
Le vignoble de Bordeaux est-il sorti du sombre tunnel dans lequel l'a poussé l'épisode calamiteux de gel de 2017 ? A en croire le bilan de l'assemblée générale du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), qui s'est tenue ce lundi matin 12 juillet à la Cité du vin, et l'intervention de son président, Bernard Farges, c'est presque le cas.
"Enfin nous avons de bonnes nouvelles, enfin, nous sortons d'un tunnel dans lequel nous cumulions des difficultés les unes après les autres. Rien n'est gagné, ni abouti, c'est une évidence, mais nous respirons beaucoup mieux !", a tout d'abord éclairé Bernard Farges.
La fin de la guerre douanières a libéré les espaces
Le vignoble peut mieux respirer pour une première grande raison : la suspension en mars dernier de la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis contre l'Union Européenne en raison des problèmes de concurrence entre Boeing et Airbus. Pour bien marquer les esprits, ce type de conflit se plait à sacrifier les bons élèves du camp d'en face, qui sont bien connus à l'international et dont l'innocence ne fait aucun doute en les rançonnant à coup de surtaxes douanières. Histoire de souligner l'intensité de l'affrontement en cours et la volonté de prendre en otage certains secteurs emblématiques de l'économie pour faire pression sur tout le monde.
En l'occurrence dans ce dossier les Américains ont décidé de frapper le secteur des vins tranquilles et donc le vignoble bordelais. Pour mémoire, rappelons qu'en 2020 les ventes de vins de Bordeaux ont chuté à cause de l'effondrement économique dû au Covid-19 et au climat de guerre commerciale mondiale entretenu par le président Donald Trump. Si bien que le vignoble bordelais a bouclé 2020 avec un chiffre d'affaires de 3,5 milliards d'euros, en recul de 400 millions d'euros.
Le plus fort rebond en volume enregistré aux Etats-Unis...
Comme l'a souligné le président du CIVB, le conflit commercial entre Boeing et Airbus a coûté 100 millions d'euros au vignoble bordelais. Ce conflit n'est plus pour le moment qu'un vieux souvenir et les ventes à l'export ont bondi. A fin mai 2021, sur douze mois, les ventes à l'export pour le monde entier ont bondi de +12 % en volume, à 1.886 milliers d'hectolitres (1,8 million d'hectos) contre 1.686 milliers d'hectos en mai 2020. Cette hausse s'est faite à raison de +10 % pour l'Union européenne, à 522 milliers d'hectos, et +12 % pour les pays tiers, à 1.364 milliers d'hectos.
Effet de la rupture brutale des sanctions douanières ? En tout cas la plus forte hausse des ventes en volume est enregistrée aux Etats-Unis (+21 %), devant Hongkong (+17 %), le Japon (+14 %), la Chine continentale (+13 %), la Belgique (+9 %) et le Royaume-Uni (+6 %). Le rebond est encore en plus marqué pour les ventes à l'export en valeur, à 2,13 milliards d'euros, soit +21 %.
Davantage de mises en marché et donc plus de budget CIVB...
La détente de ce ressort des ventes à l'export a naturellement stimulé l'évolution des mises en marché, qui sont mesurées par les sorties de propriété. Un paramètre clé pour le CIVB, dont les taxes qu'il prélève sont assises sur la production qui a dû être réévaluée à la hausse par rapport aux prévisions. Ainsi à mai 2021 ces mises en marché avaient progressé de +13 % sur un an (2020-2021) pour atteindre 4,2 millions d'hectolitres contre 3,8 millions d'hectos sur la période 2019-2020.
Le fonctionnement de l'interprofession du CIVB, qui regroupe vignerons et négociants, est assis sur des taxes liées au niveau de la production. Le budget primitif du CIVB pour 2020-2021, qui avait été calculé sur la base de 3,6 millions d'hectos en sorties de propriété, contre les 4,2 millions d'hectos finalement comptabilisés, a dû ainsi être revu à la hausse puisque le montant des taxes prélevé est passé d'un prévisionnel de 21,2 millions d'euros à 24,7 millions d'euros.
... Soit un volant d'investissement supplémentaire de 3,1 millions d'euros
Cette ressource supplémentaire de 3,5 millions d'euros va se traduire par une hausse de l'investissement du CIVB de +3,1 millions d'euros. Surplus qui va être fléché au sein du CIVB à raison de 1,290 million d'euros à destination du service marketing, 875.000 euros pour le service technique, 390.000 euros pour la communication, 372.000 euros pour l'administration générale et 200.000 euros pour le pôle économie.
Le CIVB travaille au développement d'un nouveau label articulé sur la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et provisoirement baptisé « Bordeaux cultivons demain », dont la mise en place se fait sous le contrôle du cabinet Veritas mais qui est pour le moment destiné aux professionnels. C'est-à-dire qu'il n'est pas encore question de le transformer en un nouveau logo à apposer sur les bouteilles. Mais cela pourrait tout de même arriver.
De beaux millésimes pour faire face à la demande
Plus globalement, concernant la campagne 2021, Bernard Farges a observé que le gel qui a touché le vignoble en avril dernier a violemment frappé certains domaines mais pas ravagé le vignoble comme en 2017.
"Oui, nous avons une récolte en partie diminuée, mais nous avons aussi en stock de très beaux millésimes 2018, 2019 et 2020 pour satisfaire nos clients et nos consommateurs partout dans le monde et pour toute la campagne à venir" a déroulé le président de l'interprofession.
Le confinement vient juste ce cesser et les restaurants, un des grands circuits de distribution des bordeaux, avec les cafés, viennent de rouvrir. Nul ne sait encore si le variant Delta va venir tout remettre en cause, mais en principe les ventes de bordeaux ont toutes les raisons de continuer à accélérer en 2021.
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