Décret tertiaire et pénurie d'entrepôts : les défis de l'immobilier d'entreprise à Bordeaux

« Un très bon trimestre pour le bureau ! » Tout juste élu président de l'Observatoire de l'immobilier d'entreprise de Bordeaux Métropole (OIEB), Alexandre Cieux fait le point dans La Tribune sur le marché bordelais. Entre la « situation catastrophique » du marché des entrepôts neufs, l'essor du coworking et l'impact croissant du décret tertiaire sur le stock de bureaux, l'agglomération fait face à d'importants défis.
Le campus de 6.000 m2 de Ionis Group, cours du Médoc, à Bordeaux, est la plus grosse opération tertiaire du premier trimestre 2023 dans l'agglomération bordelaise.
Le campus de 6.000 m2 de Ionis Group, cours du Médoc, à Bordeaux, est la plus grosse opération tertiaire du premier trimestre 2023 dans l'agglomération bordelaise. (Crédits : Ionis Group)

À 43 ans, le nouveau président de l'Observatoire de l'immobilier d'entreprise de Bordeaux Métropole (OIEB) est bien connu de l'écosystème local. Après 15 ans chez CBRE à Bordeaux, Alexandre Cieux a rejoint Blue Mercure en avril dernier pour devenir directeur associé pour le Sud-Ouest de ce nouvel acteur de l'immobilier tertiaire. Déjà vice-président de l'observatoire depuis 2016, il en a été élu président début juin pour un mandat de trois ans, prenant la suite de Valéry Carron.

« Un très bon trimestre pour le bureau »

Et il entend notamment profiter de ce mandat pour améliorer la prise en compte des espaces de coworking dans les statistiques de l'OIEB. Encore émergent il y a cinq ans, le phénomène du bureau partagé s'est en effet imposé dans les usages des entreprises de toutes tailles avec désormais 24 lieux de plus de 1.000 m2 dans l'agglomération bordelaise.

« Ces derniers mois, le marché des bureaux est tiré par les écoles d'enseignement supérieur, à l'instar de Ionis Groupe qui signe la plus grosse opération du début d'année, et par le coworking », observe Alexandre Cieux pour La Tribune. « La façon de consommer les bureaux a changé avec l'essor du coworking qui pèse désormais 3 % du total des surfaces de bureaux à Bordeaux Métropole, sans compter les tiers-lieux. Cette part a doublé en trois ans pour représenter plus de 100.000 m2 de bureaux dans l'agglomération ! Il nous faut être capables de mieux la suivre et l'analyser. »

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Sur le reste du marché du bureau, qui compte plus de 3,2 millions de m2, la prudence reste de mise pour l'année 2023 même si le début d'année est rassurant. « C'est un très bon premier trimestre avec une demande placée de 40.500 m2, en hausse de 33 % par rapport à 2022. On a un bon démarrage des petites et moyennes surfaces de moins de 500 m2 qui représentent 75 % des transactions et une seule opération de plus de 2.000 m2 avec le campus de Ionis », détaille Alexandre Cieux. La ville de Bordeaux et le secteur Euratlantique continuent à truster les deux tiers de l'offre nouvelle.

Alexandre Cieux

Alexandre Cieux, le nouveau président de l'OIEB (crédits : Philippe Labeguerie)

Mais alors que les opérations de réhabilitation lourde de bâtiments anciens sont de plus en plus nombreuses à l'instar du 10, allées Tourny, en plein centre, ou du siège d'Alpes Contrôle, à Bordeaux Lac, une inquiétude surgit sur une partie du stock de bureaux.

Des passoires thermiques en stock

« L'offre disponible à un an est assez élevée à 209.000 m2 mais, sur le neuf avec 67.000 m2, cela correspond à un an de consommation donc il n'y a pas d'inquiétude. Le bémol ce sont les bureaux de seconde main en première couronne de Bruges à Pessac en passant par Mérignac. C'est une offre qui lorsqu'elle n'est pas rénovée a du mal à trouver preneur », explique Alexandre Cieux qui met en garde sur l'impact croissant du décret tertiaire sur la valeur de ces biens. Le stock de bureaux de seconde main ne cesse ainsi de croître et a même bondi de 72 % depuis 2018 passant de 83.000 m2 à 142.000 m2 début 2023. 40 % du stock est situé au nord et à l'ouest de la métropole.

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Entré en vigueur en 2019, le décret tertiaire impose des obligations croissantes de réduction des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires d'ici 2030 puis 2050. Un mécanisme, qui à l'image de l'interdiction des passoires thermiques sur le marché du logement, pénalisera progressivement la valeur des biens les moins performants. « C'est le plus gros sujet du moment pour tous les acteurs du marché parce que cela va entraîner des travaux parfois très lourds d'ici 2030 », prévient Alexandre Cieux. « Les immeubles énergivores doivent être rénovés rapidement sinon ils risquent d'être vendus à moindre prix car pas commercialisables en l'état ! »

Mais ces obligations ne concernent bien évidemment pas que Bordeaux et suscitent donc une forme d'attentisme des investisseurs institutionnels contraints d'arbitrer le calendrier des rénovations au sein de l'ensemble de leur parc français.

Les entrepôts ont disparu

Du côté des entrepôts, la situation est plus tranchée. « La demande placée devient catastrophique en Gironde ! », résume Alexandre Cieux. Le marché fait face à un vide avec une absence totale d'offre neuve pour la deuxième année consécutive pour les entrepôts de moins de 5.000 m2 et pour la troisième année pour les surfaces de plus de 5.000 m2.

« Il y a zéro entrepôts neufs dans la Métropole et seulement une poignée en compte propre en Gironde. Cela devient très pénalisant pour le territoire qui assume de refuser les entrepôts logistiques. De plus, les entrepôts logistiques banalisés, c'est-à-dire financés par des investisseurs mais sans connaître le nom de l'entreprise locataire, sont refusés par les Dreal faute d'étude d'impact suffisamment précise », commente le président de l'OIEB. Il invite pourtant les pouvoirs publics à « élaborer une réponse coordonnée et cohérente aux besoins logistiques au risque d'installer les entrepôts toujours plus loin entraînant des trajets toujours plus longs et une empreinte carbone qui s'alourdit.. ».

Les ambitions de l'OIEB

Deux nouveaux membres - Nathalie Le Bolc'h (CBRE), Fabrice Jolivet (Tourny Meyer) - rejoignent le bureau de l'OIEB composé de Jessica Cooper (Cushman & Wakefield), Cédric Chaignaud (Collliers), Valery Carron (BNP Real Estate), Benoît Chausi (Bordeaux Euratlantique), Jean Dumesnil (Ingerop), Laurent Putz (CCI Bordeaux Gironde), Stéphane Loussouarn (Bordeaux Métropole), Simon de Marchi (Altae) et Alexandre Cieux (Bleu Mercure). Pour ce nouveau mandat, l'ambition est de renforcer la production d'études trimestrielles sur les bureaux, locaux d'activité et entrepôts et la présence au Simi, à Paris, et au Mipim, à Cannes. La prochaine rencontre dédiée aux investisseurs se tiendra à Bordeaux début 2024. L'OIEB va également relancer une série d'évènements pour faire vivre son réseau d'une centaine d'adhérents et relancer les voyages d'études qui existaient avant le Covid. Le premier scrutera le Grand Paris.

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