Mi-vélo, mi-voiture, ce véhicule électrique qui veut révolutionner la logistique urbaine

Le premier prototype de véhicule électrique mi-vélo, mi-voiture développé par l'entreprise angoumoisine Midipile est sorti des ateliers. Un nouveau né inclassable qui veut préfigurer une nouvelle catégorie de véhicules légers, propres et adaptés à la circulation en centre-ville. La startup se projette sur un développement calibré jusqu'en 2026 et fondé sur la location avec un défi majeur : parvenir à industrialiser sa production tout en la gardant ancrée sur son territoire.
L'équipe de Midipile a testé le prototype de son véhicule électrique ce jeudi 9 décembre à Saint-Michel, dans la banlieue d'Angoulême.
L'équipe de Midipile a testé le prototype de son véhicule électrique ce jeudi 9 décembre à Saint-Michel, dans la banlieue d'Angoulême. (Crédits : Maxime Giraudeau)

Elle tourne la petite musique. En boucle même. Celle de la neutralité carbone, promise par le gouvernement pour 2050 en France. "Attendez, se déplacer rien que pour aller chercher une baguette c'est consommer une quantité énorme d'énergie carbonée !", balaye Benoît Trouvé. Ne pas s'y tromper : le fondateur de l'entreprise angoumoisine Midipile croit bien en la mobilité décarbonée, "mais je ne vois pas comment, avec des innovations toujours plus coûteuses, on va diminuer les inégalités. La technologie à elle seule ne nous sauvera pas sur ce coup-là", recharge-t-il, plaidant pour aussi modifier et rendre accessibles nos usages en matière de mobilités.

C'est pour cette raison que le véhicule prototype sorti des ateliers de Saint-Michel, à quelques kilomètres d'Angoulême, ce jeudi 9 décembre se veut minimaliste. Une cabine conducteur, des panneaux solaires, un capot, une mini-benne à l'arrière, des batteries, le tout monté sur quatre roues pour un poids affiché à 100 kilos pile-poil avec un coût de production unitaire qui doit descendre, à terme, à 4.000 euros. Et l'essentiel : le prototype, d'une autonomie de 250 kilomètres, constitue un moyen de déplacement à l'usage neutre en carbone. Ça allait sans dire.

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Mais comment avance-t-on ? Grâce à un système de pédalage qui actionne les batteries, elles-mêmes alimentées par les panneaux solaires et qui vont propulser l'engin de Midipile jusqu'à 45km/h, s'il obtient l'homologation pour circuler sur la route. Le tout bien assis dans la cabine, façon automobiliste. "La forme d'un véhicule motorisé, avec le fonctionnement d'un vélo électrique", relie Benoît Trouvé. Dans son équipe d'une dizaine de forces vives, dont cinq sont salariés, tous échouent à qualifier l'engin roulant dans une catégorie de véhicule ou l'autre. Mais tous savent à quoi il va servir.

La nouvelle Mia electric ?

"Il y a un chaînon manquant dans la livraison du dernier kilomètre, entre le vélo cargo limité en chargement et les véhicules thermiques qui vont être de moins en moins présents en centre-ville", justifie Vincent Rumeau, cofondateur de Midipile, lancée en octobre 2020 depuis la pépinière d'entreprises Krysalide.

La startup va donc tenter de répondre aux besoins des entreprises de la logistique à domicile, qui s'accumulent aujourd'hui dans les ville-centre en quête de fluidité. Avec déjà des échéances dont "l'instauration des zones à faibles émissions, qui interdiront les vieux véhicules diesels dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants dès 2025". Benoît Trouvé a le contexte bien en tête et mise sur la transition qui va s'opérer.

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Le prototype peut accueillir une personne et se pilote comme une voiture, avec volant, pédales et vitesses. (Crédit Maxime Giraudeau)

Si ce 9 décembre 2021, la jeune pousse a les yeux qui brillent devant son prototype sorti de la maternité, elle doit encore appréhender la problématique de l'industrialisation de son bijou. Une phase particulièrement périlleuse en Nouvelle-Aquitaine comme ailleurs, et sur laquelle butte encore l'entreprise bordelaise Gazelle Tech et son véhicule ultra-léger.

