Seriez-vous prêt à confier votre santé à une intelligence artificielle ?

Seriez-vous prêt à faire confiance à une intelligence artificielle pour prendre soin de votre santé ? C'est par cette interpellation que le consultant Nicolas Babin, spécialiste des nouvelles technologies appliquées à la santé, a ouvert la 4e édition du Forum Santé Innovation, organisé par La Tribune à Bordeaux le 22 septembre. Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à l'Université de Bordeaux, est lui revenu sur ses travaux de traque des signaux faibles des épidémies sur les réseaux sociaux et internet.
Nicolas Babin a signé la keynote d'ouverture du 4e Forum Santé Innovation organisé par La Tribune à Bordeaux le 22 septembre 2020.
Nicolas Babin a signé la keynote d'ouverture du 4e Forum Santé Innovation organisé par La Tribune à Bordeaux le 22 septembre 2020. (Crédits : Agence APPA)

Spécialiste reconnu de la transformation numérique dans le monde de la santé, mutli-entrepreneur, notamment au sein de Mirambeau AppCare, et consultant pour le Chinois Huawei sur l'intelligence artificielle et la 5G et pour les Américains Google et IBM sur l'IA, Nicolas Babin a inauguré la 4e édition du Forum Santé Innovation ce 22 septembre 2020. L'occasion d'interroger notre rapport à l'IA et à la 5G en matière de santé en résonance avec les observations de Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à l'Université de Bordeaux, directeur de l'équipe de recherche Inserm/Inria SISTM et chef du service d'information médicale au CHU de Bordeaux.

Lire aussi : Forum Santé Innovation : comment la pandémie de Covid-19 stimule l'innovation dans la santé

Alors, seriez-vous prêt à faire confiance à une intelligence artificielle (IA) pour prendre soin de votre santé ?

"La question est en réalité un peu désuète car l'IA est déjà tout autour de nous avec de multiples applications médicales : diagnostics de cancers, de mélanomes, de dépressions ou de maladie d'Alzheimer, analyses radiologiques, prévisions de sorties de coma, algorithmes de prévention ou d'analyse des effets combinés des médicaments, assistance robotique pour la chirurgie, prévisions épidémiologiques, etc.", répond d'emblée Nicolas Babin.

Pas de science sans conscience

"Il y a aujourd'hui un grand manque de personnels de santé face à une population vieillissante et probablement autour de cinq milliards de personnes qui n'ont toujours pas accès à des soins de qualité à un coût raisonnable !" Face à ce constat, le consultant, estime que l'arrivée de la 5G, déjà déployée dans 200 hôpitaux chinois, est une partie de la solution notamment en facilitant le travail collaboratif et à distance avec un temps de latence extrêmement faible, inférieur à une milliseconde, et une précision d'image extrêmement forte de qualité 8K. "La 5G et l'IA permettent aussi d'utiliser des robots semi-autonomes pour la chirurgie. Ils ne viennent pas à la place du chirurgien mais à ses cotés pour lui permettre de réaliser des actes plus rapides, plus efficaces et plus précis", assure Nicolas Babin, qui rappelle que la 1ere opération chirurgicale à distance avec la 5G a été réalisée lors du Mobile world congress de Barcelone en février 2019.

Pour autant, si ce promoteur international de la 5G est convaincu que "la santé est le domaine qui bénéficiera le plus de cette innovation", il insiste aussi sur les enjeux éthiques et la nécessaire prise de recul face à ces nouveaux outils. Et Nicolas Babin de citer François Rabelais : "La science sans conscience n'est que ruine de l'âme."

De quoi faire réagir Rodolphe Thiébaut, professeur de santé publique à l'Université de Bordeaux, qui reste très pragmatique face aux effets de mode de l'IA. "Le cadre général de l'intelligence artificielle c'est d'essayer de tendre vers l'intelligence humaine [...] Mais quand on parle d'applications d'IA en santé on parle de beaucoup de choses parfois très éloignées de l'IA. On parle d'apprentissage machine, d'apprentissage statistique, d'apprentissage profond : en clair ce sont des algorithmes qui nous aident à mieux analyser des données !", résume-t-il.

Lire aussi : "Il ne tient qu'à nous de définir l'IA que nous voulons en Europe" (Eneric Lopez, Microsoft)

Traquer les signaux faibles sur internet

Pour autant, les faits sont là : "Les quantités énormes de données disponibles, la puissance croissante des microprocesseurs et les progrès spectaculaires des algorithmes décrivent une réalité avec des applications parfois très efficaces notamment pour l'analyse et la reconnaissance d'images !", poursuit Rodolphe Thiébaut. Au CHU de Bordeaux, son équipe travaille notamment sur la surveillance et l'analyse des réseaux sociaux et des contenus publiés sur internet pour prédire l'éclosion et le développement d'épidémies alimentaires ou infectieuses de manière parfois très précoce.

Des solutions aussi pertinentes que prometteuses mais pas encore décisives, souligne le chercheur : "Ce sont des outils très fins rétrospectivement mais, de manière prospective, on imagine mal que des décisions politiques soient prises en étant seulement fondées sur l'analyse des flux de données sur internet. Tout le monde reste très prudent. C'est encore très compliqué mais il y a des progrès rapides notamment sur la compréhension automatique des textes sans analyse humaine."

Forum Santé Innovation 2020 Rodolphe Thiébaut

Rodolphe Thiébaut (crédits : Agence APPA).

Et Rodolphe Thiébaut de revenir sur la notion de "signaux faibles" utilisés pour détecter les épidémies le plus tôt possible :

"L'idée générale est de remonter jusqu'à des données le plus en amont possible en travaillant internet mais aussi et surtout avec tous les acteurs de la chaîne médicale. Tout l'enjeu dans cet énorme bruit de données permanent est d'identifier et de comprendre le signal de telle ou telle épidémie. Donc la première étape, avant même de vouloir analyser les données, est finalement de structurer ces flux de données, de les trier et de les hiérarchiser. Concrètement cela se traduit par exemple par la création de postes d'architectes de données au sein du CHU."

Lire aussi : Pourquoi le CHU de Bordeaux bâtit son propre entrepôt de données de santé

Et in fine, le praticien bordelais rejoint Nicolas Babin sur un point : l'intelligence artificielle ne va remplacer les médecins ni les professionnels de santé. "Ce sera une aide, bien réelle, mais seulement une aide parce qu'au fond il y aura toujours une décision humaine à prendre que ce soit par le médecin, le chirurgien ou le politique !", rappelle--il, avant d'insister sur le besoin massif et extrêmement rapide de formation des étudiants et personnels de santé sur ces sujets d'avenir.

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