Pesticides : pourquoi la Gironde abrite les pires concentrations de traitements

L'association de recherche en transition agricole Solagro vient de publier une carte montrant les niveaux d'utilisation de pesticides dans les communes françaises. La Gironde se détache nettement comme le département le plus dépendant à ces produits, en lien avec une activité viticole dominante. La profession se défend en invoquant le haut taux de conversion en surfaces biologiques.
Maxime Giraudeau
La monoculture de la vigne implique une concentration accrue des traitements pesticides en Gironde comme le montre Solagro dans son étude.
La monoculture de la vigne implique une concentration accrue des traitements pesticides en Gironde comme le montre Solagro dans son étude. (Crédits : PC / La Tribune)

La carte de l'utilisation des pesticides en France publiée par Solagro constitue déjà une référence sur le sujet. Avec un croisement des données jamais opéré auparavant, l'association de recherche spécialisée sur l'agriculture et basée à Toulouse montre, commune par commune, comment les surfaces agricoles recourent aux pesticides selon leurs types de culture. La carte publiée le 22 juin a déjà eu un certain retentissement et une zone géographique se distingue en particulier : le département de la Gironde à cause du bassin viticole du bordelais.

carte pesticides solagro

La carte de Solagro montre, en vert, les communes qui ont le moins recours aux pesticides. (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Du Médoc jusqu'à Langon et aux confins de l'Entre-deux-mers, les communes girondines ont les couleurs les plus foncées du pays, traduisant un recours très élevé à une grande variété de produits pesticides. Ce niveau est retrouvé dans le vignoble du cognaçais ou autour de la vallée du Rhône, mais jamais de façon aussi généralisée sur un territoire. Logique puisque le vignoble bordelais est de loin le plus grand de France avec environ 110.000 hectares. L'indice de fréquence des traitements (IFT), l'indicateur retenu par Solagro pour mesurer la dépendance aux pesticides, est supérieur à 10 dans la majorité des communes concernées par les appellations des vins de Bordeaux.

carte gironde pesticides solagro

La vigne est la culture dominante dans la totalité des communes de Gironde en rouge foncé. (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Cet indicateur, utilisé par le ministère de l'agriculture dans ses enquêtes sur des cultures ciblées (céréales, vigne), n'avait jamais été agrégé en croisant l'ensemble des cultures au niveau national. Il est calculé selon le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d'une campagne culturale. Un IFT égal à 1 signifie qu'une matière active de traitement est utilisée par dose sur la surface étudiée en moyenne. Autrement dit, plus l'IFT est élevé, plus le nombre de produits utilisés par hectare est important. "S'il est de 10, cela veut dire qu'il y a eu, en moyenne, dix traitements différents à pleine dose sur l'ensemble des surfaces de la commune", indique Philippe Pointereau, co-auteur de la carte et de l'étude de Solagro.

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Développement relatif de la bio en Gironde

La coloration foncée du vignoble bordelais, en lien avec des IFT compris entre 5 et 18, s'explique par la prédominance de la vigne et en particulier par sa monoculture dans certaines communes. En effet, l'IFT prend en compte l'ensemble des cultures d'une commune et la diversification permet souvent de diminuer le recours aux pesticides. "En Gironde, on est vraiment dans un territoire de monoculture de la vigne, car c'est une production très rentable et parce que le terroir s'y prête. La vigne est une culture pérenne, contrairement à d'autres très utilisatrices en pesticides comme la pomme de terre qui est rarement la seule culture d'une commune. C'est ce qui fait que les communes de Gironde sont celles qui ressortent le plus", explique Philippe Pointereau.

Solagro dit avoir agrégé les IFT disponibles à l'échelon régional en croisant l'indicateur avec les données d'achat des produits de traitement, que tous les agriculteurs doivent déclarer. La carte reflète donc plutôt la réalité de l'approvisionnement en pesticides que leur véritable pulvérisation. Mais elle donne bien un état des pratiques agricoles et d'une transition encore balbutiante.

La Gironde demeure particulièrement exposée alors que des politiques volontaristes y sont désormais menées. Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, qui n'a pas souhaité commenter l'étude alors que se déroule ce week-end l'événement Bordeaux fête le vin, rappelle tout de même que la Gironde est le premier département pour la viticulture biologique en France. Selon l'étude 2019 de l'Agence bio, elle occupe effectivement la première position en termes de surface agricole totale (14.000 hectares) et de nombre de producteurs convertis (775 viticulteurs). Mais pas au regard du pourcentage de surfaces bios par rapport aux surfaces totales, où la Gironde tombe au fond du top 10 des départements. Au passage, le CIVB juge que la carte de Solagro est une "lecture raccourcie" du sujet global autour des pesticides.

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"Encourager les acteurs à agir"

Ce que reconnaissent en partie les auteurs de l'étude, qui mettent en avant deux indicateurs complémentaires. L'IFT ciblé sur l'usage des herbicides tout d'abord permet de voir les efforts réalisés par les bassins viticoles pour diminuer ce recours. Avec cet indicateur isolé, le vignoble bordelais passe du rouge foncé au vert. L'autre valeur proposée est celle de la part d'agriculture biologique dans les communes. Cette fois, très peu de bassins se démarquent en France alors que les parcelles biologiques ne représentent que 10 % de la surface agricole utile totale du pays.

Les scientifiques de Solagro veulent défendre une démarche constructive. "C'est un sujet sensible, mais nous savons qu'il y a beaucoup d'acteurs qui font des efforts et essayent d'appliquer le programme Ecophyto II pour réduire les pesticides. Pour nous, il s'agit d'encourager les acteurs à agir, pour passer du rouge, au orange puis au vert", fait valoir Philippe Pointereau à La Tribune. En Nouvelle-Aquitaine, le programme Vitirev prévoit de réduire à moins de 1 % la part des produits CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques) en 2030, contre plus de 14 % en 2018.

Dans le même temps, Vitirev prévoit que l'ensemble des exploitations viticoles du bordelais dispose de labels environnementaux. Rien qui ne signifie pour autant une baisse de l'usage global des pesticides, autorisés dans la certification Haute valeur environnementale par exemple, particulièrement promue par les instances professionnelles. Pourtant, l'Union européenne va demander des efforts particuliers puisqu'elle a réaffirmé ce 22 juin, sa volonté de diminuer de moitié l'utilisation des pesticides sur le continent d'ici 2030.

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Maxime Giraudeau

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