Zéro déchet : ces entreprises qui veulent en finir avec les produits hygiéniques jetables

Après plusieurs années de R&D, il reste à lancer la phase d’industrialisation pour l’une, à passer à la grande échelle pour l’autre. À Bordeaux, Mundao a développé une couche compostable (Popotine) et WD Protection une serviette hygiénique lavable et réutilisable dans le Lot-et-Garonne. Entre participer à une réduction des déchets et œuvrer pour l’inclusion, ces deux entreprises s’engagent dans le secteur du textile sanitaire.
L'atelier de WD Protection dans le Lot-et-Garonne.
L'atelier de WD Protection dans le Lot-et-Garonne. (Crédits : WD Protection)

Elles ont en commun d'avoir fourni ou de produire des masques pendant la pandémie mais leur cœur de métier, c'est plus globalement le textile dans le secteur sanitaire. Mundao, à Bordeaux, a développé une couche baptisée « Popotine » tandis que WD Protection, à Saint-Romain-le-Nobles (Lot-et-Garonne), a mis au point une serviette hygiénique sous la marque « La Belle Absorbante. » Derrière ces produits, une volonté affirmée de prendre sa part dans la transition écologique et la lutte contre la précarité avec le zéro déchet en ligne de mire.

« Les textiles sanitaires à usage unique représentent 15 % des ordures ménagères en volume, derrière les biodéchets et les plastiques ! À elles seules, les couches bébé représentent 500.000 tonnes de déchets par an en France. Elles sont enfouies ou incinérées. C'est une aberration écologique sachant qu'elle sont composées de matières organiques à 75 %. Elles peuvent donc être valorisées, notamment compostées. Les sols manquent cruellement de matières organiques. Il y a un vrai enjeu à créer une boucle sur ce déchet », expose Stéphanie Mazet, co-fondatrice de Mundao qui développe depuis 2015 des produits fabriqués à partir de matériaux récupérés.

Popotine

La couche a été testée dans des crèches de Bordeaux en 2022. (crédits : Mundao)

À l'issue de quatre ans de R&D, l'entreprise a donc produit et fait tester en 2022 la première version de sa couche « Popotine ». « Elle est fabriquée en France par l'un des deux fabricants de couches haut de gamme, à partir de fibres cellulosiques et de PLA, un polymère biodégradable en compostage industriel », précise Stéphanie Mazet.

70 crèches réparties sur trois territoires (Bordeaux, Poitiers, Libourne) ont déjà expérimenté tout le processus : l'utilisation de la couche, le tri, la collecte et l'envoi sur une plate-forme de compostage industriel. « Notre modèle repose sur la commercialisation des couches, mais nous accompagnons les territoires dans la mise en place d'une filière. » Autre combat : « Le compost est de bonne qualité, nous avons démontré la qualité agronomique de ce compost mais la réglementation ne permet pas encore de faire du compost de couches. La réglementation doit encore évoluer. En attendant, il est accepté en épandage. En ce qui nous concerne nous mettons nos analyses à disposition. »

La deuxième version de la couche Popotine en cours de production sera mise sur le marché après l'été. Elle sera testée sur huit à dix territoires dès septembre tandis que la vente aux particuliers pourrait intervenir fin 2023. « Ce sera le passage à la grande échelle », s'enthousiasme Stéphanie Mazet qui n'avance toutefois pas de prix à ce stade. « Elle est aujourd'hui un petit peu plus chère mais nous avons l'ambition d'augmenter les volumes pour en faire baisser le prix. »

Au-delà de cette couche pour bébé, l'entreprise attaque le prototypage d'un autre produit : la protection adulte contre l'incontinence, pour une expérimentation en 2024. « Là encore, les volumes sont énormes. Cela représente 1,5 million de tonnes de déchets en France », avance Stéphanie Mazet.

Une serviette réutilisable au concours Lépine

WD Protection cible, pour sa part, aux produits de première nécessité. Créée en 2019, la jeune entreprise a développé une serviette hygiénique lavable et réutilisable pour lutter contre la précarité menstruelle.

« Rien qu'à l'échelle du Lot-et-Garonne, 700 jeunes filles de moins de 20 ans ne vont pas à l'école aux moment de leurs règles », assure Ingrid Walbrou, fondatrice de WD Protection.

Cette même serviette a été adaptée pour pouvoir répondre aux problématiques de fuite urinaire. « Cela donne un même produit un peu plus inclusif », insiste l'entrepreneure, enthousiaste à l'idée d'avoir été retenue pour le concours Lépine qui débutera le 27 avril prochain.

Son produit, elle le défend bec et ongle. « Nous avons voulu une serviette économique 100 % recyclable et tissée en France. » Elle vise un prix de vente entre 10 et 12 euros :

« La part de création est souvent assez élevée dans le textile. Moi je fais le choix de réduire ma part car c'est un produit de première nécessité. C'est mon moyen d'agir sur le prix. Aujourd'hui, il s'agit de bien se concerter avec les pharmaciens qui la proposeront à la vente pour que dans la globalité tous les acteurs s'y retrouvent mais surtout le consommateur final », explique Ingrid Walbrou.

Un investissement d'un million d'euros

Mais Ingrid Walbrou défend aussi un modèle d'industrie agile. L'entreprise a conçu avec un ingénieur industriel une machine capable de fabriquer des serviettes et des masques dont la conception a été initiée par Bordeaux Métropole qui a souhaité impulser une filière locale de fabrication de masques biodégradables. « Cette machine est indispensable pour la fabrication des masques, mais si elle n'est pas utilisée à 100 % sur le masque, l'idée est de pouvoir faire un pivot sur la serviette hygiénique. » WD Protection cherche à lever un million d'euros pour acquérir cette machine qui n'existe pas sur le marché. « Si ce n'est pas possible, nous procèderons par étapes. » L'idéal ? Pouvoir en avoir fait l'acquisition en janvier 2024.

Ingrid Walbrou défend enfin un modèle économique basé sur l'économie de la fonctionnalité et de la coopération. « Nous avons envie de réfléchir au-delà de notre produit et de voir les activités plus globales que nous pouvons développer. » WD Protection envoie d'ores et déjà ses chutes textiles à un acteur de la transformation de la matière qui fabrique de nouveaux produits, typiquement des fournitures scolaires.

Lire aussiL'économie de la fonctionnalité ou comment sortir de la dépendance volumique

L'annonce par Elisabeth Borne, en mars, d'un remboursement des protections périodiques réutilisables par la Sécurité sociale, à partir de l'an prochain, Ingrid Walbrou l'accueille avec enthousiasme mais non sans une pointe d'inquiétude. « J'espère que cette mesure sera bien étudiée pour valoriser les savoir-faire français et qu'elle ne sera pas destructrice de notre modèle. »

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