« La production internalisée et made in France est un élément central d'Ultra Premium Direct »

INTERVIEW. Elle vient de signer la plus grosse levée de fonds de Nouvelle-Aquitaine avec l'ambition de révolutionner le marché européen de l'alimentation des animaux de compagnie grâce à la vente directe. Basée en Lot-et-Garonne, la startup Ultra Premium Direct a cédé la majorité de son capital à Eurazeo Brands pour 68 millions d'euros. Matthieu Wincker, son CEO de 47 ans, revient dans La Tribune sur la croissance fulgurante de son entreprise, son choix du made in France et ses projets de développement e-commerce et à l'international.
Sophie et Matthieu Wincker et deux de leurs animaux domestiques reviennent en détails, pour La Tribune, sur les plans de développement d'Ultra Premium Direct après avoir levé 68 millions d'euros.
Sophie et Matthieu Wincker et deux de leurs animaux domestiques reviennent en détails, pour La Tribune, sur les plans de développement d'Ultra Premium Direct après avoir levé 68 millions d'euros. (Crédits : Ultra Premium Direct)

LA TRIBUNE - Quel est le début de l'histoire d'Ultra Premium Direct que votre femme Sophie et vous avez fondé fin 2012 ?

MATTHIEU WINCKER - On s'est rencontrés à l'Essec en 1996 avant de mener chacun une carrière commerciale et marketing dans des PME comme des grands groupes et de se retrouver en Lot-et-Garonne de 2005 à 2009 avant de revenir s'y installer en 2021. Puis en tant que propriétaires de deux chiens, trois chats, deux poneys et un lapin, on s'est intéressés à l'alimentation animale avec le regard du consommateur ! On a vite compris qu'il y avait soit des produits accessibles, mais de qualité médiocre et très peu de protéines d'origine animale, soit des produits de relativement bonne qualité mais très chers. C'est de ce constat qu'est née l'idée de casser les codes du marché en créant une marque qui vende en direct de l'usine, sans intermédiaire, des produits respectant le régime alimentaire naturel des chiens et des chats. C'est ce qu'on a commencé à faire en 2013.

L'entreprise compte 110 salariés aujourd'hui et table sur un effectif de 180 personnes fin 2022. C'est une croissance très soutenue...

Oui, c'est vrai. Mais si on veut continuer à délivrer un service de très bonne qualité, sans rupture d'approvisionnement et en tenant les délais de livraison, il faut grandir ! Pour vous donner une idée, on faisait 12,7 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, 20,7 millions d'euros en 2020 et on devrait être autour de 34 millions d'euros en 2021 puis au-delà de 50 millions d'euros en 2022 ! On prévoit donc de recruter 35 personnes cette année entre Agen et Bordeaux.

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Avec un peu de recul sur cette période de création puis de très forte croissance, qu'est-ce qui a été le plus compliqué à gérer ?

Avec nos expériences respectives, moi dans des comités de direction et Sophie sur le plan opérationnel, nous étions plutôt bien armés. Mais le plus difficile c'est de devoir arbitrer en permanence entre des investissements productifs et des investissements de marketing parce qu'il est très difficile de faire les deux en même temps, même avec des produits qui dégagent de la marge. Si bien qu'on a un peu roulé avec le frein à main jusqu'en 2019 avant de pouvoir réellement accélérer. L'autre obstacle c'est probablement l'accumulation de contraintes règlementaires et d'autorisations administratives qui sont probablement nécessaires mais dont on a assez peu idée tant qu'on y est pas confronté directement ! D'autant que même si on respecte tout à la lettre, l'Etat a lui du mal à tenir les délais qu'il s'est lui-même fixé !

Matthieu Wincker Ultra Premium Direct

Sophie et Matthieu Wincker (crédits : Ultra Premium Direct).

Alors que les discours politiques vantent depuis 18 mois les mérites et l'importance de construire et rapatrier des usines en France, cette étape a-t-elle complexe ?

C'est en 2018 qu'on a vraiment investi dans l'usine à Estillac, près d'Agen, en faisant entrer au capital un investisseur minoritaire. A ce moment là, on a internalisé la fabrication des croquettes en déployant notre propre ligne de fabrication. La surface de l'usine est alors passée à 4.000 m2 et elle va encore doubler de taille à 8.000 m2 en 2021. Cela va nous permettre de produire environ 20.000 tonnes par an de croquettes. De quoi tenir jusqu'à mi-2022 et de nouveaux investissements.

Oui, construire une usine, c'est compliqué ! Notamment à cause du risque financier que suppose l'endettement nécessaire à la construction. Les mairies et agglomérations sont favorables à ce type d'implantations et nous aident à trouver les terrains mais c'est vrai qu'il reste énormément d'autorisations administratives longues et lourdes au niveau des permis de construire, des normes ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement), des règlementations sanitaires, etc. Au total, pour quelqu'un qui partirait de zéro avec de moyens limités, ça peut être extrêmement complexe à gérer.

Avez-vous envisagé de faire autrement, en sous-traitant votre production par exemple ?

