Clap de fin pour le premier salon du made in France en région, qui s'est déroulé au Palais des Congrès de Bordeaux du 11 au 13 mars. La seconde particularité de cette déclinaison du salon organisé par MIF Expo, dont la dixième édition aura lieu à Paris du 10 au 13 novembre prochain, est que s'y tenaient en parallèle les Assises du Produire en France. Cet évènement a été imaginé en 2015, à Reims, par Arnaud Montebourg, ex-ministre du Redressement productif, et Yves Jégo, créateur de l'association éditrice depuis 2010 du label privé Origine France Garantie (plus de 3.000 gammes de produits certifiées) et depuis octobre aussi du label Service France Garanti. Ainsi, pour la seconde fois, un "Grand Oral" des candidats à l'élection présidentielle était organisé.
Preuve que l'industrie et l'artisanat dépassent les clivages politiques, dix candidats sur douze - Nathalie Arthaud et Philippe Poutou manquant à l'appel - avaient fait le déplacement à Bordeaux, ou s'y étaient fait représenter, pour décliner leur vision de la France industrielle. Car, différemment interprété, le "made in France" permet tout à la fois de s'adresser aux ouvriers, craignant pour leur emploi, et aux dirigeants et entrepreneurs français désirant innover et produire. Tous les partis se sont emparés du sujet et poussent pour une forme de protectionnisme - conditionné par des critères écologiques avant tout - au niveau français ou européen afin de favoriser les relocalisations.
Grève de la faim et applaudimètre
Pour cadrer les interventions, le think tank d'Origine France Garantie, qui a formulé 20 propositions, avait invité chacun à décliner sa position sur quatre thèmes : l'intervention de l'état pour encourager l'achat français ; le développement des outils numériques ; la réponse aux enjeux écologiques et, enfin, la sensibilisation d'une nouvelle génération à l'achat responsable et à l'importance de l'industrie.
"Je valide vos points sur les visites annuelles des écoliers aux usines, sur la création des écoles de production... Vous connaissez ma sensibilité pour la production industrielle et l'artisanat dans nos campagnes qui m'avait conduit à faire une grève de la faim pour empêcher une délocalisation", a insisté Jean Lassalle. Après avoir rappelé son combat réussi, en mars 2006, pour que le fabricant de poudres et pigments d'aluminium japonais Toyal ne déménage pas d'Accous à Lacq (tous deux dans les Pyrénées-Atlantiques), le Béarnais a souligné être "le seul candidat à avoir créé son entreprise" avant de décliner sa proposition de création d'un ticket paysan. Ce dernier, sur le modèle du ticket restaurant favoriserait les circuits de production court, mais seulement dans le secteur alimentaire. Multipliant les attaques contre le gouvernement actuel, le candidat de Résistons a incontestablement remporté l'épreuve de l'applaudimètre.
Les produits de la ratatouille
En revanche, la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, venue présenter le bilan d'Emmanuel Macron en matière de politique industrielle ("création d'emplois industriels", "un nombre d'apprentis record", "première destination européenne en investissements industriels"...) a insisté sur le rôle de la commande publique, la formation, qualifiée de "mère des batailles" et la baisse des impôts de production, tout en renvoyant à la présentation officielle du candidat Macron le 17 mars. À une question sur les prix de l'énergie et sur le rôle d'EDF, elle a affirmé que "chaque chef d'entreprise souhaiterait avoir l'Etat comme actionnaire majoritaire", suscitant la désapprobation de la salle sur ce point.
Critiquant l'exécutif actuel, Adrien Quatennens a lui assuré que Jean-Luc Mélenchon, une fois élu, n'offrirait "non pas d'énièmes baisses d'impôts de production, mais avant tout de la visibilité sur les secteurs stratégiques avec la création d'une Agence de la relocalisation. La France est extrêmement dépendante de l'étranger pour des produits vitaux, comme les masques ou encore l'acier et l'aluminium. Mais aussi les fruits et légumes : ainsi pour les produits de la ratatouille, qui peuvent tous être cultivés ici, le déficit de la balance commerciale et de 650 millions d'euros", a expliqué le représentant de LFI, qui souhaite faire de la France "une nation de producteurs, mais dans le respect de l'écologie".
L'économie circulaire
Même critère pour Yannick Jadot, qui souhaite stimuler "l'économie circulaire", même s'il n'aime pas le terme, car elle donne "l'impression de tourner en rond" : "Comme les Suédois, je veux baisser la TVA sur la réparation et la réutilisation (vêtements, vélos, l'électroménager...)", a-t-il annoncé. Le candidat des Verts souhaite aussi une TVA modulable, en fonction de l'endroit où un produit a été conçu. Une idée qui rejoint celle du Patriscore, qui "sur le modèle du Nutriscore classera les produits industriels d'A à E selon un référentiel qui serai bâti avec vous les acteurs économiques", a détaillé Benjamin Cauchy. Le représentant d'Eric Zemmour a assuré qu'"on ne peut pas rebâtir une France fière d'elle-même sans Made France". Des participants interrogés dans la salle, ayant aussi assisté aux présentations des candidats à la fédération industrielle UIMM et au Medef, ont assuré que "Zemmour a le programme le plus complet, même si aucun candidat se détache auprès des industriels".
Les régions et les consommateurs à la manœuvre
Plusieurs candidats ou représentants, allant de Yannick Jadot, qui aimerait créer un "Fonds d'investissement stratégique à l'échelle des régions" à Hervé Morin (pour Valérie Pécresse) et Alain Rousset (pour Anne Hidalgo), estiment que le prochain locataire de l'Elysée devrait donner en tout cas plus de pouvoirs aux régions en matière de politique industrielle. Le porte-parole des Républicains comme le président de la Région Nouvelle Aquitaine ont évoqué le rôle des "Lander", qui contribuent à la force du tissu industriel allemand. Alain Rousset, qui avait inauguré le matin même l'usine ACC à Nersac, a également plaidé pour de filières industrielles plus fortes : "au lieu de travailler par brique technologique, il faudra réfléchir aux chaînes de valeur complètes", a-t-il estimé, en donnant davantage d'exemples de sa politique régionale que des intentions de sa candidate.
Soulignons que le président de la Région a été le seul à arpenter ensuite les allées du Salon, où une 127 d'exposants ont accueilli 10.000 visiteurs. Et ces consommateurs, qui se voyaient rembourser l'entrée de dix euros après un achat sur place, ont voté à leur manière. "Notre démarche de recyclage de jeans et de vêtements de travail de la mairie d'Anglet en espadrilles fabriquées à Mauléon a beaucoup plu", se réjouit Nelly Fontaine, créatrice de la marque Otxangoa de Saint-Jean-de-Luz. Familier de MIF Expo à Paris, Benjamin Moutet des Tissages Moutet (Orthez), salue "une première édition décentralisée réussie. Surtout, les visiteurs posent d'année en année des questions plus précises sur la provenance des tissus et le lieu de fabrication, car ils ont bien compris qu'on peut être estampillé Made in France sans faire tout en France", souligne le président, préférant l'indication géographique-, le label de l'Etat que le linge basque a obtenu-, au label payant et volontaire d'Origine France Garantie, qui impose seulement un minimum de 50 % du prix de revient acquis dans l'Hexagone.
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