En France et en Suisse, Cheops Technology creuse le sillon du cloud souverain

Après un exercice 2020 en léger repli, Cheops Technology aborde 2021 avec quelques certitudes sur un marché du cloud dynamisé par la crise sanitaire. Nicolas Leroy-Fleuriot, le PDG du spécialiste girondin du cloud, revient sur le récent rachat d'une PME suisse, les perspectives des prochains mois et la dynamique clef autour des clouds souverains. 50 recrutements sont prévus en 2021.
Nicolas Leroy-Fleuriot, à droite, lors de l'inauguration du siège de Cheops Technologie à Canéjan, près de Bordeaux, en 2018.
Nicolas Leroy-Fleuriot, à droite, lors de l'inauguration du siège de Cheops Technologie à Canéjan, près de Bordeaux, en 2018. (Crédits : Agence Appa)

"La première chose qu'ils m'ont demandé quand je suis arrivé à Genève c'est : allez-vous laisser nos données en Suisse ou les transférer en France ?", raconte à La Tribune Nicolas Leroy-Fleuriot, PDG de Cheops Technology (650 salariés, 112 millions d'euros de CA). Ce spécialiste du cloud (nuage pour informatique dématérialisée -NDLR) basé à Canéjan (Gironde) vient de racheter la société Suisse DFI Service (47 salariés, 9,2 millions d'euros de CA), sa première opération de croissance externe à l'étranger. En France, en Suisse, comme ailleurs en Europe, ce sujet éminemment sensible de la souveraineté des hébergeurs en cloud pour les données personnelles, économiques ou stratégiques se pose avec toujours plus d'insistance. "Aucun transfert de données à caractère personnel ne peut être réalisé en dehors de l'Union européenne", indique ainsi un arrêté pris par le ministère de la Santé le 9 octobre 2020 à propos de la plateforme Health Data Hub, hébergée par Mircrosoft mais qui devrait changer d'hébergeur d'ici deux ans comme Olivier Véran vient de s'y engager.

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Les usages du cloud par les entreprises et administrations se sont en effet fortement intensifiés dans le contexte de la crise sanitaire liée à lutte contre le Covid-19. A tel point que la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) vient de diffuser une note sur le sujet pointant les risques liés aux prestataires gratuits et/ou extra-européens.

"Ce que nous dit la DGSI est très clair", considère Nicolas Leroy-Fleuriot : "Si vous hébergez vos données chez un opérateur américain ou chinois alors il n'y a aucune garantie qu'elles ne seront pas consultées et exploitées, a minima sur un plan strictement commercial et marketing. En réalité, il y a même une certitude qu'elles le seront ! Or, aujourd'hui, les données c'est le patrimoine d'une entreprise !"

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"On a les pépites et les fleurons nécessaires"

Pour se prémunir de ces risques, encore faut-il disposer en France et en Europe du savoir-faire technologique capable de répondre à ces impératifs politiques et stratégiques. Mais pour le CEO de Cheops Technology, qui dispose notamment de la certification "hébergeur de santé" depuis 2013 renouvelée en 2018, les compétences sont bien là.

"Oui, il faut barrer la route aux acteurs américains et, pour y arriver, on a en France et en Europe les pépites et les fleurons nécessaires. Je crois d'ailleurs plutôt à l'émergence de clouds totalement souverains au niveau de chaque Etat plutôt qu'au niveau européen. Les entreprises françaises ont pris un peu de retard dans l'adoption du cloud mais elles se rendent compte que recourir aux entreprises américaines n'est pas un eldorado parce que les ETI cherchent d'abord un partenaire de confiance, proche et capable de s'adapter à leurs demandes très concrètes sur le fonctionnement et le coût des services", développe Nicolas Leroy-Fleuriot.

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Il identifie ainsi deux enjeux stratégiques pour se démarquer face à la concurrence : offrir de la prédictibilité sur les coûts et garantir le fonctionnement dans le cloud de la bonne application au bon moment.

