Les robots agricoles en quête de force industrielle face aux herbicides

A l'heure où les modèles économiques des exploitations sont à bout de souffle, les concepteurs de robots agricoles veulent accélérer sur leurs solutions. Cyclair dans la Vienne et Vitirover en Gironde se dotent de moyens pour fabriquer leurs modèles électriques en grandes séries et dire adieu aux herbicides.
Maxime Giraudeau
Le robot conçu et assemblé par Cyclair dans la Vienne pèse près de deux tonnes.
Le robot conçu et assemblé par Cyclair dans la Vienne pèse près de deux tonnes. (Crédits : Nicolas Beublet / La Tribune)

« Les agriculteurs sont très volontaires mais la réalité économique les rattrape. Quand ils ne gagnent pas leur vie, j'ai du mal à voir comment on peut leur en demander toujours plus. » Cette préoccupation, c'est celle d'un fils d'agriculteur devenu entrepreneur. À 34 ans, Sébastien Gorry dirige la startup Cyclair qui conçoit des robots désherbeurs capables de remplacer les produits phytosanitaires.

Des nouveaux alliés mécaniques pour l'agriculture portés par une levée de 2,1 millions d'euros bouclée en décembre dernier. Avec leurs trois mètres de large pour deux tonnes à la pesée, ces laboureurs connectés, conçus à Pressac (Vienne) peuvent éliminer les herbes parasites dans les cultures de tournesol et maïs grâce à une intelligence artificielle embarquée.

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« En grand champ, les conditions sont très irrégulières. Les parcelles peuvent inonder. Avec un simple GPS, le robot pourrait se planter. Nous, on se base sur du computer vision et de l'IA [vision par ordinateur et intelligence artificielle, ndlr], ce qui lui permet d'adapter sa trajectoire », explique Sébastien Gorry. Le président de la startup créée en 2019 a choisit de s'implanter en pleine campagne, dans le sud de la Vienne, à proximité de la ferme familiale. Pas de quoi faciliter le développement d'une production industrielle.

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Sébastien Gorry a fondé Cyclair en décembre 2019. (crédits : Nicolas Beublet / La Tribune)

Une cadence industrielle

Pourtant, en 2024, Cyclair entame la commercialisation de son robot avec la livraison de sept modèles de pré-série. L'an prochain, elle envisage de sortir dix robots de six mètres de large. Pour tenir ces objectifs, les effectifs sont passés de 16 à 32 personnes employées sur site. La tôlerie est confiée à un sous-traitant mais l'assemblage des engins est réalisé à Pressac. Si le succès vient à se confirmer auprès des coopératives et distributeurs de matériel agricole, la startup pourrait avoir besoin de structures supplémentaires ou de nouer des partenariats.

C'est le choix fait par Naïo Technologies, le premier fabricant français de robots agricoles dédiés au maraîchage et à la vigne, qui s'appuie sur des industriels de l'électronique en Occitanie et dernièrement sur une filiale de Michelin. Avec son tailleur viticole Bakus assemblé en France, Vitibot, basé à Reims, rencontre également un succès commercial auprès des grands domaines. C'est également la voix empruntée par Vitirover, le concepteur de robots de tonte à énergie solaire pour les vignobles ou parcs photovoltaïques. La société basée à Saint-Emilion (Gironde) a annoncé l'été dernier le lancement de la production de son furtif robot-tondeur chez le fabricant de boîte de vitesses MMT-B (ex Ford Aquitaine Industries) à Blanquefort.

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Un rapprochement capital pour faire décoller l'activité de Vitirover, créée en 2007 et qui compte aujourd'hui 12 salariés pour 300.000 euros de chiffre d'affaires. « La production était jusqu'à présent très artisanale : on est parvenus à fabriquer une petite centaine de robots depuis le lancement de l'entreprise. Aujourd'hui c'est la cadence mensuelle de MMT-B », compare Guillaume Billard, directeur général de Vitirover.

Pas mieux que le glyphosate sur le coût

Le passage à l'échelle industrielle va permettre d'abaisser le coût de production à 5.000 euros l'unité, pour un prix de vente compris entre 7.000 et 9.000 euros hors taxes selon les modèles. Mais Vitirover ne vend pas tant des robots que des prestation de service, c'est-à-dire « des hectares entretenus ». Un chemin que les engins de Cyclair, bien plus massifs, empruntent aussi sous la forme de prestations de désherbage (entre 160 et 220 euros par hectare et par an). Dans les deux cas, les robots intelligents sont moins compétitifs que leur principal concurrent : le glyphosate.

Le robot tondeur de Vitirover mesure 75 cm de long pour 30 cm de haut et pèse moins de 30 kg. (crédits : Vitirover)

« On est plus cher mais le glyphosate c'est le passé », pense Guillaume Billard, alors que la Commission Européenne a pourtant prolongé en novembre l'autorisation de l'herbicide jusqu'en 2033. Pour Sébastien Gorry, le fondateur de Cyclair, la guerre du coût s'annonce difficile. « La chimie est une solution absolument parfaite : elle demande très peu de mécanisation et de main d'œuvre. On n'arrivera pas à faire mieux que le glyphosate en terme de coût, mais on doit s'en approcher le plus possible », agite-t-il.

Entre les solutions mécaniques, les produits de biocontrôle ou l'appui de la biodiversité, c'est un éventail de possibilités de recherche ainsi qu'un marché colossal qui s'ouvrent pour les entreprises de l'agritech. L'écosystème français est bouillonnant : en 2022, le secteur a levé 490 millions d'euros. Avec le double objectif de sevrer l'agriculture des produits de synthèse et de lui récréer des conditions de revenu favorables.

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Maxime Giraudeau

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Commentaire 1
à écrit le 23/02/2024 à 8:18
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