
C'est sous un soleil de plomb que représentants de la viticulture girondine et charentaise, mais aussi des mondes agricole et politique de Gironde se sont retrouvés ce lundi 4 septembre après-midi à Château Dillon, à Blanquefort (Bordeaux Métropole), pour la pose en Nouvelle-Aquitaine de la première pierre de la future et unique serre « insect proof » régionale.
Par cette expression anglophone, il faut comprendre la même chose que pour les montres « water proof » : pas un seul insecte ne pourra entrer dans ce bâtiment, où les plants de vigne pourront grandir en toute quiétude. Propriété de 40 hectares située dans la Métropole produisant en moyenne 250.000 bouteilles par an d'un Haut-Médoc classé « cru Bourgeois », Château Dillon a été transformé depuis le début des années 1960 en support pédagogique du lycée (public) agro-viticole de Bordeaux-Blanquefort.
Un projet à deux millions d'euros soutenu par la Région
En guise de première pierre, Jean-Louis Dubourg, président de la Chambre d'agriculture de la Gironde, et Alain Rousset, président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, ont décidé de planter un chêne liège. Le premier a rappelé que la chambre consulaire portait ce projet depuis plus de cinq ans, expliquant qu'il est toujours difficile de passer de la conception à la réalisation. D'autant plus en cette période troublée par des crises à répétition.
« Au départ ce projet avait été chiffré à 1,4 million d'euros, mais avec l'inflation la note est montée à 2 millions d'euros. Sans l'appui de la Région, qui soutient cette initiative à hauteur de 900.000 euros par le biais du programme Vitirev nous ne serions pas arrivés au bout », a confirmé en substance Jean-Louis Dubourg.
Au-delà de l'enjeu financier, il a souligné que la création de cette serre « insect proof » s'appuyait sur des travaux en recherche fondamentale, en recherche appliquée, mais aussi sur l'implication des interprofessions de Cognac (Bureau national interprofessionnel du Cognac/ BNIC) et celle des Vins de Bergerac Duras.
Assurer la conservation et la protection du patrimoine végétal
Objectif de cette démarche collective : créer un démonstrateur en grandeur réelle pour tester le fonctionnement de cette serre « insect proof » et le qualifier d'ici 2026 afin de pouvoir établir le profil définitif de la serre. Qui pourrait notamment travailler à la fois pour le CIVB et le BNIC ou alors de façon parallèle dans deux serres distinctes. Président de la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV), pépiniériste girondin installé à Sainte-Florence et maire de sa commune, David Amblevert s'est lancé dans une description fouillée et passionnée des enjeux de sécurisation du patrimoine viticole national contenus dans la création de cette serre. C'est-à-dire conserver le patrimoine végétal existant, le protéger des menaces -anciennes ou nouvelles-, et diffuser le plus rapidement possible le nouveau matériel végétal exempt de risques auprès des viticulteurs.
Ce démonstrateur « insect proof » va se développer sur 800 m2 et sera équipé de 500 m2 de filet maillé au micromètre, pour interdire le passage au plus petit insecte. Comme l'a précisé Bernard Farges, vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), la première serre « insect proof » de France a été lancée l'an dernier au Grau du Roi (Gard/Occitanie) à l'initiative de l'Institut français de la vigne et du vin. Ce démonstrateur sera l'unique site de ce type en Nouvelle-Aquitaine, tandis qu'un autre est en cours de développement en Champagne.
Une coopération inhabituelle entre Bordeaux et Cognac
S'ils ne sont pas concurrents, les vignobles de Cognac et de Bordeaux, qui sont voisins, passent généralement leur temps à s'ignorer et à vivre leur vie chacun de leur côté avec des trajectoires très différentes. D'où l'importance de la venue ce lundi à Château Dillon de François Bodin, co-président de la commission technique et développement durable du BNIC.
« Nous participons à ce projet via une convention signée avec la Chambre d'agriculture de la Gironde et la Région Nouvelle-Aquitaine, en particulier pour mener des travaux en recherche et développement pour aboutir à une viticulture plus durable. Le cépage en Cognac c'est l'Ugni blanc, avec ses porte-greffes spécifiques », a notamment éclairé François Bodin.
Le représentant du BNIC a ensuite confirmé la nécessité qu'il y a à poursuivre les tests de résistance des cépages et leur sélection, puisque l'innovation variétale joue un rôle central pour préparer l'avenir. Bernard Farged a justement souligné l'importance vitale pour le vignoble bordelais (et de Cognac) de pouvoir faire face aux maladies émergentes ou ré-émergentes. Alain Rousset a enfin rappelé l'engagement de la Région à long terme dans la recherche, le transfert de technologie et l'expérimentation ciblés en particulier sur la préservation des qualités organoleptiques des vins malgré les difficultés générées par le changement climatique.
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