Adapter les logements au vieillissement et au handicap, l'autre priorité des bailleurs sociaux

Perte d'autonomie, troubles psychiques ou handicaps moteurs : confronté au vieillissement de la population, les bailleurs sociaux ont un besoin urgent d'adapter leur parc immobilier, tout particulièrement en Nouvelle-Aquitaine, région la plus âgée de France métropolitaine. Et face à l'ampleur du chantier, les organismes HLM combinent solutions numériques, travaux d'adaptation et accompagnement humain.
Le bailleur social girondin Mésolia vient d'inaugurer la résidence Les Augustins, à Bordeaux, qui est dédié à l'accueil des personnes atteintes de troubles psychiques.
Le bailleur social girondin Mésolia vient d'inaugurer la résidence Les Augustins, à Bordeaux, qui est dédié à l'accueil des personnes atteintes de troubles psychiques. (Crédits : Mésolia)

Le grand écart. « Alors que 90 % des Français déclarent vouloir vieillir chez eux, seulement 6 % du parc de logements est aujourd'hui adapté au vieillissement à domicile ! » pointe Alexandre Petit, le fondateur et directeur général d'Alogia Groupe. Créée il y a bientôt dix ans, l'entreprise bordelaise commercialise des solutions pour aider les bailleurs sociaux à résoudre cette équation a priori insoluble : « Les bailleurs ont des milliers de locataires âgés dans leurs logements mais il leur est impossible d'aller tous les rencontrer un par un ! » D'autant plus en Nouvelle-Aquitaine qui compte la part la plus élevée de seniors de France métropolitaine avec 32 % de 60 ans et plus. Une réalité qu'Emmanuel Picard, le directeur général de l'entreprise sociale de l'habitat Mésolia, connaît par cœur :

« Nous avons aujourd'hui 5.000 seniors de plus de 65 ans, ils seront 10.000 dans dix ans ! Il est donc indispensable de travailler sur le bien vieillir à domicile alors même que l'on a observé chez les seniors un taux de 70 % de non recours aux aides disponibles. »

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Prioriser les besoins des locataires

Déjà confrontés au double défi de la construction neuve et de la réhabilitation thermique de l'existant, les bailleurs sociaux doivent aussi anticiper le vieillissement programmé de la population française. De 9,5 % actuellement, les plus de 75 ans représenteront 12,5 % de la population en 2030, soit 8,5 millions de personnes, avant d'atteindre 18 % autour de 2070, soit plus de douze millions de personnes. « Le sujet est déjà pris en compte : aujourd'hui, la totalité des 56 organismes HLM de Nouvelle-Aquitaine a pris des mesures pour travailler sur le bâti et l'accompagnement des seniors », cadre Muriel Boulmier, la présidente de l'Union régionale HLM.

Eneal, la foncière médico-sociale du groupe Action Logement, basée à Bordeaux, fait figure de référence mais Mésolia, s'est aussi saisi du sujet au sein de son parc de 22.000 logements dont la moitié est située à Bordeaux Métropole. Avec l'ambition affirmée d'en faire un marqueur de son nouveau plan stratégique au sein du groupe Soïkos : « On se projette sur dix ans pour envisager l'évolution de nos métiers dans le service rendu aux locataires, particulièrement pour les publics spécifiques tels que les seniors ou les personnes souffrant de handicap moteurs ou psychiques », présente Emmanuel Picard. Il prévoit de construire 800 logements neufs par an en moyenne dont 600 logements locatifs sociaux, 100 logements en bail réel solidaire et 100 logements spécifiques.

Le bailleur girondin a notamment utilisé la solution d'Alogia permettant de proposer gratuitement aux locataires « un diagnostic de performance d'autonomie et une présentation des aides disponibles » à partir d'une série de question simples. Mais Alogia va aujourd'hui plus loin avec un nouvel outil baptisé Reveal Care permettant aux bailleurs de prioriser les besoins au sein de leurs milliers de locataires seniors. « On récupère a minima l'âge, le sexe et l'adresse des locataires mais ça peut aussi être la composition et les revenus du foyer et la surface du logement. On croise ensuite tout cela avec nos algorithmes géolocalisés pour identifier six déterminants du bien vieillir à domicile », développe Alexandre Petit. « C'est une aide à la décision permettant, par exemple, d'identifier les 10 % de seniors les plus à risque. Dans la moitié des 100.000 cas analysés jusqu'à présent, le critère de l'âge n'était pas le plus pertinent pour mesurer le besoin d'accompagnement ! » Alogia vise également le marché privé en lien avec le dispositif « Ma Prime Adapt » qui sera lancé début 2024 pour financer l'adaptation de 680.000 logements privés d'ici 2032.

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Le cadre bâti et l'accompagnement humain

Mais les outils numériques, aussi efficaces qu'ils soient, montrent leurs limites auprès d'un public à la fois modeste et âgé. « En complément, nous allons déployer une Agence senior avec un interlocuteur téléphonique unique pour toutes les problématiques liées à l'âge », précise ainsi Emmanuel Picard. Car l'enjeu est bien d'allouer des ressources humaines et financières limitées aux bonnes personnes. Cela peut se traduire par des aménagements du domicile, des travaux plus lourd ou un déménagement dans un logement plus adapté. D'autant que, comme le rappelle Muriel Boulmier, « le sujet du vieillissement à domicile doit s'appréhender dans sa globalité : l'accessibilité des espaces et transports publics, l'aménagement du logement et l'accès aux soins. »

D'ici 2025, le groupe Soïkos veut convertir la moitié de ses programmes neufs à son propre label « Mon logement santé » qui comprend 20 engagements. Et plusieurs sites expérimentaux sont déjà déployés. Mésolia dispose ainsi d'une douzaine de logements pour des personnes à mobilité réduite au sein de la résidence Ardillos, à Mérignac, et vient d'inaugurer à Bordeaux une résidence de 25 studios « pour accueillir des locataires atteints de troubles psychiques, isolés et en situation de précarité ». En plus de la localisation et des espaces collectifs intérieurs et extérieurs, un accompagnement humain est prévu avec l'association spécialisée Les Cités Caritas, l'hôpital psychiatrique Charles Perrens et le Service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés de Gironde.

Toujours dans cette logique, Mésolia construit 150 logements adaptés aux besoins des personnes autistes à Bruges, près de Bordeaux, et prépare deux expérimentations à Bassens et Carbon-Blanc, toujours dans la métropole bordelaise. L'idée est de démolir et reconstruire deux résidences pour personnes âgées pour y proposer des logements adaptés mais aussi des personnels soignants et médicaux pour les locataires de Mésolia et tous les habitants du quartier, en lien avec les centres communaux d'action sociale. « Mais le modèle économique de ces résidences autonomie est encore en discussion avec les communes pour savoir qui fait quoi et qui finance quoi », précise Emmanuel Picard, qui organise une « conférence des partenaires » sur le sujet le 21 novembre à Bordeaux.

D'autres modèles sont aussi testés dans la région à l'instar des deux colocations seniors créées au Pays basque par le COL et l'association Gurekin ou encore celles développées à plus grande échelle par Domani et CDC Habitat en Gironde et ailleurs.

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