LA TRIBUNE - Quel est votre parcours et pourquoi avez-vous choisi d'enseigner à Limoges ?
Cristina ONETE - Après mes études aux Pays-Bas, mon pays natal, je suis allée en Allemagne pour préparer mon doctorat puis je suis arrivée en France en 2013 à l'Université de Rennes pour mon post-doctorat. J'ai enseigné en tant que maître de conférence puis j'ai choisi de venir à XLIM, à Limoges, en 2017 pour avoir la spécialité sur la sécurité des protocoles prouvés et la reconnaissance dans les réseaux mobiles 5G. Des collègues chercheurs mènent au sein de l'équipe Cryptis des recherches sur tout le spectre de la 5G, les radio-fréquences, le design des antennes, les communications, l'électronique et même sur les périphériques bio-médicaux. Ils travaillent sur la cryptographie quantique et post-quantique.
Je continue pour ma part de collaborer avec un ancien de Cryptis, Olivier Blazy qui enseigne désormais à Polytechnique. Il a été l'un des référents pour la sécurité de l'application de traçage des contacts Covid. Je suis toujours maître de conférence mais avec l'habilitation pour diriger des recherches. Ma structure me soutient dans tout ce que je veux faire. Je travaille en autonomie sur des thématiques très larges que je n'abordais pas auparavant. Je profite des nombreux partenariats noués en France mais aussi à l'international puisque je suis toujours en contact avec les Pays-Bas et l'Allemagne. Ici c'est le paradis pour un chercheur autonome !
Pour quels travaux l'équipe de recherche Cryptis est-elle reconnue ?
Parmi nos chercheurs, Philippe Gaborit est reconnu au niveau mondial pour son travail sur la cryptographie post-quantique à partir des codes correcteurs, une structure algébrique. Il participe à la standardisation au National Institute of Standards and Technology, une organisation internationale qui donne des recommandations sur des algorithmes et des tailles de clé à utiliser pour avoir une bonne sécurité. Il a proposé des algorithmes qui seront standardisés à base de codes correcteurs. Concernant ce domaine, XLIM est donc leader mondial. L'équipe travaille aussi sur la sécurité de l'information. Par exemple, je peux assurer la sécurité contre des attaques qui n'ont pas encore été inventées.
En quoi les recherches menées à Cryptis intéressent-elles l'Etat français ?
Dans le cadre de France Relance, Cryptis fait partie du Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) quantique avec l'objectif de renforcer les domaines considérés sensibles pour la France et de développer des solutions souveraines. Nous cherchons à aller vers un protocole post-quantique TLS pour sécuriser la communication informatique entre une personne et sa banque ou avec un serveur web par exemple ou entre deux opérateurs mobiles avec un cadenas informatique qui restera dans le post-quantique.
Où en sont vos recherches sur les réseaux mobiles 5G ?
Nous en sommes à mi-parcours sur ce projet ANR MOBIS5 consacré à l'interception légale des données dans les réseaux mobiles 5G. L'objectif est de combiner la protection de la vie privée des utilisateurs et le respect de la loi. Nous ne pouvons pas agir contre la loi mais nous pouvons limiter l'excès de fuite des données personnelles à ce qui est prévu par la loi. Le but est d'analyser la sécurité des protocoles 5G et de fournir une boîte à outils cryptographiques pour les améliorer. Grâce à notre protocole, nous avons réussi à limiter l'accès à ces données.
Quelle est votre implication dans le domaine économique ?
Nous avons pour projet d'approcher des entreprises par le biais de l'association Aliptic afin de comprendre leurs besoins en termes de formation et de sécurité pour y répondre. Nous travaillons en étroite collaboration avec des industriels. Nous participons à des projets pour de grands groupes. J'anime beaucoup de master classes pour les entreprises, notamment sur la cybersécurité. Nous sommes entrain d'établir des partenariats avec plusieurs entreprises de la région par le biais de Naquidis, l'organisation quantique de Nouvelle-Aquitaine.
En plus de la recherche, il est possible de se former à Limoges dans ces spécialités...
Depuis 1986, l'Université de Limoges a été la première en France à proposer deux masters « Sécurité informatique et cryptologie » avec 60 étudiants formés par an, environ 32 en sécurité informatique et environ 28 en « Mathématique, cryptologie, codage et applications ». Ces masters ont obtenu la labellisation « SecNumEdu » en 2017, délivrée par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi),. C'est une reconnaissance du niveau de compétence et de l'expérience des intervenants académiques et professionnels ainsi que du travail de suivi des étudiants après leur cursus. Plus de 95 % des diplômés sont embauchés à l'issue du stage en entreprises ou laboratoires.
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