Télétravail, droit de retrait, loyers, risques professionnels : les avocats bordelais sur le pont

Dans le cadre de l'opération "Barreau solidaire", des avocats bordelais assurent des consultations gratuites depuis de la crise du coronavirus notamment dans le domaine du droit du travail et du droit des affaires. Les modalités du télétravail, du chômage partiel, du droit de retrait et des ruptures anticipées de contrat figurent parmi les sujets récurrents tout comme la protection des salariés, la renégociation des baux commerciaux et l'approbation des comptes. La Tribune fait le point.
Le barreau de Bordeaux a lancé depuis le 15 mars dernier l'opération Barreau solidaire qui offre des consultations juridiques gratuites
Le barreau de Bordeaux a lancé depuis le 15 mars dernier l'opération Barreau solidaire qui offre des consultations juridiques gratuites (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

Une demande par mail et une réponse circonstanciée garantie sous 48h. C'est le service gratuit mis en place par des avocats du barreau de Bordeaux dès le lendemain du confinement sanitaire et des prémices de la crise économique. Plus d'une centaine de salariés, chefs d'entreprises et indépendants y ont eu recours dans les domaines du droit social, du droit du travail et du droit des affaires dans un contexte légal et réglementaire aussi mouvant qu'inédit. De quoi offrir un éclairage sur les sujets de préoccupation des acteurs économiques aujourd'hui et demain.

Droit de retrait et motifs de ruptures anticipées

Dans le domaine du droit du travail, c'est l'Institut du droit social du Barreau de Bordeaux qui pilote l'opération. La moitié des 105 avocats de cet institut participent à la permanence en répondant par écrit aux demandes adressées à [email protected]. "Nous avons reçu plus de 80 demandes depuis la mi-mars dont les trois-quarts proviennent de salariés et le reste de dirigeants TPE et PME et de responsable syndicaux", détaille maître Romain Pagnac, qui exerce chez Burdigala Avocats et préside l'Institut. Plusieurs sujets reviennent en force dont notamment la mise en place du télétravail (horaires, modalités pratiques, articulation avec le chômage partiel, etc.) et les cas de rupture anticipée de CDD, de période d'essai ou de promesse d'embauche. "Il faut savoir que le confinement sanitaire n'est pas toujours considéré comme un cas de force majeure ouvrant la rupture anticipée. C'est la nature de l'emploi qui est en jeu et si le télétravail est possible alors le cas de force majeure n'est pas forcément valable", observe Romain Pagnac.

Les modalités de mise en œuvre du chômage partiel et d'imposition des congés payés et RTT reviennent aussi avec insistance ainsi que les conditions sanitaires d'une reprise de l'activité. "Nous avons beaucoup de questions sur l'exercice du droit de retrait et les conditions de protection des salariés, sachant que le droit de retrait est individuel et que la situation personnelle et l'état de santé de chaque salarié entre en compte pour apprécier ce droit", rappelle l'avocat spécialisé en droit social.

Vers un contentieux d'un nouveau genre ?

Un autre sujet d'inquiétude commence à se matérialiser dans les questions adressées aux avocat bordelais : l'éventuelle déclaration d'accident du travail si un salarié considère avoir été contaminé par le Covid-19 sur son lieu de travail.

"La situation est assez inédite d'un point de vue juridique", insiste maître Pagnac. "L'employeur a une obligation de moyens renforcés pour assurer la protection de ses salariés et si aucun dispositif n'a été mis en place, par exemple des parois en plexiglas pour les caissières, cela peut clairement poser question. A mon sens on se dirige vers un contentieux inédit autour de ces questions d'accident du travail et de reconnaissance de maladies professionnelles dans les mois qui viennent."

Pour l'heure, le ministère de la Santé indique que le Covid-19 ne sera reconnu comme maladie professionnelle de façon "automatique" que pour les personnels soignants.

Approbation des comptes et paiement des loyers

Du côté de l'Institut du droit des affaires du barreau de Bordeaux, présidée par maître Emmanuelle Regimbeau, la moitié de la centaine d'avocats adhérents sont également mobilisés et joignables à l'adresse [email protected]. Ce sont principalement des dirigeants de TPE et PME, des professions libérales et des auto-entrepreneurs qui ont sollicité leurs conseils. Deux problématiques remontent assez nettement chez les chefs de petites et moyennes entreprises, selon Emmanuelle Regimbeau :

"Il y a, d'une part, beaucoup d'interrogations sur le paiement, la suspension ou l'annulation des loyers et des baux commerciaux. La suspension des loyers n'est pas automatique contrairement à ce qui a parfois été compris et il faut regarder chaque contrat au cas par cas mais, dans tous les cas, la négociation amiable avec le bailleur est toujours à privilégier ! D'autre part, des chefs d'entreprises s'interrogent sur la possibilité et l'opportunité d'approuver leurs comptes d'ici le 30 septembre et éventuellement de verser des dividendes aux associés sachant que la visibilité de leur activité est souvent quasi nulle sur les prochains mois."

Enfin, au fil des semaines, de nouvelles craintes remontent quant aux conditions de la sortie de crise. "Les prêts d'urgence, les reports de charge sont une bonne chose mais ils ne fonctionneront que si l'activité reprend. Si ce n'est pas le cas, il va y avoir des fins d'année très difficiles pour beaucoup d'entreprises. C'est ce flou général qui inquiète de manière croissante", témoigne Emmanuelle Regimbeau avant d'insister sur l'importance d'aborder d'éventuelles difficultés le plus en amont possible sans attendre d'être en cessation de paiement. "Il y a des mesures préventives, des outils de conciliation, le mandat ad hoc, etc. Il faut s'en saisir !"

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