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Et le parallèle s'impose inévitablement avec l'ancienne pionnière régionale Mia electric, la voiture produite dans le Poitou au tournant des années 2010, coulée par une structure industrielle disproportionnée et trop coûteuse. "Les décideurs s'étaient dit "on le fait et on verra". Mais dans l'industrie ça ne fonctionne pas comme ça. [...] Nous savons que le marché pour Midipile existe déjà", vise Benoît Trouvé, convaincu.

"On ne vendra jamais un seul véhicule"

Dix modèles de pré-série devraient sortir des ateliers de Saint-Michel en 2022, pour lancer la vraie production l'année suivante et atteindre plusieurs milliers d'unités rien que pour l'année 2025. Ça, c'est sur le papier. En juin dernier, Midipile disait aussi qu'elle trouverait son équilibre économique à partir du 250e véhicule commercialisé ; les calculs se sont révélés bien en-deça de la réalité. "Il faudra finalement avoir loué entre 1.000 et 2.000 unités pour atteindre l'équilibre" reconnaît le cofondateur, ancien de PSA. On parle donc de location ? Oui, car Midipile "ne vendra jamais un seul véhicule".

L'entreprise veut, par là, créer une rupture d'usage dans la mobilité. "Les véhicules ne seront pas en possession propre mais ils reposeront sur l'abonnement", expose Benoît Trouvé. Une façon de rendre plus flexible l'accès à la mobilité individuelle. Mais qui devra faire son chemin, à l'heure où la voiture se réinvente mais demeure un usage massifié.

Séduire les collectivités

Après avoir ciblé les acteurs de la logistique, sur un modèle BtoB, sa principale cible, Midipile s'attaquera au grand marché des particuliers urbains, en BtoC. Le prix de l'abonnement du véhicule, garanti 15 ans et qui pourra accueillir deux personnes ou plus selon les modèles, comprendra les frais de location, d'assurance et d'entretien.

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Benoît Trouvé, au centre, et son équipe ont accueilli les curieux venus découvrir le prototype. (Crédits : Maxime Giraudeau)

Avant cela, quelques grandes collectivités pourraient se montrer séduites par l'objet de curiosité, afin de désengorger leur métropole et répondre aux enjeux environnementaux. Vous la voyez venir cette capitale régionale qu'on n'ose pas nommer ? "Oui, Bordeaux Métropole, contrairement à il y a quelques années, est capable de mener une expérimentation aujourd'hui", confie Benoît Trouvé, laissant entendre un accord pas encore finalisé mais des discussions bien engagées.

La pépite reste attachée à ses terres d'origine, où elle veut ancrer sa production, tout en "redonnant de l'emploi local au bassin d'Angoulême". Quête ambitieuse pour un moment certainement propice mais toujours soumis à un marché de grands acteurs internationaux, où la boîte régionale va devoir se faufiler. Plutôt commode avec son micro-bolide.

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Commentaires 4
à écrit le 10/12/2021 à 9:41
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t'achetes un vehicule pour aller acheter ton pain et ta boite de conserve!!! wow, ya que des ecolos pour raisonner comme ca!! aller chercher le pain on peut aussi y aller en velo ou a pied, non? et pour les autres courses on va pas acheter expres un ...

à écrit le 10/12/2021 à 8:43
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"une dizaine de forces vives" : Quel langage abscons !

à écrit le 10/12/2021 à 8:11
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""Attendez, se déplacer rien que pour aller chercher une baguette c'est consommer une quantité énorme d'énergie carbonée !"" C'est surtout que quotidiennement avec la flambée du prix de l'essence ça fini par couter un bras. Une bonne idée mais je sui...

à écrit le 09/12/2021 à 19:06
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Félicitations, enfin quelque chose de raisonnable et qui peut être utile. Deux places, avec deux pédaliers et une petite batterie (et une forme un peu plus aréodynamique) et en location, cela permet de se déplacer en faisant du tourisme (après avoir ...

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