E-santé : Synapse Medicine lève 7 millions d'euros et rêve d'Europe

Spécialisée dans l'information médicamenteuse et désormais positionnée comme fournisseur des plateformes de télémédecine, la startup bordelaise Synapse Medicine vient de lever sept millions d'euros notamment auprès de la MACSF. L'objectif est de gagner du temps pour aller décrocher des contrats européens puis américains et japonais. Une stratégie de croissance accélérée parfaitement assumée par son cofondateur et CEO Clément Goehrs, qui annonce 20 recrutements à Bordeaux.
L'équipe de Synapse Medicine est basée dans le centre-ville de Bordeaux.
L'équipe de Synapse Medicine est basée dans le centre-ville de Bordeaux. (Crédits : Synapse Medicine)

Et sept qui font près de dix millions d'euros ! Après les 2,5 millions d'euros levés en mars 2019, la startup bordelaise Synapse Medicine a conclu un second tour de table en février 2020, quelques semaines à peine avant le confinement. "Cette deuxième levée de fonds s'est bouclée en moins de dix semaines autour de la MACSF [Mutuelle d'assurance du corps de santé français, qui emploie 1.500 collaborateurs pour 2 Md€ de chiffre d'affaires et assure plus d'un million de sociétaires et clients], de nos deux investisseurs précédents X-Ange et BNP Paribas développement, de Nicolas Dessaigne (co-fondateur d'Algolia) et avec le soutien sans faille de Bpifrance et de la Région Nouvelle-Aquitaine", annonce Clément Goehrs, le CEO de Synapse Medicine, ce lundi 6 juillet.

Favoriser le bon usage des médicaments

Créée en juin 2017 par un duo de jeunes médecins, Clément Goehrs et Louis Letinier, et un ingénieur, Bruno Thiao-Layel, Synapse Medicine et ses vingt collaborateurs sont basés à Bordeaux, à deux pas de la place Gambetta. Et alors que les mauvais usages du médicament en France entraînent 30.000 décès et 150.000 hospitalisations chaque année, contre 30.000 morts et 130.000 hospitalisations liés au Covid-19 au 1er semestre 2020, cette startup a choisi un créneau bien particulier de la e-santé : l'information médicamenteuse. Il s'agit de faciliter l'accès à cette information pour favoriser le bon usage des médicaments dans un contexte où la production de littérature scientifique, médicale et médicamenteuse s'accélère à un rythme exponentiel. "Autrement dit, on aide le médecin à prescrire les bons médicaments, le pharmacien à les délivrer et le patient à les prendre", résume Clément Goehrs. "Grâce à nos algorithmes, on traite plusieurs dizaines de milliers de prescriptions chaque mois avec plusieurs milliers de professionnels de santé qui utilisent nos outils et ça augmente chaque semaine !"

Plus concrètement, Synapse Medicine permet aux professionnels de santé de rechercher sur sa plateforme Saas "des informations fiables et actualisées sur les médicaments et leurs interactions, d'analyser des ordonnances en temps réel et de sécuriser les traitements médicamenteux." Le tout avec un modèle hybride entre le BtoB et le BtoC. "L'immense majorité de nos utilisateurs utilise des versions gratuites de notre solution. Nous nous adressons à la fois aux médecins et pharmaciens et au grand public. En revanche, on s'appuie plus particulièrement sur trois sources de revenus : les mutuelles et les groupes de pharmaciens, qui souhaitent fournir à leurs adhérents nos services autour du bon usage du médicament et, surtout, les plateformes de télémédecine qui utilisent nos composants et briques d'analyses dans leurs outils", développe le CEO, qui a fait de ce dernier marché son principal levier de développement depuis quelques mois.

La télémédecine en France, en Europe et au-delà

"La plupart des plateformes de télémédecine françaises intègrent désormais nos outils. On a été capable de les signer en moins d'un an et c'est un secteur qui est très porteur dans le contexte actuel", atteste Clément Goehrs alors que Synapse Medicine propose à chaque fois des services sur-mesure.

"Plus que jamais, la crise du Covid-19 a montré qu'il y a un besoin fondamental partout dans le monde d'une information médicale et médicamenteuse fiable, transparente et à jour. Notre enjeu en interne est donc de savoir comment on automatise au maximum nos processus, comment on les rend le plus transparent possible pour l'utilisateur, tout particulièrement sur la source et l'origine de nos données", développe Clément Goehrs.

Clément Goehrs

Clément Goehrs, le CEO et cofondateur de Synapse Medicine (crédits : Synapse Medicine).

