« Aux halles d'Armagnac on pourra venir travailler, manger, boire des coups, écouter de la musique, voir des spectacles, venir avec les enfants ! ». Voilà le projet mené par Antoine Braud, président de l'association Petite Lune et chef de file du projet avec le collectif d'architecte Cancan et sept autres structures (*).
6.000 m2 à exploiter
« 6.000 m2 à exploiter c'est assez extraordinaire, c'est hors norme à Bordeaux ! », déclare Lionel Boutin directeur adjoint de SNCF Immobilier Nouvelle-Aquitaine. Fin 2022, la filiale du groupe ferroviaire a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour la mise à disposition de ces halles peu ou pas utilisées depuis dix ans. Début 2023, deux visites sont organisées et font émerger des besoins complémentaires parmi les candidats. Un collectif se dessine et formule une proposition commune donnant lieu à une étude de faisabilité. « Pendant les six mois d'études, on a réussi à faire rentrer tout le monde dans le bâtiment, à trouver les astuces réglementaires pour découper le bâtiment en zones permettant de cumuler un certain nombre d'activités qui ne sont pas forcément évidentes », révèle Antoine Braud.
Lionel Boutin précise que « le projet est en phase de finalisation, permettant aux acteurs de recevoir des financements ». En effet, un comité de pilotage est prévu le 9 février avec la Région, la ville de Bordeaux, la Métropole, le Département et d'autres institutions comme la Banque des territoires, pour présenter le projet dans le but de recueillir des accompagnements. « Aujourd'hui, ce qu'il nous faut c'est mobiliser l'ensemble des partenaires publics pour nous accompagner et notamment financièrement, on l'espère, dans la réalisation de ce projet », confie le président de Petite Lune.
La halle d'Armagnac s'étend sur 6.000 m2 au sud de la gare Saint-Jean (crédits : Sacha Gaudin / LT).
Les porteurs du projet espèrent un début des travaux en 2024, qui seront « le plus sobre possible » d'après Lionel Boutin. Une enveloppe de 400.000 euros a d'ores-et-déjà été accordée par la SNCF pour adapter le bâtiment aux besoins du collectif. L'ouverture au public est attendue courant 2025.
Une démarche d'urbanisme transitoire
SNCF Immobilier détient aujourd'hui environ 30.000 hectares de foncier dans toute la France. La filiale immobilière a donc misé sur l'urbanisme transitoire. C'est le cas à Paris, notamment à Bercy, à Lyon ou encore à Strasbourg. Pour François-Xavier Leuret, professeur à l'Institut d'aménagement, de tourisme et d'urbanisme de l'Université Bordeaux Montaigne, l'urbanisme transitoire c'est « utiliser des espaces de façon temporaire sans présager de sa destination finale ». Dans le cadre de la valorisation de ses actifs, SNCF Immobilier dissocie les bâtiments utiles et inutiles à l'activité ferroviaire. Ensuite, une réflexion est portée avec les collectivités sur le type de projet qui pourrait être mené, soit une cession, soit une location.
En l'occurrence les projets bordelais concernent la location. L'ambiguïté se trouve dans la durée car selon François-Xavier Leuret, « tout propriétaire a toujours une crainte que cet urbanisme transitoire gèle sa capacité à rebondir sur un projet qu'il pourrait y avoir derrière ». Pour les halles d'Armagnac, la durée de mise à disposition du collectif sera de huit ans. Difficile de voir plus loin pour Lionel Boutin : « Huit ans c'est long ! Au-delà on ne sait pas s'il faudra qu'on fasse revenir les halles dans l'activité ferroviaire. S'il y a une opportunité de prolongation, on viendra toujours la questionner [...] C'est du pragmatisme pour éviter de faire des fausses manœuvres par rapport aux besoins ferroviaires parce qu'après c'est toujours couteux de revenir en arrière. »
Pour l'heure à Bordeaux, le bâtiment 33, ancien guichet de fret dans le quartier Belcier vient, lui aussi, de trouver son repreneur début janvier. Le prochain projet de ce genre en Nouvelle-Aquitaine devrait concerner une ancienne halle ferroviaire à Niort (Deux-Sèvres) pour laquelle une réflexion est en cours avec la collectivité. Le lancement d'une consultation est espéré avant l'été.
Zone Fluo a été désignée lauréate de l'appel à projet concernant le bâtiment 33, ancien guichet de fret dans le quartier Belcier à Bordeaux. Décrit comme un tiers-lieu populaire et créatif, il abritera le mouvement de la culture maker. Ce courant ne rentre pas dans une case : il s'attache à pratiquer toutes les disciplines qui touchent à la création avec des éléments du quotidien dans un esprit d'apprentissage. Cinq pôles ouvriront un à un à partir de janvier 2024, un espace d'établis partagés, un fablab, une boutique, une programmation culturelle et un café-cantine. L'association Zone Fluo pourra profiter durant huit ans de ce bâtiment mis à disposition par SNCF Immobilier.
(*) Le collectif réunit Petite Lune (concepteur et opérateur de tiers-lieux), La Boucle (ressourcerie), Cmd+O : « Commando » (collectif d'architectes scénographes), Brasserie tête haut (brasserie et restaurant social, solidaire et inclusif), Renée (recyclage et réparation), l'Alternative urbaine Bordeaux (tourisme pédestre), Le Fournil partagé et La Recyclerie sportive (réemploi)
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