En pleine croissance, le Cognac lance le chantier de son nouveau siège

L'interprofession Cognac recevait, lundi 5 juin, le ministre de l'Agriculture pour poser la première pierre de son futur siège en bord du fleuve Charente. Ce nouveau bâtiment qui sera livré en 2025 doit marquer l'évolution du vignoble contrainte par le dérèglement climatique, alors que la filière ne s'est jamais aussi bien portée économiquement.
De gauche à droite, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau et l'architecte Jean-Michel Wilmotte au premier plan, Raphaël Delpech et Christophe Véral du BNIC au second.
De gauche à droite, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau et l'architecte Jean-Michel Wilmotte au premier plan, Raphaël Delpech et Christophe Véral du BNIC au second. (Crédits : MG / La Tribune)

« Nous allons écrire l'avenir là où tout a commencé. » Les représentants de la filière étaient réunis à Cognac sur les quais de la Charente lundi 5 juin, sur les lieux d'embarcation des gabarres qui transportaient l'eau-de-vie il y a 300 ans. Soleil radieux, soutien de nombreux élus, record historique de ventes : le Cognac est en pleine santé dans un monde qui tangue. C'est ici, à mi-chemin entre les domaines des maisons Hennessy et Martell, que sera implanté le nouveau siège du BNIC (Bureau national interprofessionnel du Cognac). La première pierre a été inaugurée par ses dirigeants, en présence du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau. « Un moment symbolique pour la filière », comme l'évoque Christophe Véral, viticulteur et président du BNIC. Un contraste saisissant avec l'état de santé chancelant de son voisin bordelais qui a débuté le même jour un plan d'arrachage de près de 10 % de ses surfaces.

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Situé en centre-ville de la sous-préfecture charentaise depuis les années 1980, le vaisseau amiral de toute l'appellation Cognac va donc se rapprocher de son fleuve d'origine. Sur une surface construite de 6.000 m2, il abritera trois bâtiments, élevés sur pilotis en raison du caractère inondable des terrains. Le siège accueillera dès 2025 une centaine de personnes, salariées du BNIC, syndicats de viticulture et de négoce ou encore un pôle scientifique de recherche. « Le nouveau siège va être un lieu interactif. C'est une nécessité pour la protection de notre appellation », appuie Christophe Véral. Son coût est chiffré à 18 millions d'euros, supporté par le BNIC, la Banque des Territoires et trois banques privées (Crédit agricole, Crédit mutuel du Sud-Ouest et Caisse d'épargne). Un projet finalisé à un moment particulièrement faste pour l'interprofession : l'an dernier, elle a atteint 3,9 milliards d'euros de chiffre d'affaire.

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nouveau siège bnic cognac

Le futur siège a été dessiné par l'architecte Jean-Michel Wilmotte. (crédits : BNIC)

L'un des cépages les plus vulnérables

« Le Cognac sort de trois années de records. Aujourd'hui, on a une petite réduction des ventes mais la vision de la profession s'inscrit à moyen et long terme. On a un petit ralentissement, mais il n'y a aucune inquiétude dans les maisons de Cognac, elles continuent à porter des investissements très forts », déroule Christophe Véral à La Tribune, à l'image d'une filière très confiante. « Nous mettons tous les moyens en œuvre pour assurer la croissance et la durabilité du vignoble », expose-t-il encore dans son discours officiel. Car le Cognac se trouve tout de même, comme l'ensemble de l'agriculture, face aux défis de l'adaptation climatique et de la transition écologique.

L'arrivée du nouveau siège, dont les travaux débuteront en septembre, marque aussi la création d'une nouvelle association interprofessionnelle qui doit plancher sur les évolutions du vignoble en lien avec le climat. Baptisée « Imagine Cognac », elle va engager les maisons viticoles et de négoce à financer des projets d'adaptation autour des cépages résistants, de la réduction des émissions carbone et de l'impact sur l'environnement. « Une initiative pour accélérer la transition environnementale et énergétique » mais surtout une nécessité pour continuer à produire dans un contexte contraint. Selon une étude de chercheurs bordelais sur la résistance de 30 cépages à la sécheresse, l'Ugni-blanc, cépage emblématique du Cognaçais, fait partie des plus vulnérables.

