Stellar installe à Bordeaux ses satellites 5G pour connecter le marché automobile de demain

EXCLUSIF. Développer une constellation de satellites pour garantir une connexion internet fiable aux véhicules, à commencer par le marché automobile : c'est le projet de Stellar Télécommunications, qui installe ce mois-ci son siège social et sa R&D à Bordeaux Métropole. Fondée par un acteur chevronné du New Space, cette startup est massivement soutenue par la Région Nouvelle-Aquitaine et affiche d'énormes ambitions avec 300 emplois bordelais en 2025. A condition de réunir les moyens financiers nécessaires sur un marché déjà concurrentiel. Explications.
Stellar Télécommunications déménage ses équipes à Bordeaux Métropole. La startup du New Space développe un boîtier et une architecture satellitaire pour connecter les véhicules partout, à commencer par le marché automobile.
Stellar Télécommunications déménage ses équipes à Bordeaux Métropole. La startup du New Space développe un boîtier et une architecture satellitaire pour connecter les véhicules partout, à commencer par le marché automobile. (Crédits : Stellar Telecom)

Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a l'habitude d'être proactif, quitte à sortir le chéquier, pour convaincre des projets industriels de s'installer dans la région. Mais ce n'est pas tous les jours que les élus votent une aide d'un million d'euros à une startup qui vient seulement de fêter son premier anniversaire. Signe de l'intérêt de la collectivité, ce montant correspond à plus d'un quart de l'investissement porté par Stellar Télécommunications, pour s'installer dans l'agglomération bordelaise. Cette startup de la deeptech se situe au croisement du spatial, de l'automobile et de l'internet des objets. Elle ambitionne de développer un boîtier de télécommunications, une constellation de satellites 5G en orbite basse et l'architecture logicielle qui va avec pour fournir une connexion internet fiable lors des déplacements en voiture, en train, en bateau ou même en véhicules de chantier ou de secours. Le tout doit permettre de créer 70 emplois à Bordeaux Métropole d'ici 18 mois puis autour de 300 d'ici trois ans.

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Répondre à un "besoin identifié du marché automobile"

Et pour mener ce projet colossal Damien Garot, le fondateur, n'en n'est pas à son coup d'essai. Cet ingénieur en télécommunications spatiales (Isae-Supaero, 1997) est successivement passé par SkyBridge, Alcatel Space, Eutelsat et OneWeb, à chaque fois pour œuvrer à la création ou au développement de programmes satellitaires.

"Stellar c'est en quelque sorte ma troisième constellation de satellites mais la logique est, cette fois, très différente", raconte cet entrepreneur néo-bordelais à La Tribune. "Avec Stellar, on n'a pas commencé par la question des satellites mais par la réponse à un besoin identifié du marché automobile sur lequel on travaille de manière symbiotique depuis plusieurs mois. C'est de ce besoin de connectivité de l'automobile que découle tout le reste, notamment la constellation de satellites. Aujourd'hui, sur un trajet Paris-Bordeaux en train ou en voiture, vous avez une mauvaise qualité de connexion sur la moitié du trajet. C'est à cela que nous voulons remédier."

Car si Stellar prévoit en effet de déployer des satellites en orbite basse (entre 500 et 1.000 km d'altitude) pour diffuser son réseau, elle entend aussi s'appuyer sur les réseaux 4G et 5G existants quand ils sont disponibles pour assurer la fiabilité de la connexion.

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Mais la clef du système ne se trouvera pas tant au-dessus de nos têtes que dans un boîtier situé à l'intérieur de nos véhicules. "L'objectif est d'intégrer notre terminal directement dans l'architecture du véhicule, voire dans sa ligne d'assemblage. Nous menons actuellement des tests en Allemagne sur le circuit d'Hockenheim en étroite collaboration avec des constructeurs", ajoute Damien Garot, qui refuse d'en dire davantage tant sur ses partenaires industriels que sur les constructeurs automobiles qui figureraient déjà au capital de l'entreprise

Stellar Telecom

Prototype du boîtier de télécommunication développé par Stellar. Actuellement de 30x30 cm, il a vocation à s'intégrer directement à la construction des futurs véhicules (crédits : Stellar).

"Être fournisseur de toute la filière"

"Ce qui est certain c'est que Stellar a vocation à être un fournisseur neutre et indépendant de toute la filière automobile et même du secteur de la mobilité tout en ayant des racines françaises et européennes", reprend Damien Garot.

