Train, route, avion : Limoges toujours plus éloignée de Paris

Avec un accès à Paris par train trop long, des trains annulés sans prévenir, une liaison aérienne quotidienne vers Paris qui cessera le 3 mars prochain et un projet d'autoroute A 147 qui ne se fera pas, l'agglomération de Limoges et ses 210.000 habitants se sentent de plus en plus enclavés. Explications.
La gare de Limoges est moins bien reliée à Paris en 2023 qu'en 1971. De quoi susciter la colère des élus locaux comme des entreprises alors que la navette aérienne s'arrêtera le 3 mars prochain.
La gare de Limoges est moins bien reliée à Paris en 2023 qu'en 1971. De quoi susciter la colère des élus locaux comme des entreprises alors que la navette aérienne s'arrêtera le 3 mars prochain. (Crédits : Creative Commons)

Benoît Coquart, directeur général du groupe Legrand, a été le premier à dire ce que de nombreux haut-viennois déplorent depuis trop longtemps : Limoges est de plus en plus éloignée, pour ne pas dire isolée, de la capitale. Face à la suppression du train Intercités de 6h03 en période hivernale, aux retards récurrents et annulations de dernière minute sur la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), il avait adressé un courrier le 28 novembre à Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF, auquel il signifiait son exaspération. « Un coup de pression », selon Legrand avec en filigrane une menace : quitter Limoges. Avec 1.200 salariés en Limousin, le plus gros effectif de l'industrie limousine, la saignée sur l'emploi serait terrible.

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« Force est de constater que malgré les efforts fournis depuis plusieurs années, rien ne bouge et plus grave encore, la situation se détériore, écrivait-il. Cet échec nous amène tout naturellement à nous interroger sur la considération portée à notre égard mais surtout, sur l'intérêt de continuer à localiser sur Limoges nos équipes et nos dispositifs d'accueil clients alors que nous sommes précisément en train de réaménager nos bureaux parisiens qui devraient voir le jour en 2024. »

Un courrier suivi, le 12 décembre 2022, d'un rassemblement à l'aube en gare de Limoges-Bénédictins de plusieurs centaines de personnalités de tous bords, d'élus, de chefs d'entreprises, d'usagers et citoyens inquiets de la dégradation de la ligne POLT et du manque de considération.

Le Capitole était plus rapide... en 1971

En 1971, le Capitole ralliait Paris en 2h50 contre 3h15 aujourd'hui, souvent plus ! Quand la rame n'est pas stoppée par le givre comme dernièrement. Dans ces conditions, difficile voire impossible d'être à Paris tôt pour honorer des rendez-vous. Sans parler de l'effet négatif en termes d'attractivité pour capter des entreprises et de nouveaux talents. Avec neuf aller-retours quotidiens (dix en avril), le compte n'y est pas pour l'association « Urgence ligne POLT » qui en réclame 14 en 2h30. Outre les travaux de régénération des voies en cours, des travaux de modernisation sont attendus. L'État devrait abonder à hauteur de 257 millions d'euros, il resterait 128 millions d'euros à trouver auprès des régions traversées Centre-Val de-Loire, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Les deux premières sont prêtes à participer mais Alain Rousset refuse, estimant que c'est l'État qui doit payer.

Mais dans un entretien accordé à France 3 Limousin le 15 février, le ministre des Transports, Clément Beaune, rebat les cartes en annonçant un plan d'investissements en deux phases sur cette ligne de 713 km. « Un investissement qui est massif, deux milliards d'euros (...). On rachète de nouvelles rames, de nouveaux trains, c'est près de 500 millions d'euros. On refait le réseau, ce qu'on appelle la régénération, c'est plus d'un milliard d'euros d'investissement. Et puis c'est la modernisation du réseau pour améliorer les choses (...) Mais c'est important de donner cette perspective, ce n'est pas à des années-lumière, c'est 2026. »

Fin des vols vers Paris le 3 mars

Si rallier Paris par rail est long, ce sera impossible par avion dès le 3 mars ! Le Syndicat mixte de l'aéroport de Limoges-Bellegarde (SMALB) a décliné la proposition de son prestataire Chalair qui demandait deux millions de plus. La ligne est déficitaire de 10,1 millions sur quatre ans, financée par le SMALB pour 7,1 millions, le reste par l'État. Les collectivités paient ce service, avec des subventions de 50 % de la Région Nouvelle-Aquitaine, de 25 % du Département de la Haute-Vienne et de 25% de Limoges-Métropole. Une facture qui ne passe plus avec une fréquentation de 3.616 passagers pour 717 vols en 2022... soit pas plus de cinq passagers par vol en moyenne.Trop cher donc.

D'autant plus que le syndicat ne pouvait plus compter sur la quote-part de l'État dans le cadre d'une obligation de service public, le seuil étant fixé à minimum 10.000 passagers par an. Cependant, la ligne Limoges-Lyon, assurée aussi par Chalair, est maintenue bien que déficitaire. Elle est davantage fréquentée et il n'existe pas d'autre alternative plus rapide.

