Sense4data, le discret concepteur d'IA qui veut lancer 100 startups

C'est une société qui recrute des profils parmi les plus talentueux dans la data science mais qui n'a jamais fait parlé d'elle. Les cerveaux de Sense4data, basés à Talence, sont focalisés sur une grande ambition : lancer 100 startups dotées d'une Intelligence artificielle de pointe d'ici 2034. L'une d'elles doit valoriser la biodiversité et vient d'être soutenue par la Région.
Maxime Giraudeau
Les data scientists de Sense4data planchent sur la conception d'algorithmes.
Les data scientists de Sense4data planchent sur la conception d'algorithmes. (Crédits : MG / La Tribune)

« Chez nous, si tu n'aimes pas les maths, ça va être compliqué. » Quand ce sont des férus de la data qui butent depuis deux ans sur un algorithme qui vous disent ça, la phrase relève de l'euphémisme. Sense4data est une startup qui détonne au moins deux fois. D'abord parce que son obsession renvoie au perfectionnement de ses produits logiciels, à tel point qu'elle n'a toujours pas levé de fonds en cinq ans d'existence, demeurant cantonnée à 20 salariés. Ensuite car il n'y a pas de trace d'elle dans les médias. Même pas une stratégie de communication.

« On ne communique pas car on se concentre sur notre métier. Ce qui nous passionne, c'est résoudre des problèmes », justifie Maxime Girard, directeur marketing. Lui-même n'est pas un expert de la data à l'origine. Mais ce diplôme en marketing de l'Inseec à Bordeaux, a lancé son propre chatbot en 2016. Les cerveaux de Sense4data sont brillants, à la pointe de l'intelligence artificielle, mais un peu farouches. Ils officient à Talence, commune limitrophe de Bordeaux, dans un mini-château en pierre qui abrite arcs brisés et vitraux. Comme une tour de geeks.

100 problèmes à résoudre

La société créée en 2018 par Sami Najim, vrai data scientist de métier, a emménagé début mai dans cette bâtisse de 400 mètres carrés, à proximité immédiate de la gare Médoquine qui sera desservie par le RER Métropolitain. Sense4data y développe des produits logiciels, basés sur l'Intelligence artificielle, capables de traiter des volumes de données abyssales pour des domaines d'application tout aussi variés : ressources humaines, sport, optimisation des coûts des entreprises...

« Quand un client vient nous voir pour une prestation, nous réalisons un audit de sa donnée : comprendre son volume, sa valeur, savoir si on peut l'agréger. C'est le travail des data scientists. La deuxième étape est de comprendre les contraintes mathématiques pour être capable d'améliorer la performance du traitement de la donnée. La dernière étape, c'est la preuve de concept », déroule Maxime Girard.

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La dernière en date s'intitule Oak, une application dédiée aux ressources humaines qui conseille les salariés selon leur souhait d'évolution de carrière, en les orientant vers des formations ou des offres d'emploi pertinentes. Elle référence à ce jour 40.000 profils principalement en France. Ce n'est là qu'un seul exemple de la centaine de spin-offs que Sense4data compte lancer dans les prochaines années. 100 startups, ou « plutôt 100 gros problèmes à résoudre », dans lesquelles le laboratoire data veut à chaque fois embarquer une entreprise au capital pour développer l'approche utilisateur. Un défi d'autant plus colossal que les perspectives s'assombrissent pour le financement des startups, entre plus grande exigence des investisseurs et vagues de licenciements.

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Une levée de fonds, enfin ?

Si la startup bordelaise n'a lancé que trois projets de la sorte pour le moment, ce modèle semble déjà lui réussir puisqu'elle revendique une rentabilité consolidée. Alors qu'elle était jusqu'ici autofinancée, Sense4data vient d'être soutenue à hauteur de 300.000 euros par la Région Nouvelle-Aquitaine pour développer une de ses futures spin-offs, dédiée au recensement de la biodiversité. « Nous voulons aider les entreprises à intégrer la biodiversité dans leur RSE. L'application organisera une collecte participative de données scientifiques. Des grandes entreprises de la région bordelaise sont déjà intéressées », annonce Maxime Girard, sans donner de nom. Le soutien public va leur permettre de lancer la phase R&D de façon accélérée, en collaboration avec le centre technologique et universitaire Catie.

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Chaque nouvelle spin-off mise en développement part d'un besoin client. Et l'équipe veut compter sur ses connaissances techniques qui peuvent servir à la base de toute nouvelle application. Mais face à une ambition immodérée - qui revient à lancer en moyenne dix startups par an - Sense4data doit envisager un redimensionnement à la hausse. Son dirigeant Sami Najim mène actuellement un roadshow financier pour boucler une levée de fonds avant la fin de l'année. Le but : recruter encore des profils de haute volée pour gagner du temps dans la résolution des problèmes algorithmiques.

« Ces profils sont très difficiles à trouver et à faire venir à Bordeaux. On recrute à l'Enseirb-Matmeca mais ça ne suffit pas », reconnaît Maxime Girard. La conquête des talents comme juge de paix dans un domaine où la réussite technologique est la clé de voute du modèle économique.

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Maxime Giraudeau

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