Assumant ainsi un contrepied avec des projets concurrents tels que les liens entre Starlink et Tesla, les deux entreprises d'Elon Musk, ou encore le projet de constellation de Geespace, filiale du plus gros constructeur automobile chinois Geely propriétaire notamment de Volvo, Lynk&Co et Lotus, qui a lancé ses premiers satellites dédiés début juin 2022. Le tout sur un marché automobile mondial où l'architecture logicielle des véhicules, qui seront demain autonomes, est désormais jugée plus déterminante

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D'ici 2030, le marché potentiel des services connectés dans l'industrie automobile se chiffrera en centaines de milliards d'euros alors qu'environ 95 % des nouveaux véhicules mis sur le marché seront équipés nativement de solutions de connectivité, contre un sur deux actuellement. A court terme, on parle de pouvoir regarder du streaming, jouer en ligne ou tenir des visioconférences pendant des trajets mais à plus long terme c'est une batterie de nouveaux services connectées qui se développera jusqu'à l'autonomisation complète du véhicule.

Pour arriver à déployer ses solutions à temps sur le marché, Stellar aura donc besoin de moyens financiers colossaux, à l'instar de Flying Whales, un autre ovni technologique des mobilités de demain qui de lever 122 millions d'euros, ou encore de Loft Orbital qui a réuni 140 millions de dollars pour sa constellation de satellites partagés. "A long terme, Nous visons la commercialisation de millions de terminaux ce qui correspond à une activité qui se quantifie en milliards voire en dizaines de milliards d'euros en rythme de croisière", évalue Damien Garot. La startup devra d'abord passer par une longue série de levées de fonds et tests techniques sur des satellites tiers puis des prototypes avant de déployer sa propre constellation à l'horizon 2030, comme l'esquisse le fondateur : "Notre feuille de route prévoit un déploiement au cours de la décennie qui vient pour répondre aux besoins des utilisateurs et des véhicules classiques et d'être au rendez-vous de la voiture autonome."

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Bâtir le projet depuis Bordeaux Métropole

Et c'est donc depuis Bordeaux Métropole, où Stellar installera son siège social et ses équipes de R&D dans le courant du mois de juillet, que cette histoire s'écrira. A la grande satisfaction des acteurs locaux : "Je suis très heureux que Bordeaux accueille cette entreprise qui sera, je l'espère, un acteur européen et souverain de référence dans son domaine avec d'importantes retombées pour l'écosystème local. D'autant que le spatial c'est une longue histoire à Bordeaux et en Nouvelle-Aquitaine", salue Cyril Texier, le président de French Tech Bordeaux.

La startup qui compte moins d'une vingtaine de collaborateurs entre Paris, l'Allemagne et le Luxembourg prévoit ainsi de créer 70 emplois directs à Bordeaux et envisage au total 300 à 500 créations de postes à l'horizon 2025. "On a rencontré plusieurs régions françaises et allemandes et on a été convaincu par le gros écosystème local en matière d'électronique et d'aérospatial et par la vision de développement économique de long terme de la Nouvelle-Aquitaine", détaille Damien Garot. Et Stellar vient d'obtenir la labellisation SSR (Space sustainability rating, notation de durabilité spatiale) qui vise à déployer des missions plus responsables et respectueuses de l'environnement spatial. De quoi plaire également à Bordeaux Métropole qui cherche à combiner soutien à l'industrie aéronautique-spatial-défense et transition environnementale.

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La Région au soutien financier


  • Mettant en avant les 300 emplois créations d'emplois d'ici 2025 ainsi que "les retombées indirectes, à la fois sur les filières spatiale, télécom et électronique", le conseil régional se réjouit d'accueillir cette entreprise du New Space et a voté le 21 juin dernier une aide d'un million d'euros à Stellar Télécommunications. En complément, la collectivité proposera une "aide de l'Union européenne de 4 millions d'euros pour le développement du segment spatial, au titre du Fonds européen de développement régional" dont le Conseil régional a la gestion. "L'entreprise a été convaincue par la qualité de notre écosystème, qui comprend des acteurs du spatial de premier plan : ArianeGroup, le pôle de compétitivité Aerospace Valley, le centre d'inspiration et d'innovation Way4Space, des laboratoires de pointe... À l'heure où il est essentiel de préserver un accès souverain en Europe à l'espace, la Région entend développer son écosystème dans le New Space. La constellation de satellites, en orbite basse, proposée par Stellar va permettre d'offrir des services 5G stratégiques et sécurisés. Avec le souci de préserver un traitement des données en local, afin d'éviter un transfert vers des clouds ou data centers en dehors de l'Europe", appuie Alain Rousset, le président de Région.

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Commentaire 1
à écrit le 06/07/2022 à 14:59
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