur les territoires concernés. Certains acteurs poussent pour lancer des projets d'extraction en France, comme Imerys dans l'Allier, symbole des ambitions pharaoniques et des difficultés auxquelles fait face cette industrie sur courant alternatif.

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Maxime Giraudeau

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