Entre le lancement commercial en 2014 et 2018, on avait une usine mais essentiellement concentrée sur l'emballage sans fabrication sur place. Mais, à partir de ce moment là, le fait de disposer de notre propre usine de conditionnement puis de fabrication était incontournable pour nous parce qu'à la base de notre modèle, il y a la volonté de contrôler la qualité et la distribution de nos produits. Cette démarche internalisée de "made in France" est un élément central de notre modèle parce qu'il nous permet de garantir la qualité tout en évitant d'offrir des marges à des distributeurs et revendeurs. Le résultat nous permet d'afficher des tarifs environ 40 % inférieurs à la concurrence !

Quelle est votre stratégie en matière de e-commerce ?

Les ventes directes sur notre site internet représentent 90 % des nos ventes, les 10 % restants se font par téléphone. On applique notre stratégie de vente directe également au e-commerce puisqu'on a décidé de ne pas travailler avec les marketplaces. Nos produits ne sont disponibles que sur notre site pour éviter de redonner de la marge à un intermédiaire qui nous obligerait à remonter nos prix. Et ça fonctionne puisque nous avons déjà 200.00 clients dont 70.000 abonnés sans engagement.

Comment s'est déroulée l'entrée d'Eurazo qui est devenu début mai majoritaire au capital de l'entreprise pour 68 millions d'euros ?

Nous sommes régulièrement approchés par des investisseurs parce que nous sommes assez visibles en tant que seule entreprise de vente directe au consommateur sur l'alimentation chiens-chats. L'actionnaire minoritaire entré en 2018 nous a permis d'accélérer mais on est arrivé au bout de ce qu'il pouvait nous apporter au regard de ses équipes et de ses moyens. On a donc cherché un nouvel investisseur pour aller à l'international et continuer à accélérer en France. Fin 2020, on a donc lancé le processus et on a reçu beaucoup de propositions fermes. On a retenu Eurazeo parce que c'est une société d'investissement française, de long terme et avec des valeurs que nous partageons en termes d'égalité hommes-femmes et d'engagement sociétal et environnemental.

Comment avez-vous abordé le fait de céder la majorité du capital de votre entreprise ?

La question ne s'est pas vraiment posée comme ça parce que, concrètement, ça ne change pas grand chose pour nous ! Je conserve la gouvernance de l'entreprise. Nous avons estimé que c'est une étape nécessaire et naturelle pour le développement de l'entreprise, pour lui donner des moyens. L'essentiel pour nous est de créer une marque européenne qui révolutionne le marché de l'alimentation animale en touchant le plus grand nombre. L'entrée d'Eurazeo est donc plutôt une opportunité qu'une contrainte notamment parce qu'elle permettra de lever des obstacles financiers.

Levée de fonds record, sélection au French Tech 120... Est-ce que Ultra Premium Direct est une startup ?

C'est difficile à dire... La startup est une qualification que je n'aime pas trop voir accoler à notre entreprise parce que c'est une société qui a été rentable dès sa première année et qui est construite pour être pérenne. On a toujours autofinancé notre développement jusqu'à aujourd'hui et cette rentabilité nous permet aussi de conserver une forme d'indépendance parce qu'on n'est pas à la merci de la prochaine de levée de fonds. Sans l'entrée d'Eurazeo, on aurait poursuivi notre développement à un rythme moins soutenu mais on l'aurait poursuivi quand même ! Nous ne sommes pas une startup qui se cherche ou qui a besoin de financements même si le déploiement à l'étranger va entraîner quelques pertes avant de renouer rapidement avec la rentabilité.

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Quels sont vos projets sur le marché français en termes de diversification ?

On va se concentrer sur ce qu'on sait faire, c'est-à-dire les aliments pour chiens et chats qui ont un régime plutôt carnivore. On va développer de la R&D sur des produits différenciés comme les "toppers", des soupes à la viande à verser sur les croquettes des chiens pour apporter du goût, des omega 3 et de l'hydratation. On va aussi lancer des litières pour chat. L'idée est de proposer à nos clients un service toujours plus étendu.

Et à l'international, quelle sera votre stratégie ?

On va créer deux filiales en Italie et en Allemagne en produisant et en recrutant nos équipes sur place, notamment pour la logistique, le marketing et le service après-vente. L'objectif est vraiment de reproduire le modèle développé à Agen en proposant aux clients allemands et italiens des produits locaux. Même si au démarrage on va s'appuyer sur des fabricants locaux sans créer tout de suite un site de fabrication. Cet ancrage nous permettra aussi d'assurer notre service de livraison à J+1.

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Qu'attendez-vous de la sélection au French Tech 120 aux côtés de Geosat 3D ?

C'est d'abord une grande joie pour nos collaborateurs et ensuite un joli coup de projecteur sur l'entreprise qui montre qu'on a su allier des métiers très traditionnels, de production et de logistique, avec des métiers techs, e-commerce, marketing, fidélisation client, data, développeurs, etc. Cela devrait aussi permettre de faciliter nos recrutements pour notre équipe de développeurs et de web marketing installée à Bordeaux depuis 18 mois. Nous y avons une quinzaine de salariés parce qu'il est plus facile d'attirer et de fidéliser les meilleurs profils à Bordeaux qu'à Agen. Mais on maintient un lien très fort et régulier entre ces deux implantations.

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Commentaire 1
à écrit le 09/06/2021 à 10:20
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Ces chats ont l'air de bien s'occuper de leurs humains ! Mais on ne sait pas tout... ^^ Ca me rappelle un copain qui a reçu une photo pour annoncer l'arrivée d'un nouveau venu avec le bébé dans les bras de la maman et le matou (imposant) dans les bra...

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