Pas d'A 147 Limoges-Poitiers

Restait le projet d'une autoroute Limoges-Potiers pour accéder à une gare TGV et éviter une route nationale 147 très accidentogène. À la suite de la concertation préalable organisée l'hiver dernier, Clément Beaune a mis un terme au suspens. « D'ici à la fin du printemps, on aura un budget, des projets routiers, on va faire une amélioration significative, mais pas forcément sur le plan autoroutier, si vous voyez ce que je veux dire. »

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L'association « A 147 Grand Ouest » que préside Pierre Massy, le président de la CCI de la Haute-Vienne, portait ce projet d'autoroute concédée depuis 2018 :

« Je pensais qu'on avait une administration centrale plus intelligente que ça mais elle se fonde sur des sentiments et des impressions qui disent que le projet ne fait pas l'unanimité en termes d'acceptabilité écologique, réagit-il. On n'a plus de train, plus d'avion et plus aucune perspective d'aménagement pour se raccorder à Poitiers. »

Il pointe aussi du doigt les difficultés des entreprises. « Pour la Haute-Vienne, pour nos entreprises et pour la population, c'est insupportable. Il n'y a aucune alternative sauf la voiture. Les entrepreneurs se lassent. Pour Bernardaud [un fabricant de porcelaine, NDLR] par exemple, pour faire venir des clients du Japon, il faut autant de temps pour faire Japon-Paris que Paris-Limoges, on marche sur la tête ! », poursuit Pierre Massy, quitte à grossir le trait. Et de citer l'exemple du laboratoire Catalent qui a « reporté d'un an sa première tranche d'extension. »

Le ministre a cependant laissé entrevoir la perspective d'aménagement sur la N 147. « Des discussions sont encore en cours. Il va y avoir un investissement important dans le prochain contrat de plan État région qui commencera à l'été 2023. Le projet autoroutier suscite énormément de doutes, énormément de questions, financières, environnementales. Je sens qu'il y a une réticence qui est forte. Ce que je ne veux pas, c'est qu'il n'y ait pas d'alternative. » Clément Beaune et Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF, assisteront, le 3 mars, au comité trimestriel de la ligne POLT organisé par l'association « Urgence POLT ».

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Commentaires 10
à écrit le 23/02/2023 à 17:55
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Et la région Nouvelle Aquitaine n'est pas décidée à rompre cet isolement: A147, elle n'a pas voulu y partciper, Railcoop,elle fait la sourde oreille, attitude passive sur le POLT

à écrit le 22/02/2023 à 5:31
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Que LEGRAND vienne à Saint Marcellin où il a déjà une usine et du terrain

à écrit le 21/02/2023 à 17:34
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Cela s'appelle" limoger"

à écrit le 21/02/2023 à 12:19
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On incrimine les gouvernements récents, mais cela vient de beaucoup plus loin. Quelle aberration que de relier Toulouse à Paris, en passant par Agen, Bordeaux, Poitiers, Tours, ... ! Alors que s'inspirer de la RN20 aurait réglé le problème de ce cent...

à écrit le 21/02/2023 à 11:04
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Cet article à lui seul sur LIMOGES représente exactement ce qu'est et restera sans doute encore pour longtemps un ETAT CENTRA.LISATEUR, tout descend de PARIS et TOUT doit y remonter. Les liaisons régionales sont sans importance. C'est aussi exactemen...

le 21/02/2023 à 11:31
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Cela appartient à notre histoire , depuis toujours , des siècles notre état est centralisé , difficile d'inverser la tendance . Reste qu'il existe quelques pépites en dehors de la région parisienne .

le 21/02/2023 à 16:18
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C'est Paris parce qu'il fallait bien un lieu unique où l'Assemblée Nationale et le Sénat puissent se réunir. Maintenant la décentralisation pose aussi de problème de la transparence. Autant les débats de l'AN peuvent être suivis, autant les décisio...

le 22/02/2023 à 9:58
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Réponse à Suffren : il me semble que chez nos voisins ils se sont aussi dotés de CAPITALES: BERLIN, ROME, MADRID, ce qui nempêchent pas les Régions d'avoir aussi leurs lieux de centralisation administrative: Allemagne: Munich, Stuggart, Bonn, ....Ita...

le 22/02/2023 à 13:55
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@Suffren D'autres pays ont démontré que c'était possible. Sans aller à l'extême qu'est la RSA (Pretoria, Capetown, Bloemfontein*), beaucoup de nos voisins ont une structure fédérale; quoiqu'avec un pouvoir central déterminant. Mais la "décentralisati...

à écrit le 21/02/2023 à 11:01
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On parle de décentralisation tout en voulant dépendre de la capitale; la re localisation de l'essentiel est primordial pour éviter les déplacements répétitifs !

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