Nicolas Leroy Fleuriot Cheops Technology

Nicolas Leroy-Fleuriot (crédits : Agence APPA)

Croissance à deux chiffres pour le cloud public

Le contexte actuel est donc porteur pour permettre aux acteurs tricolores et européens de se développer. Pas question pour autant pour Cheops Technology de grandir trop vite. La société girondine entend d'abord se concentrer sur la France, où elle compte ses principaux clients, dont Ceva Santé Animale et Euralis, par exemple, et la Suisse où elle vient donc de racheter DFI Service. "Cette PME dispose de cibles et d'offres complémentaires des nôtres. L'enjeu des prochains mois va être d'exporter en Suisse nos propres offres de cloud, notamment auprès des ETI, et d'importer en France leurs offres de sécurité qui sont très pertinentes", précise le dirigeant qui veut se laisser au moins 18 mois pour digérer ce rachat.

D'autant que le chef d'entreprise sera aussi occupé à gérer l'activité qui devrait continuer à progresser en France de manière soutenue. Les prévisions des cabinets spécialisés, Forrester et Gartner, estiment en effet que la crise sanitaire va encore accélérer la dynamique mondiale du cloud public avec des croissances oscillant entre +18 % et 30 % en 2021 et en 2022 pour dépasser 300 milliards d'euros de dépenses annuelles. De quoi offrir des marges de manœuvres à des entreprises telles que Cheops Technology dont l'offre commerciale et technique articule "une partie des infrastructures chez les clients, certains types d'applications non critiques dans le cloud public et les applications critiques et les services managés dans le cloud privé mutualisé qui garantit leur fonctionnement et avec une palette de services personnalisés.".

Pour l'heure, Cheops Technology, après un très bon exercice 2018/2019, a bouclé l'exercice fiscal 2019/2029, clôt fin avril, avec un chiffre d'affaires en léger repli de -1,9 % à 112 millions d'euros mais avec un résultat net en hausse de 3,2 % à 4,7 millions d'euros tout comme ses capitaux propres (+5,3 % à 26 millions d'euros). "Notre activité de cloud, qui est devenue le cœur de notre croissance, a continué à bien fonctionner [avec une croissance de +24%]. En revanche, notre activité de design et de mise en œuvre d'infrastructure sur site a été impactée de mi-mars à mi-juin avec la fermeture des sites de nos clients mais ces projets ont été décalés, pas annulés", rembobine Nicolas Leroy-Fleuriot, qui a contracté un prêt garanti par l'Etat de 4 millions d'euros "par sécurité, pour se prémunir de tout risque de trésorerie".

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Une cinquantaine de recrutements annoncés

De bon augure, le 1er semestre de l'exercice fiscal 2020/2021, permet à Cheops d'enregistrer une hausse de son chiffre d'affaires de l'ordre de 10 % et l'entreprise prévoit une cinquantaine de recrutements en 2021, dont la moitié au siège de Canéjan, près de Bordeaux. "Clairement, les entreprises confirment leurs projets de cloud. C'est souvent la première brique de leur transformation numérique, notamment pour le télétravail. On constate même une nette accélération des circuits de décisions avec des décisions prises en trois mois contre six à douze mois d'ordinaire", observe le PDG. Il veut néanmoins rester prudent pour le second semestre vu l'ampleur de la crise économique. "On entend beaucoup de sons de cloches différents sur les dégâts réels de la crise mais ça risque d'être compliqué pour beaucoup d'entreprises en 2021. Nous on va rester à l'écoute des besoins de nos clients qui sont plutôt des ETI et donc, a priori, plus sécurisées que des PME face à la crise, sauf celles opérant dans le secteur de l'aéronautique. Si on respecte des principes là, on devrait s'en sortir."

Quant à l'enjeu croissant de la cybersécurité, Cheops Technology qui a décuplé les effectifs de ses équipes dédiées ces dernières années se veut rassurant. "Il n'y a pas plus de risque de cyberattaques avec des données hébergées dans notre cloud parce que c'est notre métier et que nous mettons beaucoup de moyens pour les sécuriser", répond Nicolas Leroy-Fleuriot, avant de développer :

"Le ransomware, qui est l'attaque la plus répandue actuellement, provient dans 90 % des cas d'une personne qui a ouvert sur son poste de travail un fichier corrompu ou cliqué sur un mauvais lien. Pas besoin de cloud pour cela ! L'un des enjeux est donc aussi de former les salariés de nos clients à des gestes de sécurité aussi basiques que fondamentaux. Ensuite, nos infrastructures sont bien évidemment conçues pour résister aux attaques et éviter tout risque de contamination."

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