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« La sortie des pesticides à terme »

Le climat obligerait-il l'Ugni-blanc à ne plus être le cépage majoritaire du vignoble ? « C'est fort probable », évoque Patrick Léger, président de l'association Imagine Cognac. « Mais ce seront peut-être des croisements d'Ugni-blanc avec d'autres cépages. » Des croisements qui conservent les qualités organoleptiques de l'Ugni-blanc tout en lui apportant des gènes plus compatibles, issus d'autres cépages, avec la raréfaction de l'eau. « On ne pourra pas les implanter à plus de 5 % de l'encépagement du vignoble et ils ne devront pas excéder 10 % de l'assemblage final dans le produit fini », souligne François Bodin, viticulteur. Un rapport qui illustre la difficulté de mener les transitions nécessaires tout en préservant les critères gustatifs et réglementaires des appellations.

L'interprofession veut aussi profiter de l'arrivée du nouveau siège pour embarquer davantage les viticulteurs dans la réduction de leurs émissions. Plusieurs maisons de Cognac s'apprêtent notamment à communiquer sur des processus de distillation bas carbone, remplaçant l'intervention du gaz dans le processus par des énergies décarbonées. Plus surprenant encore, les représentants annoncent un nouvel objectif : « la sortie des pesticides à terme », affichent aussi bien Christophe Véral que Patrick Léger. Pas d'échéance annoncée, ni de cadre contraint, mais des outils évoqués comme les produits de biocontrôle... ou de nouveaux cépages résistants aux maladies. Une petite révolution de discours dans ce milieu, très gourmand en intrants et produits phytosanitaires. Mais l'ambition paraît encore illusoire alors que Solagro a identifié l'an passé le Cognaçais comme la deuxième région la plus cliente en pesticides de tout le pays.

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Un produit d'exportation face à la souveraineté alimentaire

Si la transition est en marche, le marché, lui, renvoie des signaux plus que positifs au Cognac. Les ventes se sont particulièrement bien portées l'an passé aux États-Unis, en Chine et à Singapour, qui représentent à eux trois 75 % des exportations. Malgré un léger ralentissement des ventes totales en volume, l'interprofession continue à faire croître ses surfaces de production de plusieurs milliers d'hectares chaque année. De quoi pousser encore la spécialisation de ce bassin agricole et valoriser la production d'un alcool consommé à 90 % à l'étranger à l'heure où la France parle de consolider sa souveraineté alimentaire. Interrogé par La Tribune sur la pertinence de ce développement, le ministre de l'Agriculture rétorque par la complémentarité des modèles.

« Le modèle que l'on doit porter ne doit pas être seulement coercitif. On a assez de surfaces en France pour couvrir nos besoins, nous sommes exportateurs sur le lait, les céréales, le maïs... », indique Marc Fesneau. « On a besoin de céréales pour se nourrir, mais le porte-drapeau c'est quand même le Cognac, le Bordeaux ou le vin de Loire. » Le ministre a par ailleurs rappelé le soutien de l'État à la viticulture alors que, contrairement à son voisin charentais, le Bordelais traverse une crise des ventes et bénéficie d'un plan d'arrachage de 67 millions d'euros. Un dispositif auquel s'ajoute des campagnes de distillation et une promotion des vins à l'export. Autant de soucis que le Cognac ne connaît pas au bord de son fleuve si prospère.

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Commentaire 1
à écrit le 06/06/2023 à 8:01
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Où prendre le temps du digestif, c'est une très bonne nouvelle, le bien vivre français est une filière éternelle, mais attention au piège classique de la surproduction dont est victime la filière viticole, c'est le désastre en gironde quand même, et ...

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