"Aujourd'hui, nous avons une position de leader sur le marché de la prescription pour les plateformes de télémédecine en France. Notre objectif avec ces 7 M€ est clairement d'aller rapidement sur l'ensemble de l'Europe puis sur les Etats-Unis et le Japon", ambitionne le chef d'entreprise avant d'expliciter ce recentrage vers le vieux continent :

"Les Etats-Unis et le Japon restent nos grosses priorités à l'international et nous avons d'ailleurs un collaborateur à San Francisco et un autre au Japon en fin d'année mais nous avons décidé de nous concentrer d'abord sur l'Europe. D'autant que, soyons clair, ce n'est pas avec 7 millions d'euros que l'on peut partir conquérir les Etats-Unis ! Le problème de l'Europe est connu : c'est la multiplicité des langues, des systèmes de santé et des réglementations mais, en revanche, on s'est rendu compte que les besoins et les outils de télémédecine étaient très proches dans tous les pays européens et il y a donc clairement un marché prometteur pour Synapse à condition d'y aller très rapidement", observe Clément Goehrs.

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Une stratégie assumée de levée de fonds

Et c'est justement ce facteur temps qui est au cœur de la stratégie d'augmentation de capital initiée par les dirigeants de Synapse Medicine et qui pourrait appeler un 3e tour de table assez rapidement :

"Je ne suis vraiment pas un fanatique de la levée de fonds mais pour développer son entreprise il faut choisir une stratégie et être cohérent avec cette stratégie. En l'occurrence, ces levées de fonds successives servent à acheter de la vitesse, à acheter du temps. On peut choisir d'avoir une croissance progressive ou on peut choisir d'aller très vite à un moment donné parce qu'il y a une fenêtre de tir. Nous nous avons choisi cette deuxième option", analyse Clément Goehrs.

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L'enjeu désormais pour la startup est de piloter un développement à marche forcée tout en conservant un objectif de rentabilité à portée de main le moment venu. "Notre modèle est fondé sur une solution Saas qui nous assure des revenus mensuels récurrents dans le cadre de contrats pluriannuels. En termes d'outils de pilotage, c'est extrêmement confortable car cela nous permet de tracer des courbes de revenus face à nos courbes de dépenses et donc de prévoir assez précisément le moment où l'on souhaitera atteindre la rentabilité ou, au contraire, à nouveau accélérer", détaille le chef d'entreprise.

Vingt recrutements à Bordeaux

Dans l'immédiat, l'entreprise devrait grimper à 40 salariés d'ici fin 2020, ce qui équivaudra à un triplement de l'effectif en 18 mois. "On va créer une vingtaine d'emplois à Bordeaux d'ici la fin de l'année avec des profils assez internationaux et des compétences commerciales et marketing. On reçoit déjà beaucoup de candidatures spontanées avec de très beaux profils dont les trois quarts ne sont pas de la région. Signe aussi que la place de Bordeaux en matière de e-santé est de plus en plus reconnue au niveau national", se félicite Clément Goehrs, qui se montre également très optimiste quant aux chances de l'Europe face à l'hégémonie des Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple).

"J'ai trouvé les Gafa remarquablement absent pendant la crise sanitaire. Ce ne sont pas eux qui nous ont sauvés du Covid-19, ce sont les médecins, les infirmières et les soignants dans les hôpitaux ! Je pense que, d'une manière générale, les gens ne veulent pas voir les Gafa venir sur le terrain de la santé. L'Europe rattrape son retard dans les grosses levées de fonds quand il y a des beaux projets à défendre et, parallèlement, les Etats-Unis voient leur propre système de santé bousculé par la pandémie. Donc je suis convaincu qu'il y a une place pour les entreprises européennes pour construire un ou des géants dans le monde de la santé. L'année 2020 a vu une crise sanitaire sans précédent. Mais c'est chaque année que des centaines de millions de personnes ont besoin de notre technologie. Il y a urgence . Allons-y !"

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Un discours qui a convaincu les dirigeants de la MACSF : "Fondée par deux médecins, disposant d'une équipe pluridisciplinaire solide aux ambitions internationales, d'un leadership et d'une technologie très innovante sur les marchés dynamiques de la téléconsultation et de la prescription, Synapse Medicine dispose de tous les atouts pour créer un champion mondial de la e-santé dans les années à venir", juge ainsi Stanislas Subra, le responsable des investissements en capital-risque à la MACSF.

D'autant que l'interface grand public développée en 72 heures par Synapse Medicine mi-mars pour informer sur les interactions médicamenteuses avec le corononavirus a totalisé 800.000 utilisateurs, devenant ainsi le 1er site de conseil du médicament face au Covid-19. « C'est un cas d'usage qui n'arrive qu'une fois dans une vie et qui a été un facteur d'évangélisation énorme. Les outils de télémédecine ont rendu service à des millions voire des dizaines de millions de Français. Et si 100 % des nouveaux utilisateurs ne resteront pas, il y a un pourcentage très important qui continuera tant côté médecins que patients », analyse Clément Goehrs, qui participe également au vaste essai clinique Coverage avec le CHU de Bordeaux et l'Inserm.

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