Oxbow, Le Soulor, FMS : comment ces marques misent sur le made in France

À l'instar du Slip Français, qui mène une action commerciale de la dernière chance, de plus en plus de marques avouent avoir du mal à tirer leur épingle du jeu sur un marché tricolore de l'habillement en plein marasme. En Nouvelle-Aquitaine, Oxbow, Le Soulor ou encore FMS se retroussent les manches pour valoriser le made in France.
FMS emploie 90 personnes dans ses ateliers textiles à Peyrehorade (Landes) et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
FMS emploie 90 personnes dans ses ateliers textiles à Peyrehorade (Landes) et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). (Crédits : FMS)

« Nous entrons en résistance ! », clame Cyril Gayssot, cofondateur de FMS. Les mots sont forts, mais très sérieux. « Nous souhaitons montrer qu'il est possible de continuer à développer le textile Made in France, une activité qui représente 90 personnes chez FMS dans nos ateliers à Peyrehorade (Landes) et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). En nous focalisant désormais sur un seul produit, le t-shirt, nous faisons le pari que la hausse des volumes permettra de proposer des produits durables, d'excellence, à un prix accessible à tous », affirme le dirigeant de cette ETI en plein développement (24 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023 et une trentaine prévus cette année).

Ce vocabulaire guerrier fait écho à la « (r)évolution » proclamée début avril par un acteur emblématique du textile tricolore, Le Slip français. Guillaume Gibault, fondateur en 2011 de cette marque de sous-vêtements, qui a recours à des usines partenaires, a publiquement avoué ses difficultés. Au risque de faire peur à ses fournisseurs, la société, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros l'an dernier et est rentable, a divisé le prix de sa nouvelle gamme par deux, tout en assurant maintenir la qualité, à 25 euros le caleçon. L'objectif ? Une hausse des volumes, avec 400 000 pièces visées versus 5.000 à 10.000 habituellement par modèle.

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Six Français sur dix acceptent de payer plus

La campagne, toujours en cours, a fait l'effet d'un électrochoc parmi les fabricants de textile, dont plusieurs ont depuis également revu leurs prix. Un constat s'impose : même si la volonté d'acheter français est confirmée sondage après sondage, au moment de mettre la main au portefeuille, les Français choisissent des vêtements moins chers, importés. « Les difficultés à privilégier les produits français viennent essentiellement de leur coût : 93% estiment qu'ils sont plus chers que la moyenne et seuls 59% sont prêts à faire un effort financier pour les acquérir », d'après un récent sondage Toluna Harris Interactive pour le Ministère de la Transition écologique et des territoires.

« Entre nécessité de penser un nouveau modèle face aux enjeux environnementaux et impératifs économiques face à la crise et l'inflation (sauvegarde des emplois, croissance, etc.), le secteur textile apparaît comme un exemple symptomatique des injonctions contradictoires avec lesquels citoyens et pouvoirs publics sont aujourd'hui obligés de composer », notent les auteurs de l'étude.

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Faire davantage pour favoriser le made in France

En effet, de nombreux ateliers, fortement mobilisés pour la confection de masques pendant la crise sanitaire, voient leurs commandes baisser. « Nous avons été parmi ceux qui ont bénéficié de la commande publique pour les sacs de maternité, mais alors que nos marges se sont effondrées en raison de la hausse du prix de l'énergie notamment, il faut faire davantage pour favoriser la fabrication française. Avec les uniformes, nous avons bien vu que même les communes font le choix du prix. Nous résisterons, mais jusqu'à quand ?», interroge Cyril Gayssot.

« Le t-shirt est le produit textile le plus porté par les Français. Nous proposons trois modèles réalisés à partir de tissus de qualité, pour durer dans le temps, en coton biologique recyclé, tracé et cultivé sur de petites exploitations en Côte d'Ivoire, détaille Pierre Sorcaburu, responsable de l'activité textile de FMS. La grande nouveauté est que les t-shirts seront aussi commercialisés en direct sur Cdiscount dans la boutique MVP, la nouvelle marque textile de FMS. Pour nous, la solution n'est pas la robotisation et l'automatisation à 100%. Il n'y a qu'à voir le bonheur des employés, qui ont quasiment tous été formés ici, à manier les machines et participer à la création collective », ajoute-t-il, FMS ayant la particularité d'employer majoritairement des personnes, 858 au total dans cinq activités, en situation de handicap.

