Horizeo : le projet de centrale solaire géante face aux seize recommandations du débat public

Déboisement, gouvernance, retombées économiques : après quatre mois de débat, plusieurs points de friction apparaissent au sujet du vaste projet Horizeo en Gironde. Mais c’est surtout l’implantation d’un parc photovoltaïque sur une forêt qui constitue le principal point de discorde. La Commission nationale du débat public formule seize recommandations aux maîtres d’ouvrage, Engie et Neoen, mais aussi aux pouvoirs publics.
Le débat public autour du projet Horizeo sur la commune de Saucats en Gironde a duré 4 mois.
Le débat public autour du projet Horizeo sur la commune de Saucats en Gironde a duré 4 mois. (Crédits : CNDP)

"Le projet Horizeo ne pose pas de problème de principe. C'est la localisation qui est questionnée !", a insisté Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat publique (CNDP) qui a dévoilé son rapport, ce mercredi 9 mars à Bordeaux, après quatre mois de débat.

"Il y a consensus sur la place à accorder aux énergies renouvelables, mais pourquoi implanter un tel projet au cœur de la forêt ? C'est le premier point de discorde qui est apparu. Le défrichement nécessaire à sa réalisation est difficilement compréhensible pour le grand public", révèle Jacques Archimbaud en charge du débat public sur ce projet.

Un projet à un milliard d'euros

Pour rappel, Horizeo, projet porté par Engie et Neoen, associe production, stockage et consommation d'énergie sur un même site, à Saucats en Gironde. Cette opération s'articule autour d'un parc photovoltaïque d'une puissance de 1 GW auquel s'ajoutent quatre briques connectées entre elles : un centre de données, des batteries de stockage d'électricité, un électrolyseur pour produire de l'hydrogène et une surface dédiée aux cultures maraîchères sous les panneaux photovoltaïques. Le projet aurait vocation à s'implanter sur 1.000 hectares sur la commune de Saucats en Gironde, une surface pour l'essentiel boisée actuellement dédiée à la sylviculture intensive et à la chasse et au tir à longue distance.

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"Au delà du débat sur la qualité environnementale de cette forêt, les participants ont insisté sur le possible préjudice porté à la filière bois, l'impact sur la biodiversité, le climat et donc le bilan carbone. À cela s'ajoute la crainte d'un projet « industriel », et le sujet des risques incendie et inondation dans une région déjà traumatisée", explique Jacques Archimbaud.

Le centre de données (data center), qui constitue la brique la plus lourde en termes économiques avec un investissement de 200 millions d'euros, a également rencontré de vives oppositions. Globalement, "le concept de plateforme n'a pas convaincu", rapporte Jacques Archimbaud. Les participants ont notamment exprimé le souhait de renforcer les retombées positives sur le territoire. "Ce pourrait être un enjeu décisif", est-il précisé dans le rapport.

Des alternatives examinées

Que faudrait-il donc faire pour rendre le projet plus consensuel ? Jouer sur la taille, les retombées locales, une participation accrue des collectivités ? Conformément aux demandes de la commission nationale dans sa lettre de mission, des alternatives ont été examinées.

  • Celles portées par les maîtres d'ouvrages qui ont présenté des variantes avec leurs avantages et inconvénients ;
  • celle de la CGT qui suggère le retour intégral ou très majoritaire de la production d'électricité dans le secteur public ou sous maîtrise publique ;
  • celle d'associations favorables à une sobriété renforcée
  • celle d'organisations qui suggèrent l'installation massive de panneaux photovoltaïques en toiture et sur des sites artificialisés ;
  • celle d'un scénario nucléaire renforcé

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Seize recommandations formulées

Au final, les maîtres d'ouvrage décideront de la poursuite du projet sous une forme ou une autre.En attendant, la CNDP recommande une continuité de la concertation post-débat avec l'ouverture, le plus rapidement possible, d'un site d'information mais aussi l'association du public et des parties prenantes au suivi des études. Elle préconise également de répondre au public sur la question des boisements compensateurs, sur les alternatives présentées et de répondre aux attentes exprimées en matière de gouvernance du projet.

"Les maitres d'ouvrage sont-ils ouverts à la participation d'une ou plusieurs collectivités au capital et ou à la gouvernance du projet et sous quelles formes ?", interroge notamment le rapport.

La CNDP leur recommande enfin de se positionner sur une offre d'électricité au grand public et de répondre aux attentes de retombées économique et sociale pour le territoire.

Quatre recommandations sont également formulées à destination de l'Etat, aux collectivités territoriales et globalement aux pouvoirs publics, à savoir :

  • actualiser et compléter les études sur le potentiel photovoltaïque des sites artificialisés et des toitures en Nouvelle-Aquitaine ;
  • réviser, affiner et actualiser les documents de programmation du développement du photovoltaïque en Nouvelle-Aquitaine ;
  • préciser et élargir si nécessaire la liste des parcelles ouvertes aux boisements compensateurs ;
  • organiser un « Grenelle » régional du photovoltaïque.

"Nous sommes maintenant dans la décision politique. Il y a urgence à se poser la question sur la façon dont on va implanter de l'énergie renouvelable sur le territoire. Il y a des efforts à faire et la question phare consiste à savoir qui prend en charge quoi", explique Jacques Archimbaud.

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Les maîtres d'ouvrage ont désormais trois mois pour répondre à la CNDP qui donnera, à son tour, un avis sur cette réponse. Un ou deux garants seront ensuite nommés. "Nous interviendrons jusqu'au stade de l'enquête publique, en juin ou juillet", rappelle Jacques Archimbaud qui prévient déjà : « il faut écouter le débat public. » Et de citer deux projets emblématiques qui ont été abandonnés ces dernières années : Notre-Dame-des-Landes près de Nantes ou EuropaCity dans le Val d'Oise. "Une calamité pour toutes les parties, où tout le monde perd confiance." Sur les 100 débats publics organisés en 25 ans par la CNDP, 58 % des projets ont été modifiés.

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