Entre grèves et rachats, la logistique sous tension au sud de Bordeaux

Un vent d'incertitude souffle sur les sites logistiques de Cestas, au sud de Bordeaux. Les piques de grève pour réclamer primes et meilleurs salaires s'enchaînent à La Poste et GXO Logistics. Chez Cdiscount, le personnel subit les réductions d'effectifs en attendant la validation de la reprise par Casino. Les difficultés de recrutement s'accumulent face au calvaire des transports sur une zone mal desservie.
Maxime Giraudeau
(Crédits : Agence APPA)

La logistique est inarrêtable. Sauf peut-être quand ses salariés en décident autrement. Depuis début janvier, la plateforme industrielle courrier (PIC) de La Poste à Cestas, à 20 kilomètres au sud-ouest de Bordeaux, a accumulé 500.000 courriers en attente de traitement. C'est l'estimation de Willy Delhemmes, délégué syndical CGT du site qui dessert toute l'ancienne région Aquitaine. Malgré 15 ans d'ancienneté, l'opérateur touche à peine plus de 1.400 euros net par mois quand le Smic est à 1.398 euros. « Les collègues ont commencé à en avoir marre de ce niveau de salaire », explique-t-il au sujet des quinze débrayages déjà menés en 2024.

Cette série de grèves pour réclamer des revalorisations promet de se poursuivre cette semaine à Cestas, avant une réunion de négociation nationale prévue le 28 février avec la direction. « Au niveau national, La Poste a mis en place une prime de 200 euros à l'année environ pour ceux qui prennent leur véhicule. C'est une prime à la marge, ce n'est pas suffisant pour une plateforme aussi excentrée que la nôtre, avec des collègues qui habitent sur tout le département », relève le syndicaliste.

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400.000 m2 en bord d'autoroute

Les protestations se font entendre aussi chez le voisin GXO Logistics. À quelques centaines de mètres de la PIC, le logisticien traite les flux d'épicerie et de brasserie qui alimentent les rayons des magasins Carrefour. La quasi totalité des 130 salariés titulaires du site sont en grève depuis le 31 janvier pour obtenir des garanties en vue de la reprise par ID Logistics qui sera effective le 1er mars. « On demande une prime de fin de dossier et la reprise de tous les salariés avec le maintien des acquis pendant quinze mois », indique à La Tribune David Petisco, délégué CGT.

En face, de l'autre côté de l'A 63, la plateforme frais de DHL va également passer sous le pavillon d'ID à partir du 1er novembre. « La seule fois où le repreneur est intervenu, c'était pour nous annoncer la suppression du CSE sur le site », relaie-t-il, inquiet. Les revendications sont pour l'heure restées lettre morte.

Dans les années 2000, les entrepôts ont mené une course à l'artificialisation le long de l'A 63, axe stratégique qui relie Bordeaux au Bassin d'Arcachon et à l'Espagne. Les plateformes de La Poste et GXO côtoient aujourd'hui celles du fabricant d'emballages Smurfit Kappa, de matériel électrique Sonepar, du distributeur alimentaire Aldi - qui vient de s'agrandir (voir encadré) - et font face aux entrepôts de Lidl, Décathlon ou du fabricant de peintures Unikalo. La zone abrite plusieurs milliers d'emplois pour environ 400.000m2 de surface bâtie. L'emprise de la logistique pourraencore s'étendre puisque un projet de 70.000m2 est dans les cartons un peu plus au sud, à Belin-Béliet.

Aldi rivalise avec Lidl

Le distributeur allemand Aldi a inauguré fin janvier une extension de 10.000 m2 sur son site de Cestas qui abrite désormais 37.000 m2 de surface plancher. L'enseigne veut recruter 20 personnes (contre 40 annoncés en 2022) pour compléter l'équipe de 105 salariés. De quoi rivaliser avec les 52.000 m2 de la plateforme de Lidl situé de l'autre côté de l'autoroute.

En dehors de la Métropole

Un autre fleuron de Cestas traverse une période de rachat : le pionnier du e-commerce Cdiscount. Le distributeur Casino a annoncé en novembre la reprise de 100 % des parts du groupe, dont il possédait déjà les deux tiers. Le tribunal de commerce de Paris doit se prononcer lundi 26 février sur la procédure de sauvegarde accélérée initiée par Casino, qui détient aussi les enseignes Franprix, Monoprix et Naturalia. Les employés du site logistique de Cestas sont plongés dans une attente crispante.

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« La direction dit qu'on a besoin de réduire les couts. Ils pensent que la réorientation du business plan devrait suffire mais ça pourrait passer par une réduction du personnel », évoque Rémi Rémi Dias-Veiga, agent logistique et délégué CGT. En deux ans, C-Logistics, filiale de Cdiscount, est passé de 610 à 534 personnes employées en CDI, sans compter les intérimaires.

Des difficultés particulières aux entreprises qui s'accumulent à la situation d'un vaste complexe logistique inaccessible sans voiture. Aux portes de la Métropole, Cestas a refusé depuis des années d'intégrer l'agglomération bordelaise, ce qui la laisse dépourvue de réseau de transports en commun vers la métropole.

Pas de convergence

Face à cela, les entreprises ont expérimenté un système de navettes il y a cinq ans. Mais les essais n'ont pas porté leurs fruits face aux différences d'horaires des salariés et des rotations d'équipe de jour comme de nuit. « Il faudrait des navettes constamment mais avec peu de gens dedans, ce n'est pas viable », constate Rémi Dias-Veiga. Des disparités qui expliquent aussi la faible convergence des mouvements sociaux entre les sites.

« Quand on voit que les autres sont en grève pour les salaires et que vous êtes aussi en train de suffoquer, on se dit pourquoi on irait pas tous ensemble ? Toute la difficulté c'est de se coordonner sachant qu'on n'a pas le même calendrier », pointe Willy Delhemmes. Au niveau national, le secteur s'est quant à lui fédéré en 2020 autour de France Logistique, fort de 1,8 millions d'emplois et représentant 10 % du PIB français. De son côté, entre modèles de business en retournement, tensions sociales et pressions environnementales, la Gironde concentre les mutations d'un secteur où le marché des surfaces commerciales est toujours en croissance.

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Maxime Giraudeau

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