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« J'invite les marques, mais aussi des collectivités locales, des clubs de sport et des personnalités qui veulent promouvoir notre démarche à rejoindre notre combat », appuie Cyril Gayssot, faisant référence aux membres du réseau d'ateliers inclusifs Résilience qui, à plusieurs, peuvent répondre à des commandes spécifiques et d'ampleur.

Une fragilité financière

Pour Emmanuel Debrueres, PDG d'Oxbow, le terme « combat » n'est pas de trop. Avec son associé Jean-Christophe Chetail, après avoir repris la marque bordelaise de surf en 2020, il a souhaité réaliser une collection « Made in France », dont une partie a été confiée à FMS. « Par conviction écologique et sociale, nous avons choisi de relocaliser une partie de notre production. Ce projet motive nos équipes et rencontre son public, les ventes étant supérieures à nos attentes », témoigne-t-il. Mais l'équation parfaite n'a pas encore été trouvée pour autant : « La collection est proposée à un prix de vente (entre 60 euros le t-shirt et 500 euros la veste de ski, NDLR) égal au prix de production, car nous avons décidé de ne pas faire de marge. Par ailleurs, même si le savoir-faire est encore là, il n'est pas facile de trouver des ateliers, surtout ceux disposant d'une trésorerie suffisante pour produire les volumes dont les marques comme la nôtre ont besoin. Le risque qu'un atelier ferme en cours de production est réel », reconnait-il.

Et de poursuivre : « Au-delà des moyens financiers, c'est aussi une question d'organisation. Les maillons de la chaîne de la filière ne sont pas connectés. En Asie, on a un interlocuteur unique qui gère tout, du design, à la production et la logistique avec les différentes intervenants ». Pour ces raisons, Oxbow n'envisage pas de relocaliser davantage à court terme.

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« Part du colibri »

Une prudence guère étonnante car en réalité, c'est tout un secteur, fabricants et distributeurs, en France comme ailleurs, qui est en crise. D'après l'Institut français de la mode, en avril dernier, les ventes étaient en retrait de 15,4 % par rapport à il y a trois ans. La liste des magasins fermant leurs portes, de Jennyfer, Camaïeu, Kookaï à Esprit et San Marina, ne cesse de se rallonger. Jean-Baptiste O'Neill, qui vient de racheter le fabricant béarnais de chaussures haut de gamme Le Soulor, est pourtant optimiste. « Le Soulor est une marque au capital sympathie important qui réalise des produits utiles, de qualité et de manière vertueuse en France. Du vert et du bleu-blanc-rouge en somme et, de plus, dans une région identitaire comme ma région natale, la Bretagne », explique le nouveau président depuis Nay, près de Pau (Pyrénées-Atlantiques).

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Il compte bien poursuivre le travail de Stéphane Bajenoff et Philippe Carrouché : aux commandes depuis 2016 de la marque qui fête son centenaire l'an prochain, ils ont réussi à faire passer le chiffre d'affaires de quelques dizaines de milliers d'euros à un million.

« Nous continuerons à vendre majoritairement en direct, dans nos magasins (Paris et Pau), mais surtout notre boutique attenante au nouvel atelier, et notre site, détaille celui qui est désormais l'unique actionnaire. La vente directe nous permet de maitriser nos marges, mais aussi de montrer à nos clients comment nos chaussures sont fabriquées ici, sur-mesure, à la main. Nous faisons partie des derniers ateliers en France à maitriser le cousu norvégien, qui assure la robustesse, l'étanchéité et la possibilité de ressemelage », souligne Jean-Baptiste O'Neill. Auparavant consultant à l'étranger, en développant Le Soulor, il souhaite faire « sa part, tel le colibri, pour contribuer à la réindustrialisation de nos territoires dans le respect des limites planétaires et préserver et transmettre des savoir-faire séculaires ».

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Commentaire 1
à écrit le 18/06/2024 à 8:55
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Logique nous avons deux phénomènes contradictoires, qu'ils se disent bien que c'est le contexte économique le problème et pas eux. Il est bien évident qu'en pleine crise économique majeur et chute du pouvoir d'achat les consommateurs n'ont guère d'au...

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