Fraises, melons, carottes : « Il faut s'attendre à des retards de commercialisation »

INTERVIEW. Impact de la météo sur la récolte 2024, impact de l'inflation sur les habitudes de consommation et difficultés persistantes du bio : tour horizon des problématiques de la filière fruits et légumes avec Jean-Hugues Belland, président du grossiste bordelais Profex et d'Interfel Nouvelle-Aquitaine, l'organisation professionnelle qui réunit les professionnels de l'amont et de l'aval des fruits et légumes.
Les fraises, spécialités régionales, tardent à arriver sur les étalages faute d'ensoleillement suffisant.
Les fraises, spécialités régionales, tardent à arriver sur les étalages faute d'ensoleillement suffisant. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La Nouvelle-Aquitaine connaît depuis le début de l'année une pluviométrie très abondante et un déficit d'ensoleillement. En quoi cette météo inquiète-t-elle la filière qui produit habituellement 830.000 tonnes de fruits et légumes par an ?

Jean-Hugues BELLAND - La production de fruits et légumes ne devrait pas être pénalisée mais en revanche on a clairement des retards de maturité. Il faut donc s'attendre à des retards de commercialisation de certains produits. On constate un creux de production pour les fraises qui souffrent d'un ensoleillement insuffisant et donc de retards assez importants par rapport à la demande bien qu'il n'y ait pas de pénurie. Il n'y a pas de catastrophe mais une inquiétude, particulièrement chez les producteurs de melons en Lot-et-Garonne. Leurs produits arriveront en août avec un bon mois de retard et cela pourra les confronter à la concurrence des melons du Poitou-Charentes. Mais la saison sera aussi prolongée en septembre. C'est le même phénomène pour les carottes. À l'inverse, avec l'humidité, la récolte des asperges a été quasi-impossible et la saison s'est terminée plus tôt. La cerise est le produit le plus compliqué puisque la pluie ne permet pas de les cueillir et qu'elles s'abîment sur l'arbre avec, pour le coup, un risque réel de pertes de production, notamment dans le bassin agenais.

Jean-Huges BELLAND

Jean-Hugues Belland préside Interfel Nouvelle-Aquitaine depuis 2021 (crédits : Interfel).

Dans ce contexte et compte-tenu de l'inflation de ces derniers mois, comment se porte la consommation de fruits et légumes ?

Ce sont des produits tendances portés par les recommandations alimentaires. Nous sommes depuis des années sur une croissance raisonnable mais régulière, entre +1 % et +3 % par an, qui s'explique par la croissance de la population plus que par une hausse des quantités consommées par habitant. Au-delà des effets ponctuels liés à la rareté temporaire d'un produit, comme sur la fraise en ce moment, l'inflation lissée sur un an n'est que de 1 % pour les fruits et légumes.

Par ailleurs, on observe au fil du temps de nouvelles habitudes d'achat. Les consommateurs restent attachés à la saisonnalité et à l'origine locale mais ils se tournent aussi davantage vers les produits faciles à manger : clémentines, kiwis, pêches plates, bananes et fruits à grignoter (fraises, framboises, myrtilles, etc.). Du côté des légumes, il y a une baisse des ventes des produits frais, notamment le chou-fleur, le brocolis, le petit pois, qui est compensée par une progression des ventes de surgelés. Plus largement, les salades, radis, carottes et les légumes de ratatouille fonctionnent toujours très bien. Au total, les fruits et légumes se vendent moins bien en grande surface au profit des moyennes surfaces spécialisées et des marchés de plein vent.

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Les produits bio ont particulièrement souffert depuis 2022. Observez-vous une reprise de la consommation sur ce segment ?

Non, je ne vois aucun signe de reprise mais toujours une désaffection assez violente des consommateurs, notamment des particuliers, qui n'est pas compensée par la progression dans la restauration collective. D'autant que cette dernière n'a pas toujours les budgets correspondants aux objectifs ambitieux affichés pour le bio. Face à cette étiquette de produits chers réservés aux CSP+, je ne constate pas de redémarrage et j'entends plutôt parler de déconversions chez les agriculteurs...

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Pour recruter les fruits et légumes dans les champs ou les serres, il faut réussir à trouver des salariés. La situation est-elle toujours aussi difficile ?

Les besoins sont toujours aussi importants dans la région et se sont même accentués depuis le Covid. La filière régionale compte 24.000 personnes dont un tiers de saisonniers sur des métiers souvent assez techniques. Ces derniers sont des travailleurs étrangers à 80 %. On essaie de pallier le manque de main d'œuvre en travaillant sur l'automatisation et la robotisation de certaines tâches et en communicant davantage auprès des écoles, universités et centres de formation sur la diversité de nos métiers agricoles, logistiques et commerciaux. Avec le vieillissement de la population, de nombreuses exploitations sont aussi face à une problématique de transmission et ce n'est pas toujours évident de trouver un repreneur, loin de là, ce qui entraîne mécaniquement des phénomènes de concentration des exploitations.

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830.000 tonnes récoltées chaque année

La filière régionale des fruits et légumes c'est plus de 5.000 entreprises, dont 4.000 exploitations agricoles, et 24.000 salariés. 830.000 tonnes de produits frais sont récolés chaque année en Nouvelle-Aquitaine qui est le premier producteur national de fraises, carottes, kiwis, asperges et noisettes. La région figure au 2e rang pour les tomates, aubergines, framboises, noix et châtaignes et au 3e rang pour les melons, prunes et potirons. Au total, elle pèse 14 % de la production française de fruits frais et 12 % des légumes frais.

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Commentaire 1
à écrit le 28/05/2024 à 10:29
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C'est à partir du moment où des gens ont décidé de faire des fortunes sur la nourriture que nos problèmes ont commencé. "Partout où quelque chose ne va pas quelque chose est trop gros" Kohr. Or partout du gras, du gros, de l’obèse, de l'impotent, de ...

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