Ceps de vigne : Vinea Énergie compte s'imposer sur le marché du biocombustible

INTERVIEW. Transformer les ceps de vignes en bois énergie plutôt que de les brûler à l'air libre : telle est la proposition que Vinea Énergie adresse aux vignerons des alentours de Saint-Aubin-de-Blaye, en Gironde, depuis près d'un an. Avec succès : les objectifs de récolte pour 2021 étaient déjà remplis à fin juin. Le point avec Alice Shaw et Romain Guillaument, deux des trois co-fondateurs, qui visent 600.000 euros de chiffre d'affaires d'ici juin 2022 puis le triple l'année suivante.
(Crédits : Vinéa Energie)

LA TRIBUNE - Vous avez fondé Vinea Énergie en juin 2020 aux côtés d'Alain Guillaument. Comment vous est venue l'idée de transformer les pieds de vignes en pellets pour chaudière biomasse ?

ALICE SHAW - Nous sommes partis de deux constats. D'abord, l'urgence climatique, qui nous affecte tous et nous impose d'aller vers une économie décarbonée. Ensuite, l'impasse dans laquelle se trouvent les vignerons quand ils arrachent des pieds de vignes : ils sont obligés de les brûler, faute de solution. D'où l'idée de valoriser cette matière, avec à la clé une réduction massive des émissions de CO2.

ROMAIN GUILLAUMENT - Nous avons sollicité des laboratoires spécialisés dans la valorisation de la biomasse qui ont analysés nos premiers pellets, et au vu des résultats, nous avons pu obtenir la norme ISO 17225 [qui détermine la qualité des biocombustibles solides].

AS - Ensuite, il nous a fallu valider le modèle économique, pour nous assurer que l'entreprise serait rentable en récoltant gratuitement les pieds de vignes arrachés directement chez le vigneron, et que la seule vente des biocombustibles couvrirait les coûts de transformation et les coûts logistiques. Puis valider le process : trouver les bons camions, les bons grappins, pour nous rendre au plus près des vignes sans abîmer les rangs. Nous avons testé notre solution avec la coopérative de Tutiac, et nous avons été accompagné par la CCI Bordeaux Gironde, le pôle de compétition Xylofutur et la communauté de commune de l'Estuaire, qui nous a accueilli dans sa pépinière d'entreprises.

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Les vignerons se sont-ils montrés au rendez-vous ?

AS - Oui ! Nous avons lancé notre première campagne de ramassage en novembre 2020 avec l'ambition de couvrir 5 % du gisement sur la première année. L'objectif était atteint dès le mois de juin. Nous avons déjà récolté plus de 2.800 tonnes de ceps, ce qui correspond environ à 9.870 MWh produits, et près de 175.000 kg de CO2 évités !

Comment s'organisent la logistique et la transformation ?

AS - L'objectif est bien de rester en circuit court. 45 % du vignoble bordelais se trouve à moins de 40 km de Saint-Aubin-de-Blaye, donc nous nous concentrons pour l'heure sur ce territoire. Nous avons un local à Saint-Aubin dans lequel nous transformons nos premières récoltes avec des broyeurs que nous louons. Il s'agit pour l'instant de produire des plaquettes pour les très gros réseaux de chaleurs, mais nous espérons fabriquer de premier pellets, accessibles aux particuliers d'ici fin 2023.

RG - Nous voulons en fait mailler le territoire de plateformes de stockage, tri et transformation, situées à moins de 75 km du lieu de récolte, pour limiter les coûts logistiques et l'impact carbone. Nous venons de signer un partenariat avec les Autoroutes du Sud de la France, pour louer trois de leurs plateformes logistiques, au sein des grandes appellations du vignoble bordelais.

AS - À termes, nous comptons installer une véritable unité de granulation pour produire les pellets, à Saint-Aubin de Blaye. Nous nous laissons un an et demi, pour bien mesurer la fréquence de broyage qu'il nous faut mettre en place, et pour aller chercher des fonds. Globalement, nous nous donnons cinq ans pour ramasser 80 % du gisement entre le Nord Charente et l'Entre deux mers.

Quels sont vos objectifs chiffrés ?

RG - Nous allons tout juste commencer à vendre et nous visons 600.000 euros de chiffre d'affaires de juin 2021 à juin 2022 puis entre 1,5 et 2 millions d'euros de juin 2022 à juin 2023. Nous employons pour l'instant quatre personnes en CDI et une dizaine d'intérimaires  mais nous espérons constituer une équipe de 20 à 30 salariés en 2025 notamment grâce à l'usine de Saint-Aubin.

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