Vincent Chauvet et Baptiste Cartereau attendent avec impatience les nouvelles machines pour brasser et embouteiller encore plus de litres de leur bière La Superbe. "Notre capacité passera de 160.000 litres, limite que nous avons atteinte l'an dernier, à 500.000 litres", explique Vincent Chauvet, cofondateur en janvier 2017 de cette microbrasserie installée à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Pour financer l'investissement d'un million d'euros, les entrepreneurs se sont tournés vers le fonds régional Herrikoa "pour son réseau et parce qu'ils ne regardent pas uniquement la rentabilité". Patrick Demolin, directeur général de Hostel20 qui ouvrira une auberge de jeunesse au printemps prochain à Bayonne, a lui aussi sollicité Herrikoa l'an dernier : "Nous accueillerons aussi des personnes en situation difficile, des hébergements dits tremplins, et réserverons des lits aux saisonniers. L'ancrage local de Herrikoa nous permet de maximiser les chances de réussite du projet".
Ces témoignages permettent de saisir le caractère particulier de Herrikoa signifiant "ce qui provient du pays ou du peuple" en basque. Pionnier du capital-investissement solidaire et de proximité, le fonds a été créé en 1980, époque où le chômage est très élevé et le territoire encore faiblement industrialisé. Ce sont des entrepreneurs - au premier chef, le fabricant de sièges de bureau Sokoa de Hendaye - désireux d'amorcer une dynamique collective en mobilisant l'épargne populaire et locale. En quarante ans, selon un décompte arrêté fin juin 2021, Herrikoa a ainsi investi 19,1 millions d'euros dans 378 entreprises et ainsi contribué à la création ou la préservation de 4.054 emplois.
Au total, le fonds compte 5.035 actionnaires : 4.500 personnes physiques (qui ont confié 106 euros au minimum), des entreprises (dont Sokoa qui a une part de 7 %, plus importante que ses pairs), des banques (Crédit agricole Pyrénées Gascogne, Crédit coopératif...) et une myriade d'acteurs publics (la Région Nouvelle Aquitaine, l'Agglomération Pays basque, la CCI de Bayonne et Bpifrance).
Siège social au Pays basque
La formule de Herrikoa n'a pas pris une ride. Malgré le contexte difficile, cette dernière année (exercice juin 2020-juin 2021), le fonds dirigé par Marie-Claire Sallaberry a compté 350 emplois créés par les 89 entreprises accompagnées actuellement (listées ici) et a généré un bénéfice record de 283.500 euros, qui sera intégralement réinvesti. "Nous finançons les besoins immatériels des entreprises qu'ils soient liés à des projets de création, de développement ou de transmission", explique Jérémie Leborgne, chargé d'affaires. Si Herrikoa finance des sociétés de toute taille et de tout secteur d'activité, à l'exception de l'immobilier, elles doivent respecter un critère primordial : leur siège social doit être au Pays basque. "Et le projet doit être économiquement viable évidemment", ajoute Jérémie Leborgne, qui instruit les dossiers, avant de les soumettre tous les mois au comité technique, composé de professionnels (dirigeants ou cadres d'entreprises, expert-comptables...).
De façon collégiale, ce comité a ainsi décidé de soutenir Wikicampers (locations de véhicules aménagés entre particuliers, Bidart), Larripa (électricité et thermie, Bassussarry), Monsieur Txokola (chocolatier, Bayonne), mais aussi Bioluz (laboratoire pharmaceutique, Saint-Jean-de-Luz), Copelectronic (matériel électronique, Saint Pierre d'Irube) ou encore Alki (meubles, Itxassou). Ces trois derniers sont des Scop (sociétés coopératives et participatives), des sociétés dans lesquelles les salariés détiennent plus de la moitié du capital et pour lesquelles Herrikoa a un petit faible : le fonds est présent dans neuf nouvelles Scop sur dix et en a soutenu plus d'une vingtaine à date sur le territoire.
Herrikoa a ainsi constitué une véritable communauté, son soutien allant au-delà de l'apport financier, pour lequel le montant varie entre 75.000 euros, pour des projets de création, à 300.000 euros en cas de projets de développement plus importants ou encore d'accompagnement d'un repreneur. Herrikoa peut intervenir de cinq manières différentes, mais la montée au capital et le compte courant d'associé (comparable à un prêt bancaire) sont les plus fréquentes.
"Nous nous associons toujours de façon minoritaire (moins de 30 %) au projet et sans s'immiscer dans la gestion de l'entreprise", précise Jérémie Leborgne. "Et ce pour une durée moyenne de cinq à sept ans. A moins que nous repartions, d'un commun accord, pour un nouveau projet, ce qui arrive souvent", sourit le chargé d'affaires.
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