"Avec la crise, on a moitié moins de candidatures que l'an dernier ! " Audrey Guidez, ANDRH

INTERVIEW. "Il y a une vraie frilosité en matière de mobilité professionnelle puisque cela représente toujours un risque pour le candidat : on sait ce qu'on a mais pas ce qu'on aura", alerte Audrey Guidez, présidente en Nouvelle-Aquitaine de l'Association nationale des DRH. Egalement DRH de la PME Aliénor Ingénierie, elle revient sur le moral en berne des salariés comme des chefs d'entreprises, la multiplication des PSE et le rôle central du dialogue social.
Audrey Guidez, DRH du groupe Aliénor, est aussi la présidente en Nouvelle-Aquitaine de l'Association nationale des DRH.
Audrey Guidez, DRH du groupe Aliénor, est aussi la présidente en Nouvelle-Aquitaine de l'Association nationale des DRH. (Crédits : Audrey Guidez)

LA TRIBUNE - Comment les directeurs et directrices des ressources humaines traversent-ils la période actuelle ?

AUDREY GUIDEZ - La séquence du confinement / déconfinement a été une période éprouvante avec une difficulté pour le DRH à trouver sa place entre la direction de l'entreprise, les salariés et les syndicats. Il y a eu des changements législatifs et réglementaires nombreux, complexes et à grande vitesse. Il a donc fallu gérer tout cela, le passage au télétravail à 100 % puis la sortie de cette nouvelle organisation. On est désormais sur un consensus dans beaucoup d'entreprises autour de deux jours de télétravail par semaine. C'est une nouvelle organisation hybride. La majorité des salariés n'avaient pas vraiment envie de revenir au bureau pour des questions d'habitude, d'organisation familiale ou de risque sanitaire. Bien souvent, dans beaucoup d'entreprises, c'est le DRH qui s'est retrouvé en première ligne et seul pour gérer tous ces aspects nouveaux.

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Depuis quelques semaines, on voit les annonces de plans de licenciements, ces fameux plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), se multiplier. Avec un volume qui serait le double de celui de l'an dernier à la même époque. Comment voyez-vous les choses ?

Oui, les grosses difficultés surviennent progressivement depuis la rentrée de septembre avec des PSE déclenchés et d'autres en préparation ou en réflexion. La crise perdure avec un Covid-19 qui ressurgit et risque d'être bien présent au moins jusqu'à la fin de l'année. Tout cela nourrit de grosses incertitudes sur l'avenir. Je distingue trois cas de figure. Il y a les entreprises qui sont en grandes difficultés et sont contraintes de mettre en place un PSE. Il y a les entreprises qui ont une activité "normale" mais largement parasitée par l'application et le respect des règles sanitaire et la gestion presque quotidienne des cas contacts. Et puis il y a les entreprises qui vont très bien et cherchent à recruter mais qui ont du mal à le faire...

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C'est-à-dire ? Pourquoi est-ce compliqué de recruter dans la période actuelle ?

Nous avons constaté au sein de l'association que pour beaucoup d'entreprises en phase de forts recrutements, il y a beaucoup moins de candidats qu'avant la crise. Il y a une vraie frilosité en matière de mobilité professionnelle puisque cela représente toujours un risque pour le candidat : on sait ce qu'on a mais on ne sait pas vraiment ce qu'on aura. Sans compter sur le risque que constitue la période d'essai. Il y a aussi une baisse de la mobilité géographique avec, par exemple, beaucoup moins de candidats franciliens sur des postes de bureaux d'études et d'ingénierie d'ordinaire très prisés. Et c'est une tendance significative : globalement, à offre d'emploi égale on a moitié moins de candidatures par rapport à l'an dernier ! Dans la même logique, on a quasiment plus de demandes de rupture conventionnelle pour des projets entrepreneuriaux ou associatifs. Les salariés attendent de voir comment ça tourne dans les mois qui viennent...

Revenons-en aux PSE, obligatoires dans les entreprises d'au moins 50 salariés lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés en 30 jours. Est-ce la seule solution en cas de grosses difficultés ?

Non pas nécessairement. On peut éviter, réduire ou retarder un PSE grâce à des outils de formation, d'organisation interne, de chômage partiel, de chômage de longue durée. Mais il y a un problème évident de connaissance de tous ces dispositifs dans les grosses PME qui n'ont pas de service RH structuré mais qui sont pourtant parmi les plus menacées par la crise actuelle. Par ailleurs, on constate que certains PSE répondent à une inquiétude du chef d'entreprise qui veut s'acheter un peu de tranquillité et de visibilité. Je veux dire que le PSE n'est pas nécessairement le bon outil mais certains dirigeants ne veulent pas prendre de risque car il y une forme de peur vis-à-vis de l'avenir, de manque de confiance dans la suite des évènements.

Redonner de la confiance et de la visibilité à la fois au chef d'entreprise et aux salariés, c'est l'une des fonctions des DRH. Comment faire dans ce contexte inédit ?

Il faut jouer sur la transparence et l'honnêteté, y compris pour aborder les difficultés rencontrées par l'entreprise. Si on ne dit rien, la situation ne s'arrangera pas pour autant, il faut donc privilégier et anticiper le dialogue social. Cela signifie deux choses : d'une part, avoir tous les éléments à disposition pour répondre autant que possible et, d'autre part, avoir le courage de dire les choses mais aussi de reconnaître qu'on n'a pas la réponse sur tel ou tel élément. Les PSE sont toujours des moments extrêmement difficiles pour tout le monde, à commencer évidement par les personnes licenciées, mais il faut dialoguer, expliquer et prévoir des mesures complémentaires.

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C'est possible sur le papier, mais dans les faits, l'urgence de la crise économique laisse souvent peu de place au dialogue social dans les entreprises...

C'est vrai mais le dialogue social est incontournable. Le DRH doit se battre plus qu'avant et être plus transparent pour convaincre le directeur général et le directeur administratif et financier de créer un vrai dialogue social. La difficulté c'est que les grosses PME ont rarement un DRH et doivent se contenter d'un responsable RH ou d'un assistant de direction. Elles font donc appel à des cabinets extérieurs qui font très bien le travail mais qui ne peuvent pas pour autant faire vivre le quotidien de l'entreprise. Et tout cela a bien évidemment un coût.

Au regard de la période peu encourageante sur le plan économique et sanitaire, quel est le moral des salariés dans vos entreprises ?

C'est simplement du ressenti mais, globalement, on constate de l'anxiété à la fois économique et sanitaire, un lien social qui s'est amoindri au sein de l'entreprise à cause des masques, des gestes barrières et de la fin des moments conviviaux. Pour résumé, le moral est bas, c'est clair. Et dès que le DRH n'est pas souriant, les équipes s'imaginent le pire ! Il faut donc positiver mais cela n'a rien d'évidemment. Si je dois en tirer une bonne nouvelle, c'est le renforcement très significatif des liens entres les DRH de l'association qui sont tous confrontés à des situations inédites et échangent énormément sur ces sujets.

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Commentaire 1
à écrit le 27/10/2020 à 10:39
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Il est évident que cette femme qui fait le vide des boites où elle passe par le biais de harcèlements (cf tribunaux des prud’hommes des départements où elle est passé) constate une baisse des candidatures...

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