Avec le nouveau data center d'Equinix, l'écosystème bordelais va-t-il changer d'échelle ?

Equinix, le leader mondial des data centers a inauguré, mardi 5 octobre, son centre de données BX1 à Bordeaux Métropole avec l'ambition d'y accélérer drastiquement l'essor de l'écosystème numérique. La demande semble au rendez-vous mais s'agit-il pour autant d'un tournant décisif pour les entreprises locales et régionales ? D'autant que pour satisfaire pleinement les élus, Equinix devra aussi réussir à réutiliser l'énergie fatale produite par cette infrastructure clef.
Installé à Bruges, le centre de données BX1 d'Equinix hébergera à termes huit salles blanches.
Installé à Bruges, le centre de données BX1 d'Equinix hébergera à termes huit salles blanches. (Crédits : Equinix)

6,2 millisecondes : c'est désormais le temps qu'il faudra pour transmettre une information numérique entre les centres de données d'Equinix situés en Ile-de-France et BX1, le dernier né, installé à Bruges, au nord de Bordeaux. Mais ce n'est pas seule qualité de ce nouveau data center qui est aussi le point final d'arrivée du nouveau câble transatlantique Amitié déployé par Facebook, Orange et Vodafone entre les Etats-Unis et la France via Le Porge. De quoi permettre à Bordeaux de devenir l'une des quelques portes d'entrées en Europe.

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Baptisé BX1, cette infrastructure modulaire doit passer de deux à huit salles blanches dans les prochains mois, soit une capacité de 4.000 KW à terme. "La première salle est pleine et la 2e est vendue à 90 %. Nous allons donc continuer à grandir rapidement. Nous avons déjà 30 opérateurs télécoms parmi nos clients dont la moitié n'étaient jusque-là pas présent à Bordeaux ! Cela montre l'attractivité de cette infrastructure qui garantira la sécurité et la disponibilité de leurs données à nos clients", met en avant Régis Castagné, le directeur général d'Equinix en France.

Des entreprises comme Orange Business Services, la SNCF, Cheops Technology, SFR, Axians ou encore Outscale, la filiale de Dassault Systèmes dédiée au cloud, ont pris des serveurs au sein de BX1. Tandis que deux entreprises régionales ont participé à la réalisation de l'infrastructure : Cap Ingelec en a piloté la construction et le groupe Legrand a fourni les racks hébergeant les serveurs.

BX1, un élément déterminant pour Bordeaux ?

La société américaine, leader mondial des data centers (environ six milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2020), concrétise ainsi la tendance du "edge computing", qui consiste à déployer les infrastructures numériques au plus près des entreprises et populations servies pour en améliorer la qualité de service. Après Marseille, Bordeaux est seulement la 2e ville hors Ile-de-France à disposer d'un tel centre de données dans l'Hexagone. "Nous voulons être un accélérateur du développement de cet écosystème numérique bordelais déjà dynamique. Ce data center permettra par exemple de développer de nouveaux usages en matière de smart city, de télémédecine ou encore d'industrie 4.0", souligne Régis Castagné.

Equinix BX1

Pour BX1, Equinix déploie un système modulaire sur pilotis inédit qui permet une construction plus rapide sans imperméabiliser le sol (crédits : Equinix).

BX1 représente un investissement de 32 millions d'euros et la création de douze emplois directs et d'une quarantaine indirects. Alain Anziani, le président (PS) de Bordeaux Métropole, salue ainsi "une chance fabuleuse de voir Bordeaux devenir un carrefour de l'information numérique, une place commerciale de la donnée entre l'Europe et les Etats-Unis" tandis que la maire (PS) de Bruges, Brigitte Terraza, se réjouit de voir sa ville accueillir Equinix sur une ancienne zone de fret, quelques jours seulement après l'inauguration du centre de R&D d'Automotive Cells Company (ACC), l'Airbus des batteries, à quelques kilomètres à peine.

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Pour autant, qu'est-ce que cette infrastructure changera concrètement pour l'écosystème numérique local et régional ? Tout et rien à la fois, aurait-on envie de répondre ! "Une startup qui se monte et se développe dans la région cherche avant tout des profils qualifiés et un accès à la fibre, pas nécessairement à utiliser les services d'Equinix", note ainsi Cyril Texier, le président de French Tech Bordeaux. "Mais cette interconnexion mondiale offre une possibilité de performance potentiellement très précieuse en permettant, par exemple, de monter rapidement en volume", complète Philippe Métayer, son directeur général, qui poursuit :

"Ce qui est important c'est que les startups, scale-ups et entreprises locales ont désormais la possibilité d'utiliser ce potentiel de services qui peut-être un vrai avantage pour déployer des activités dans la réalité virtuelle, l'e-santé, le jeu-vidéo ou le cloud par exemple. C'est aussi un élément qui va permettre d'inciter des entreprises à venir s'installer ici et à d'autres de rester sur le territoire."

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Avec le centre BX1 et le câble transatlantique, "Bordeaux réunit toutes les conditions pour devenir un hub mondial de l'interconnectivité et des échanges numériques. C'est le pari que nous faisons", considère même Jean-Luc Vuillemin, le directeur des services et réseaux internationaux d'Orange, qui ajoute : "La valeur d'un data center ce sont les données qu'il y a à l'intérieur et la diversité des acteurs qui les utilisent. D'où l'intérêt de fédérer un véritable écosystème autour de l'infrastructure". Pour Equinix, comme pour Orange, cette nouvelle donne doit donc avant tout permettre d'attirer de nouvelles entreprises dans la région. Un effet boule de neige qui pourra aller alors se traduire en autant d'opportunités de business pour les entreprises locales.

L'enjeu de la récupération de la chaleur fatale

Mais au-delà des opportunités de développement économique et numérique, Equinix devra aussi répondre aux demandes pressantes et de plus en plus regardantes des élus locaux sur le plan environnemental. Si BX1 est alimenté avec 100 % d'énergie renouvelable, refroidi avec un système qui utilise l'air extérieur et affiche un ratio d'efficacité énergétique plutôt bon (1), il y a encore des marges de progrès. Le principal enjeu étant la réutilisation de l'importante chaleur fatale produite par les serveurs du centre de données qui tournent en permanence. "Nous y discutons avec la maire de Bruges", se contente d'indiquer Régis Castagné. "Il faudra impérativement avancer sur ce sujet de synergie énergétique", répondent sans équivoque Alain Anziani et Brigitte Terraza tandis qu'Alain Rousset, le président (PS) du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, met lui aussi la pression : "Vous avez un travail à mener sur la récupération de cette chaleur fatale. Je vous invite à créer ici un démonstrateur de votre savoir-faire en la matière ! Nous sommes une région très friande des initiatives d'avant-garde menant à des sauts technologiques".

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(1) Equinix et Cap Ingelec indiquent que BX1 affiche un PUE (power usage effectiveness, indice d'efficacité énergétique) de 1,2 contre 1,5 à 1,7 en moyenne aujourd'hui et autour de 2,5 il y a dix ans.

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