
Difficile de trouver des indicateurs en hausse dans les résultats financiers de Cnova, la maison mère de droit néerlandais de Cdiscount, présentés fin février. Sur un marché du e-commerce en cours de normalisation après deux années alimentées par les confinements sanitaires (lire encadré), le champion français basé à Bordeaux affiche des résultats en net repli sur un an mais aussi, plus inquiétant, par rapport à l'avant pandémie.
Par rapport à un exercice 2021 déjà compliqué, le volume d'affaires (*) est ainsi en baisse de -17 % à 3,5 milliards d'euros tout comme le chiffre d'affaires (-21 % à 1,7 milliard d'euros) tandis que l'Ebitda (*) plonge de -49 % à 52 millions d'euros. Le tout pour un résultat courant en chute de -59 % à -46 millions d'euros et un résultat net négatif : -73 millions d'euros contre -51 millions d'euros un an plus tôt.
Le e-commerce encaisse le contrecoup des années Covid Avec 146,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur l'année 2022, l'e-commerce français affiche une croissance de 13,8 %, d'après le bilan annuel de la Fevad. Mais cette tendance globale cache la baisse historique de la vente de produits de 7 % tandis que la vente de services, en hausse de 36 %, tire le marché. Le secteur a encaissé le retour à la normale après le coup d'accélérateur des années Covid. Par rapport à 2019, la vente de produits sur Internet conserve une belle hausse de 33 % tandis que la vente de services en ligne bondit de 50 %.
Pour autant, Thomas Métivier, le nouveau directeur général de Cdiscount, nommé début janvier, veut voir le verre à moitié plein comme il l'explique à La Tribune :
« Compte tenu de nos catégories de produits, on considère que le marché est difficile et qu'on se situe dans la tendance du marché. Et les segments que l'on développe depuis plusieurs années sur-performent largement : la marketplace résiste avec des revenus quasi stables sur un an (-2 %) et en hausse de 28 % versus 2019 tandis que les revenus issus de l'advertising [publicité en ligne] progressent tout comme nos nouvelles activités Octopia et Clogistics. »
Taux de marge, seul indicateur en hausse
Mais les chiffres restent néanmoins durs pour Cdiscount si l'on compare 2022 à 2019, dernière année avant la pandémie : -10 % pour le volume d'affaires, -41 % pour le chiffre d'affaires et -12 % pour le résultat net. Au total, le taux de marge est le seul indicateur à progresser sur l'année 2022 en atteignant 23,2 %, soit 1,3 point de plus qu'en 2021 et 5,4 points de mieux qu'en 2019. « L'amélioration de la profitabilité de nos activités en propre est vraiment un axe majeur de notre stratégie et on voit que le taux de marge progresse à la fois grâce à la marketplace et à nos autres activités. C'est un indicateur important parce qu'il incarne la transformation stratégique de Cdiscount », appuie Thomas Métivier.
Il met ainsi en avant la progression des revenus tirés de la publicité en hausse de 5 % à 71 millions d'euros et le bon démarrage d'Octopia. Lancée en 2021, la filiale, qui fournit des marketplaces clé en main à des clients tiers, affiche 19 millions d'euros de chiffre d'affaires en hausse de 66 % avec 26 clients fin 2022. De son côté, l'autre filiale Clogistics, dédiée à la gestion intégrée des stocks et des livraisons, a signé trois gros clients l'an dernier (Boardriders, les Raffineurs et un acteur du luxe). Mais les revenus de ces activités ne pèsent au total que 101 millions d'euros, en baisse de -8 % sur un an. Parallèlement, la vente de Floa Bank à BNP Paribas et la cession de la majorité du capital de CChezVous, filiale dédiée aux encombrants, à GeoPost (groupe La Poste) a permis à Cnova d'encaisser au total 79 millions d'euros.
La marketplace prend toujours plus de poids Engagée depuis plusieurs années, la montée en puissance de la place de marché, jugée plus profitable, se confirme au détriment de l'activité historique d'achat et vente en direct qui a été rationalisée (-27 % sur un an). La marketplace pèse désormais 51,5 % du volume d'affaires, contre 45 % un an plus tôt, et a même dépassé 60 % à plusieurs reprises depuis le début de 2023. Elle a généré 191 millions d'euros de revenus l'an dernier (-2 % sur un an) « La croissance de la marketplace avec des moyens dédiés pour avoir plus de vendeurs et plus de produits et donc plus clients est un axe majeur pour nous », confirme Thomas Métivier.
75 millions d'euros d'économies
Mais malgré le développement de ces nouvelles activités, Cdiscount n'a pas d'autre choix que de couper dans ses coûts de fonctionnement. Ce « plan d'efficience » a déjà permis d'économiser 47 millions d'euros en 2022 par rapport à 2021 et doit encore monter en puissance pour dégager 75 millions d'euros d'économies supplémentaires sur l'ensemble de l'année 2023. Il s'agit notamment d'optimiser stocks, les surfaces et les livraisons, d'améliorer la productivité, de renégocier les contrats de distribution et de rationaliser les frais généraux. Pour autant, alors que les géants de la tech licencient à tour de bras, Thomas Métivier écarte tout impact à court terme pour les 2.000 salariés de Cdiscount :
« Il n'y a pas de risques pour l'emploi : il n'y a pas eu de plan de départs en 2022 et il n'y en aura pas en 2023 ! On profite des départs naturels pour faire des réorganisations lorsque c'est pertinent, notamment pour muscler les équipes en charge de la marketplace et des services BtoB. Mais on continue à recruter de façon importante les expertises dont on a besoin. »
Et pour 2023, la direction de Cdiscount entend continuer à consolider ses deux piliers stratégiques que sont la place de marché et l'amélioration de la profitabilité de ses activités en propre « en augmentant la qualité et la rotation des stocks et en confortant les relais de croissance que sont les revenus publicitaires, notamment les contenus sponsorisés en forte hausse malgré un marché en recul, et les activités BtoB avec la signature à venir de gros clients ». Et Thomas Métivier, qui est l'architecte d'Octopia, d'assurer : « Nous sommes convaincus que nos axes stratégiques sont les bons. Maintenant, il nous faut accélérer ! »
(*) Le volume d'affaires ou GMV pour "gross merchandise volume" est un indicateur utilisé par les entreprises de vente en ligne. Il comprend les ventes de marchandises, les autres revenus et le volume d'affaires de la marketplace sur la base de toutes les commandes validées et expédiées qui transitent par la marketplace. Mais il n'inclut pas les réductions, les coûts de livraison et les retours de produits, ce qui explique notamment la différence avec le chiffre d'affaires qui correspond à l'argent qui rentre réellement dans les caisses de l'entreprise, notamment via les commissions perçues sur les transactions de la marketplace.
(*) L'Ebitda, le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissements vient mesurer la rentabilité financière du cycle d'exploitation de l'entreprise.
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